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Ordonnance du 21 avril 1944

- Wikipedia, 7/02/2012

L'ordonnance du 21 avril 1944 régit le fonctionnement du Gouvernement provisoire de la République française, présidé par Charles de Gaulle, qui a succédé[1] au Comité français de la Libération nationale (CFLN). Il accorde notamment, par l'article 17, le droit de vote aux femmes françaises ainsi que leur éligibilité.

Sommaire

Contexte

Politique

Les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord en 1942, la France libre y a pied depuis le 31 mai 1943 (à Alger) et le Comité français de la libération nationale (CFLN) est créé en juin 1943, alors qu'une Assemblée consultative provisoire est créée le 17 septembre de la même année et se réunit pour la première fois le 3 novembre. Le CFLN et le chef de la France libre, le général de Gaulle, assistent aux séances, le CFLN devenant le 3 juin 1944 le gouvernement provisoire de la République française (GPRF), dont les États-Unis, l'URSS et le Royaume-Uni reconnaissent la légitimité. Au sein de cette Assemblée consultative provisoire, dont les membres ne sont pas élus mais choisis, siège pourtant une femme, Marthe Simard, entre le 20 octobre 1943 et le 24 juillet 1944, en tant que déléguée des Français établis au Canada.

Les femmes et le suffrage depuis 1848

En France, le suffrage universel (dit « masculin » depuis Jeanne Deroin) prévaut depuis 1848. Malgré des projets de loi en 1901 et en 1909, et l'adoption du droit de vote pour les femmes par la Chambre des députés en 1919, 1922, 1925, 1927, 1935 et 1936, le Sénat fait à chaque fois obstruction (ne présentant pas le texte à l'ordre du jour ou refusant d'en débattre) et ne permet pas à une loi permettant le suffrage féminin d'être adoptée par les deux chambres.

Dès 1942, le 23 juin, le général de Gaulle déclare : « De même que nous prétendons rendre la France seule et unique maîtresse chez elle, ainsi ferons-nous en sorte que le peuple français soit seul et unique maître chez lui. En même temps que les Français seront libérés de l'oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays »[2].

Description de l'ordonnance

L'ordonnance entre dans le cadre de la future loi constitutionnelle de 1945.

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Droit de vote et éligibilité des femmes

Les vendredi 24 et lundi 27 mars se réunit une des commissions de l'Assemblée, la commission de législation et de réforme de l'État. Fernand Grenier préside cette commission qui, ces deux jours, discute de l'égibilité et du vote des femmes « dans les mêmes conditions que les hommes »[3]. L'amendement du communiste Fernand Grenier vise à parfaire une égalité complète de droits politiques entre les deux sexes.

L'amendement Grenier

Débats

Lors des discussions, la commission a déjà « adopté le principe du vote des femmes » (à l'unanimité moins une voix). Néanmoins, cette commission avait également adopté « que les femmes ne voteraient pas aux élections provisoires qui auraient lieu en cours de Libération », dixit François Giacobbi. Ce-dernier déclare : « N'oubliez pas que le délai de trois mois que nous avons prévu pour la reconstitution des listes électorales est extrêmement court […]. D'autre part, il est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? »[3], ce à quoi Fernand Grenier répond : « l'éloignement de leur foyer de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections »[3]. Certains, comme le délégué Ernest Bissagnet, s'inquiète de voir que « l'amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois de femmes que d'hommes qui prendront part au vote », d'autant plus que le groupe des résistants indépendants avait admis de ne pas faire voter les femmes pour les premières élections, craignant un « déséquilibre », ce à quoi le délégué Albert Darnal répond « est-ce à dire que les femmes françaises sont des déséquilibrées ? ». D'autres, comme Louis Vallon déclare qu'il « retrouve dans ce débat les traditions de l'ancien Parlement français dans ce qu'elles avaient de plus détestable. A maintes reprises, le Parlement s'est prononcé à la quasi-unanimité pour le principe du vote des femmes mais, chaque fois, l'on s'est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n'aboutisse pas »[3].

Votes

L'amendement Grenier est adopté le 24 mars 1944, par 51 voix pour et 16 contre.

Votes pour

Paul Antier, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, Raymond Aubrac, Paul Aurange, Vincent Auriol, François Billoux, Raymond Blanc, Florimond Bonte, Jean Bourgoin, Albert Bouzanquet, Georges Buisson, Anselme Carrière, Pierre Claudius, Joseph Costa, Ambroise Croizat, Paul Cuttoli, Albert Darnal, Jean Debiesse, Marcel Duclos, Just Evrard, Pierre Fayet, René Ferrière, Édouard Froment, Albert Gazier, Roger Gervolino, Arthur Giovonni, Joseph Girot, Fernand Grenier, André Marty, Jean-Jacques Mayoux, André Mercier, Roger Mistral, Jules Moch, Pascal Muselli, Pierre Parent, Marcel Poimbœuf, Robert Prigent, Henri Pourtalet, Auguste Rencurel, Pierre Ribière, Paul Tubert, Louis Vallon, Michaël de Villèle.

Votes contre

Marcel Astier, Hyacinthe Azaïs, Albert Bosman, René Cassin, Michel Dumesnil de Gramont, Max Francke, Noël Gandelin, François Giacobbi, André Hauriou, Jean Jacques, Charles Laurent, Henri Maillot, Marc Rucart, Paul Valentino, Paul Viard.

En congé ou excusés

Félix Boillot, Ely-Manel Fall, Henri Seignon, Deiva Zivarattinam.

Ne votent pas

Mohamed Bendjelloul, Ernest Bissagnet, Guy Baucheron de Boissoudy, Pierre Cot, Albert Guérin, Pierre Guillery, Pierre-Olivier Lapie, Léon Morandat, Joseph Serda, Félix Gouin (qui préside la séance).

La décision

Elle est prise par le Comité français de la libération nationale après que l'Assemblée consultative provisoire réunie à Alger ait donné un avis favorable, le 27 mars 1944. L'article 17 déclare : « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». L'ordonnance est prise le 21 avril 1944 et publiée au Journal Officiel du 22 avril[2].

Conséquences

Fin 1944, l'Assemblée consultative se déplace à Paris. Du 7 novembre 1944 au 3 août 1945, siègent 16 femmes parmi les délégués : Lucie Aubrac, Madeleine Braun, Gilberte Brossolette, Marie Couette, Claire Davinroy, Andrée Defferre-Aboulker, Alice Delaunay, Martha Desrumeaux, Annie Hervé, Marie-Hélène Lefaucheux, Mathilde Péri, Pauline Ramart, Marthe Simard, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Marianne Verger et Andrée Viénot. Quelques mois plus tard, les élections législatives du 21 octobre 1945, qui installent une assemblée constituante, sont ouvertes aux femmes et aux militaires, et permettent à 33 femmes d'entrer pour la première fois de l'Histoire à l'Assemblée nationale : 17 sont communistes, 6 socialistes, 9 appartiennent au MRP du général de Gaulle et une provient de l'éphémère Parti républicain de la liberté.

Notes et références

  1. Ordonnance du 3 juin 1944 (texte en ligne).
  2. a et b http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/femmes/citoyennete_politique_de-Gaulle.asp
  3. a, b, c et d Magazine Le Monde 2 des 18-19 avril 2004, page 82.

Articles connexes

Lien externe


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