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Pour en finir avec la laïcité

Journal d'un avocat - Eolas, 15/08/2012

Quel jour meilleur qu’aujourd’hui, jour de l’Assomption et de Lugnasad, fête de Marie et de Diane Aventine, en plein Ramadan et à trois jours de l’Aid El Fitr, à mi chemin entre Chavouot et Roch Achana, Fête des strip-teaseuses et de la bière pour les Pastafariens (mais selon le Calendrier pastafarien, c’est tous les jours la fête des strip-teaseuses et de la bière), quel meilleur jour qu’aujourd’hui, à part peut-être le 9 décembre, pour vous parler de la laïcité ?

S’il est une notion mal comprise, ou plutôt que chacun comprend à sa guise, c’est celle-là. Or ça tombe bien, c’est une notion de droit. De pur droit, car elle a été instaurée par une loi, avant d’être reprise dans notre Constitution, loi qui pose des obligations et des interdictions à l’État et à ses citoyens. La laïcité n’est pas une notion politique, expression qui ne veut pas dire grand chose d’ailleurs, et au contraire, vous allez voir que la politique est précisément celle qui n’a eu de cesse de vouloir lui faire dire tout ce qu’elle ne dit pas. Bref, on est sur mes terres. Souffrez que je vous guide.

La Génèse

Si en France tout finit par des chansons, en droit, tout commence par de l’Histoire. L’Historien est le meilleur ami du juriste, et j’ose croire la réciproque exacte. Les deux se font d’ailleurs régulièrement tancer pour leur approche des faits volontairement dépourvue de passion et ont la curieuse sensation de se faire houspiller de bien faire leur travail.

Dans les sociétés antiques, la religion est au cœur de la société. Le culte des dieux et des ancêtres est le ciment social, et tout manquement à ce culte est très mal vu (voire un crime) car la survie de la société (la Cité, la tribu, la République) dépendant du culte des dieux, y manquer met toute la société en danger. Ainsi, la femme romaine adultère pouvait être mise à mort par le mari car susceptible de donner naissance à un enfant n’ayant pas le sang des ancêtres donc inapte à leur vouer un culte. Le dirigeant de la société est une figure centrale du culte (Pharaon et empereurs se voyaient déifier à leur mort) même s’il n’appartient généralement pas au clergé quand il y en a un. Chaque cité antique avait son dieu tutélaire (Jupiter Capitolin à Rome, Athéna à Athènes, Lacédémon à Sparte, qui porte le nom de l’épouse de ce dieu fils de Zeus).

Le christianisme va supplanter toutes les religions existantes dans l’Empire romain en moins d’un siècle (313 : édit de Constantin, le christianisme devient autorisé ; 382 : édit de Théodose : il devient religion officielle. Aucun lobbyiste n’a fait mieux depuis).

Dans un premier temps, le christianisme va reposer sur la distinction entre le spirituel et le temporel, ou théorie des deux glaives (qui comme vous le verrez est l’ancêtre de la laïcité). À l’Empereur le pouvoir temporel, la charge des corps, à l’Église la charge des âmes. Elle ne s’immiscera pas dans l’exercice du pouvoir temporel, hormis pour conseiller d’Empereur et le rappeler à l’ordre s’il s’éloigne des enseignements de Dieu. Tout allait pour le mieux dans le meilleurs des empires jusqu’en 476 où l’Empire disparut. Pas du jour au lendemain, bien sûr, mais des royaumes indépendants se constituèrent un peu partout dans l’ancien territoire, composé de peuples germaniques dont la plupart n’étaient pas catholiques (mais de nombreux étaient chrétiens ariens, une hérésie niant la divinité du Christ. L’Église fut fort près de disparaître en ce 5e siècle, et, pour faire simple, c’est son alliance avec un jeune roi belge, Clovis (Clovis est natif de Tournai, il est donc plus belge que Français ou Allemand) qui la sauva. L’Église ne va jamais oublier ce moment où elle a vu sa fin si proche. Son obsession va alors devenir unique : recréer l’Empire romain ou son équivalent, le seul de nature à assurer la paix, l’Empire étant le moyen, la paix, la fin. L’Église est d’ailleurs organisée jusqu’à aujourd’hui selon un modèle calqué sur l’administration romaine : une pyramide hiérarchisée avec les évêques dans chaque diocèse (qui est à l’origine une division de la province romaine), équivalent des vicaires, les archevêques au niveau de la Province (équivalent du Gouverneur), avec au sommet le Pape, équivalent de l’Empereur. Aujourd’hui encore, le Pape exerce seul le pouvoir législatif dans la Cité du Vatican.

