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France Télécom : la Cour de cassation donne raison au CHSCT d'Issy-les-Moulineaux

- wikinews:fr, 22/03/2011

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15 mars 2011. – Le 2 mars 2011, la Cour de cassation a rendu un arrêt donnant raison au CHSCT[1] d'Issy-les-Moulineaux. Celui-ci avait demandé une expertise en invoquant l'existence d'un risque grave au sein de l'établissement compte-tenu de la situation de stress concernant les salariés. La délibération attaquée intervenait le 18 janvier 2008 au moment où France Télécom était en proie à une vague de suicides ou de tentative de suicides. Au moment de cette délibération, ceux-ci n'étaient guère, voire pas du tout médiatisés. Entre l'arrêt de la cour d'appel et celle de la chambre sociale, la situation avait défrayé la chronique dans la presse française et internationale.

Un risque grave nié par France Télécom

La délibération en question embarrassait France Télécom qui a décidé d'assigner le CHSCT en justice pour obtenir l'annulation de celle-ci. Déboutée le 17 décembre 2008 par la Cour d'appel de Versailles, la société s'est immédiatement pourvue en cassation, niant tout risque grave. La société n'y est pas allée avec le dos de la cuillère. Selon elle, cette situation de stress professionnel et le risque pour la santé ou la sécurité qui en résulte doivent être « caractérisés par des éléments objectifs et précis ». Or, l'opérateur historique relève l'absence d'un « seul exemple précis de cette prétendue dégradation des conditions de travail ou un seul élément précis illustrant le stress ou la pression subie par les salariés de l'établissement d'Issy-les-Moulineaux ».

Et de critiquer le CHSCT et les délégués du personnel qui n'auraient, pour France Télécom, pas exercé leur droit d'alerte sur ce sujet. En outre, le médecin du travail « attestait même n'avoir reçu aucun collaborateur en situation de stress en 2007, que les documents d'évaluation des risques professionnels de 2006 et 2007 concluaient que les risques liés à l'organisation du travail, au nombre desquels figure le stress, étaient classés parmi les risques les moins importants dans l'établissement ». France Télécom avance même une moyenne de congés maladie par agent de 2,66 jour par an.

Les représentants du personnel ont été la cible de la société requérante. Selon elle, ils auraient produits des attestations relatant « des faits qui leur avaient été dénoncés par certains salariés, tels que l'obligation d'effectuer des heures supplémentaires non payées, des pressions dans l'exécution des fonctions, des brimades, des propos incorrects et un manque de respect de managers, des situations d'isolement ou d'absence de soutien sans jamais citer le nom des salariés concernés ». France Télécom les avait estimées « imprécises et subjectives ». Celles-ci « ne permettaient pas à la société France Télécom d'identifier les salariés qui auraient été victimes de ces pratiques » et « la plaçaient dans l'impossibilité d'y apporter toute contradiction ».

Les représentants du personnel « auteurs de ces attestations avaient affirmé qu'ils ne souhaitaient pas exposer les salariés concernés à des risques de représailles en révélant leur identité ». La cour d'appel avait suivi leur raisonnement, ce qui, aux yeux de France Télécom, constitue une violation du droit de la défense prévue par la Convention européenne des droits de l'homme (CESDH[2]). En outre, ces attestations ne comportent que « la relation indirecte des propres dires de certains salariés, et non la relation directe de faits auxquels les auteurs de ces attestations auraient personnellement assisté ou qu'ils auraient eux-mêmes constatés ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi

Dans un premier temps, la Cour de cassation rejette le moyen tirée de la violation de l'article 6 de la CESDH garantissant le droit à un procès équitable. Soulevé pour la première fois en cassation, il a été déclaré irrecevable.

Quant au reste des moyens, il a été déclaré mal fondé. L'arrêt de la Cour d'appel de Versailles avait alors relevé « que les fusions d'entités, les fermetures de sites, les transferts d'activités menées deux années auparavant avaient abouti à une compression des effectifs et obligé à des déménagements nombreux, à la disparition de certains emplois sans soutien pour les salariés démunis de tout travail, à une aggravation des conditions de travail et à l'apparition d'un stress […] lié aux évolutions permanentes de l'organisation de l'entreprise ». Elle avait ajouté que « les attestations des représentants du personnel établissaient l'existence d'un ressenti des salariés exposés ou d'une situation objectivement dangereuse pour l'équilibre de leur santé mentale, comme un isolement total, l'obligation d'effectuer de façon quasi permanente des heures supplémentaires, le recours à des anti-dépresseurs ». C'est donc à bon droit que la cour en a déduit, en l'état de ces motifs, l'existence d'un risque grave d'atteinte à la santé des salariés de l'établissement d'Issy-les-Moulineaux, justifiant le recours à l'expertise contestée.

Notes
  1. Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
  2. Pour la différencier de la CEDH, la Cour européenne des droits de l'homme.

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