Clovis va diviser le royaume entre ses fils, selon la coutume germanique, ce qui engendrera des guerres sans fin sous la dynastie mérovingienne (476-751), au point que l’Église appuiera une nouvelle dynastie franque, les carolingiens, dont le roi Charlemagne sera sacré empereur le 25 décembre 800, un peu par surprise. Cet évènement sera lourd de répercussion de par sa forme. Charlemagne en est sorti furieux. Il s’était rendu à Rome porter secours au Pape Léon III en mauvaise posture. Il ramena la paix civile à grand coups de glaives et lors de la messe de Noël, alors qu’il s’était agenouillé pour prier, le Pape lui a déposé la couronne sur la tête. En ce temps là, les symboles étaient puissants. En posant cette couronne, le Pape montrait au monde que c’était l’Église qui avait couronné l’Empereur, laissant entendre qu’elle pouvait le découronner. Elle se mettait en position de supériorité, et Charlemagne n’était pas du genre à accepter d’avoir un patron. C’est pourquoi mille ans plus tard, Napoléon Ier se couronnera lui même empereur sous le nez du Pape, pour lui signifier que cette couronne, il ne la doit qu’à lui même, et que s’il n’était pas content, il n’avait qu’à aller se faire mitre (le mot est apocryphe).

Las, Charlemagne n’apportera pas plus la paix que Clovis, reprenant la coutume désastreuse de diviser le royaume entre ses successeurs, ce qui aboutira en 843 à la division durable de l’Europe entre un bloc germanique à l’est et latin à l’ouest, la bande entre les deux étant l’objet de guerres incessantes. Quand je vous dirai que le Traité qui a ainsi divisé l’Europe a été juré à Verdun, vous savez désormais pourquoi tant de gens sont morts en 1916 pour prendre cette position dont l’intérêt stratégique ne justifiait pas de concentrer à elle seule 10% des morts de la Première guerre mondiale.

Revenons en à notre Église des premiers temps. La couronne impériale survivra aux carolingiens, et donnera naissance au Saint Empire Romain Germanique, qui ne nous concerne pas directement. La France connaîtra un statut à part. Disons que face à l’incapacité des rois temporels à instaurer cette fichue paix, l’Église va mettre fin à la séparation du spirituels et du temporel et va à la place adopter la théocratie pontificale. Le Pape s’arroge le droit de déposer un roi qui manquerait aux commandements de l’Église, se plaçant au-dessus de lui. Le conflit pape-empereur prendra la forme de la querelle des investitures et sera remporté par le Pape en 1077 à Canossa, où l’Empereur Henri IV dût attendre de manière humiliante 3 jours dans la neige avant d’être reçu par le pape pour le supplier de lever son excommunication.

Car l’image d’une France, “fille aînée de l’Église”, soumise docilement à Rome et au Pape est un cliché et une contre-vérité historique. Si la France fut la fille aînée de l’Église, ce fut le modèle adolescente turbulente qui dit merde à sa maman.

De fait, l’arrivée de la dynastie capétienne (987-1789 avec un reboot plutôt raté en 1815-1832) va ouvrir une longue période de conflit entre les rois de France, très jaloux de leurs prérogatives, et la papauté. Le conflit éclatera sous Philippe le Bel, qui s’arrogera le droit de taxer les biens de l’Église, et sera remporté par celui-ci, qui installera la papauté en Avignon pour la garder à l’œil. C’est la naissance du gallicanisme, courant durable qui mettra l’Église française dans une certaine autonomie par rapport au Pape (les évêques sont ainsi nommés par le roi), qui durera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Bossuet, au 17e siècle, est un grand représentant de ce courant, et publie en 1682 les 4 articles gallicans. Les guerres de religion ne traduisent pas une prise de position théologique, l’Édit de Nantes en est la preuve.

Le XIXe siècle sera une période charnière. Il s’ouvre avec le Concordat de 1801 (encore en vigueur dans 3 départements : le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle, qui n’étaient pas Français en 1905) qui assure le libre exercice du culte et la rémunération des prêtres et évêques par l’État (oui, c’est encore le cas en Alsace-Moselle), que la Révolution avaient supprimés, mais exclut tout statut de religion officielle. Napoléon voyait dans la religion un élément de stabilité sociale mais croyait à la nécessité du pluralisme religieux, et se ferme avec l’adoption en 1870 de l’Infaillibilité Pontificale, qui proclame que le Pape est l’autorité suprême en matière de dogme, et oblige le gallicanisme à se soumettre ou à devenir hérésie. C’est cette doctrine qui mettra en branle le mouvement républicain anticlérical qui aboutira à la loi de 1905.

L’Exode

La loi de 1905, loin d’être une victoire anticléricale, est un texte de compromis. Voulu par Emile Combes, portée par Aristide Briand, rapporteur du texte, combattu à sa droite par les conservateurs et les royalistes et à sa gauche par les guesdistes et l’aile gauche du PSF (mentionons Maurice Allard qui voulait aller jusqu’à interdire le port de la soutane), partisans d’un texte beaucoup plus radical, il sera sauvé par le soutien de jean Jaurès qui se ralliera à la position modérée de Briand. L’Assemblée nationale a mis en ligne un dossier très complet avec l’intégralité des débats.

La Sainte Parole

Nous voici donc à la laïcité. Que dit-elle, cette loi ? Commençons par ce qu’elle en dit pas : laïcité. Ce mot est totalement absent de la loi. 

Laïc est un terme signifiant au départ qui n’appartient pas au clergé ou à un ordre religieux. Il ne signifie pas athée (tout catholique pratiquant qui n’a pas reçu le diaconnat est un laïque), juste extérieur à l’Église. 

Tout tient en deux articles, qui ne peuvent être lus séparément. Mais elle commence par un titre. “Loi portant séparation des Églises et de l’État”. Ce pluriel est important. DES Églises. Même si l’Église catholique était visée, elle concerne toutes les religions (le mot Église était employé en ce sens, le mot religion ne l’a supplanté que par la suite). Elle n’abroge pas le Concordat, qui a été dénoncé en 1904.

Voici ses articles 1er et 2, qui contiennent toute l’essence de la loi.

ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

Les reste de la loi, que vous pouvez lire ici, règle le sort des biens immobiliers, des établissements dissous, et la police des cultes. Notons les articles 31 et suivants qui font des délits le fait d’user de voies de fait pour contraindre ou empêcher quiconque d’exercer librement son culte, entraveront par les mêmes moyens le déroulement de l’exercice d’un culte, et pour un ministre d’un culte le fait d’outrager ou diffamer une personne exerçant une mission de service public ou appelant à la sédition ou à la violence dans un prêche.

La loi commence par proclamer la liberté de conscience, et s’oblige à garantir le libre exercice des cultes. C’est à dire que la République est tenue de mettre en œuvre les moyens protégeant ce libre exercice. Ainsi, une procession sur la voie publique est légale, mais encore la République doit assurer la sécurité et l’ordre de cette procession, en fermant la rue à la circulation, et installant les déviations nécessaires. De même que la force publique doit écarter toute manifestation visant à empêcher l’exercice d’un culte, comme l’irruption d’une foule au milieu d’un office. L’ordre public, tel qu’apprécié par l’administration sous le contrôle du juge, peut justifier que certaines manifestations du culte soient interdites ou cantonnées à certains lieux. C’est aussi ce qui justifie que l’État puisse effectuer à ses frais des travaux de voirie permettant la circulation et le stationnement aux abords d’un édifice de culte sans subventionner illégalement un culte (dès lors que quiconque peut utiliser ces infrastructures librement : vous pouvez vous garer sur le parking d’une église ou d’une mosquée, même à l’heure du culte).

La loi impose ensuite à la République une obligation de neutralité religieuse, notamment financière. Pas de subvention du culte, mêle indirecte, pas de statut privilégié d’un culte. Le Conseil d’État a tiré les conséquences de cette obligation en en déduisant une obligation de neutralité des agents de l’État. Un fonctionnaire ne peut porter dans l’exercice de ses fonctions un signe ostensible religieux (juge portant le hidjab, policier portant la kippa), de même qu’un bâtiment public ne peut arborer aucun signe religieux (sous réserve du statut des édifices de culte antérieurs à 1905).

Les termes “La République ne reconnait aucun culte” est souvent mal interprété par des partisans d’une laïcité tenant plus de l’athéisme d’État comme signifiant qu’aucun culte n’a la moindre valeur à ses yeux. C’est une erreur grossière, incompatible avec l’article 1er. Cette phrase exclut simplement que toute religion ait le statut de religion d’État, ou jouisse de privilèges que n’auraient pas les autres.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler le sens et la porté de la laïcité, à la suite de la controverse dite du “foulard islamique”, qu’on appelait à l’époque du terme persan Tchador. Cette affaire est à mon sens emblématique. Elle est une défaite de la laïcité, non parce qu’on n’a pas réussi à empêcher ces jeunes filles de porter le hidjab, mais précisément parce qu’on a fait tout ce que les auteurs de la loi de 1905 voulaient éviter.

En septembre 1989, trois lycéennes d’un établissement de Creil se sont présentées revêtues de ce foulard peu discret ce qui mit la République en émoi (il faut dire que Jean-Marie Le Pen avait fait 14% à la présidentielle l’année précédente). La direction de l’établissement refusa de les recevoir si elles n’enlevaient pas ce foulard, elles refusèrent, au nom de leur foi. Controverse nationale, les uns disant que le libre exercice du culte leur permettait de porter ce voile qu’aucune loi n’interdisait, les autres disant que la laïcité s’opposait à ce qu’un voile islamique fût porté dans une école républicaine (on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est parce que ce voile était islamique que le problème s’est posé). Le ministre de l’éducation nationale a donc saisi le Conseil d’État pour avis, espérant obtenir de la plus haute juridiction administrative sa bénédiction pour excommunier les élèves.

Perdu. Dans un avis du 27 novembre 1989, le Conseil d’État rappelle l’évidence : l’obligation de neutralité ne s’applique qu’aux agents, et en aucun cas aux usagers du service public, protégés par l’article 1er de la loi de 1905. La seule limite est l’ordre public (pas de provocation, de pression, de prosélytisme ou de propagande), et les obligations légales auxquelles sont tenus les élèves, notamment celle d’assiduité. Le port du foulard ne doit pas empêcher de suivre des cours, et bien sûr des motifs religieux ne permettent pas de refuser telle partie de l’enseignement, sinon, des sanctions disciplinaires sont encourues. Lisez tout l’avis, il est très clair. Enfin, pas tant que ça, puisque les tenants de la ligne dure ont vu dans le mot “ostentatoire” leur Salut : le hidjab étant ostentatoire, il était selon eux licite de l’interdire (alors même que le Conseil d’État ne mettait dans ce mot qu’un moyen pour atteindre une fin illicite : la provocation, la pression, la propagande et le prosélytisme).

Le mal était fait, car porter le hidjab était devenu un acte de rébellion. Si en 1989, 3 jeunes filles s’étaient présentées portant ce fichu, à la rentrée 1994, c’est 300 jeunes filles qui l’arboraient. Le ministre de l’éducation de l’époque, François Bayrou, prit une circulaire “ligne dure” interdisant le port du hidjab comme étant un signe ostensible illicite en soi. Des sanctions disciplinaires furent prononcées allant jusqu’à l’exclusion, qui toutes ou presque furent annulées en justice pour violation de la laïcité (certaines furent confirmées car les élèves refusaient de participer aux classes de sport pour des motifs religieux, ce qui est illicite). Avec en attendant autant de jeunes filles mineures privées d’éducation illégalement. Le désastre était complet. Et Jean-Marie Le Pen fit 15% l’année suivante.

Complet ? Non, le pire est toujours possible, et il prit la forme du président Chirac, qui, après avoir été confronté à Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, relança le débat et fit voter une loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Cette loi ne s’applique qu’aux élèves des écoles publiques (pas privées et privées sous contrat) et, votée par une large majorité, n’a pas été soumise au Conseil constitutionnel. Sa conformité au principe constitutionnel de laïcité n’a donc jamais été vérifiée, aucune QPC n’ayant à ce jour été déposée. En attendant, les juges administratifs n’ont d’autre choix que de valider les mesures qu’ils jugeaient illégales auparavant. Et comme — ô surprise ! — cette loi n’a pas réglé le problème mais n’a fait qu’exacerber les tensions et pousser à la surenchère les candidats au martyr républicain, et que le Front national garde des scores flatteurs, ce sera au tour du niqab de passer dans le collimateur du législateur, avec la loi tartuffienne de dissimulation du visage dans l’espace public, que tout le monde appelle la loi anti-niqab sauf le législateur qui l’a voté pour interdire le niqab, qui dit bien que ça s’applique à tout le monde sauf une longue liste d’exceptions qui ne laisse de fait que le miqab de concerné. Et le désastre est à présent complet car l’intolérance est désormais du côté de la République qui se targue de promouvoir la tolérance. Et Marine Le Pen fit 18%.

Revenons-en à l’Église catholique.

Celle-ci a pris à plusieurs reprises des positions conservatrices sur des questions relatives à la famille. Elle ne cache pas son opposition au mariage homosexuel et à l’adoption par des parents de même sexe. À l’occasion de la fête de Marie (qui est aussi la fête des familles), une proposition de prière bien anodine à mis le feu aux poudres des anticléricaux, qui ont visiblement cru que les catholiques appelaient à ce que la foudre divine frappât les homosexuels et les partisans du mariage et de l’adoption homosexuels. Abstraction faite de l’habituelle vulgate anticalotine qui ne présente aucun intérêt, pas même celui de la nouveauté, un argument récurent était que la séparation de l’Église et de l’État (notez le singulier) interdisait à l’Église de se mêler de questions politiques comme le vote prochain d’une loi sur le sujet.

Errare humanum est, perseverare diabolicum. Cette affirmation est on ne peut plus fausse. Alors je m’adresse à vous, pauvres brebis égarées. Relisez la loi de 1905. Elle n’interdit nullement à quelque culte que ce soit de se mêler de politique. La liberté d’expression s’y oppose même frontalement. Tout culte peut, par la voix de ses représentants, prendre publiquement position sur tel ou tel projet de loi, et même appeler ses fidèles à exercer leur vote de façon à permettre le succès ou au contraire faire échec au vote d’une loi. La République vit de la confrontation pacifique des idées, et cette confrontation n’a de sens que si celles contraires aux nôtres peuvent s’exprimer. Il est tentant de disqualifier l’adversaire par un argument dit ad hominem : “peu importe ce que vous dites, je vous dénie le droit de le dire en raison de ce que vous êtes”. Ça tient en un tweet et ça ne donne pas d’ampoule au cerveau. Mais si vous le relisez, vous verrez l’incompatibilité avec la démocratie.

Pour information, aucun ministre du culte, aucun religieux même d’un ordre reclus comme un moine ou une nonne n’est de ce fait privé du droit de vote (ils peuvent notamment l’exercer par procuration). Il y a eu des abbés députés dans l’assemblée qui a voté la loi de 1905. Ils sont citoyens à part entière, comme vous et moi. Au nom de quoi leur dénierait-on le droit à la parole en République ? Et comment justifieriez-vous ce traitement différencié au regard de la laïcité de la république ? Cette prière là, qui se mêlait de politique, l’auriez-vous aussi condamnée au nom de la laïcité ? La République a récompensé et honoré son auteur.

La laïcité de la république n’est pas la prohibition du fait religieux dans l’espace public. Ceux qui disent qu’ils n’ont rien contre les religions à condition qu’elles s’exercent dans un cadre strictement privé, généralement restreint au domicile et aux établissement du culte, portes dûment closes, mais désapprouvent tout signe indiquant la croyance religieuse de celui l’arbore dans la rue, deux-là ne respectent pas la laïcité. Une loi réalisant leur désir violerait la laïcité, en restreignant arbitrairement l’exercice d’un culte pour des raisons n’ayant aucun lien avec l’ordre public (la vue d’une kippa ou d’un hidjab ne trouble pas l’ordre public, même si elle vous trouble vous ; dans ce cas ce n’est pas la religion le problème mais votre intolérance).

Cette liberté ne bride en rien la vôtre. Pas plus que vous ne pouvez interdire à l’Église de s’exprimer, elle ne peut vous interdire de répliquer au nom du respect de ses croyances (notez qu’elle ne le fait pas). Alors répliquez aux arguments de l’Église plutôt que de vous réfugier derrière un texte pour tenter de lui interdire de parler. Expliquez-lui, expliquez aux catholiques en quoi, selon vous ils se trompent (aux dernières nouvelles, 45% le savent déjà). Et laissez cette pauvre laïcité tranquille. On lui a déjà bien fait du mal ces dernières années.


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