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Le blocage des sites internet illicites par DNS

le blog dalloz - bley, 7/02/2012

Quelques jours seulement après la publication du décret n° 2011-2122 du 30 décembre 2011, le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé, a ordonné pour la première fois le blocage d’un site de jeu en ligne par DNS (domain name system) aux fournisseurs d’accès à internet (FAI). Après avoir en vain mis [...]

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Quelques jours seulement après la publication du décret n° 2011-2122 du 30 décembre 2011, le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé, a ordonné pour la première fois le blocage d’un site de jeu en ligne par DNS (domain name system) aux fournisseurs d’accès à internet (FAI).

Après avoir en vain mis en demeure l’hébergeur du site (iWEB) de supprimer le site, l’Autorité de régulation des jeux en lignes (ARJEL) a été contrainte de saisir les tribunaux pour enjoindre aux FAI de bloquer l’accès par le nom de domaine.

Afin que le juge statue sur cette requête, il était nécessaire que le décret d’application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne soit promulgué, ce qui fut réalisé le 1er janvier 2012 en cours de délibéré.

Il convient de noter que ni l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l’ARCEP) ni la Commission européenne ni le Conseil national numérique (CNN) n’ont été consultés par le gouvernement avant l’adoption du décret.

L’ordonnance du 30 décembre 2011 enjoint donc SFR, Orange, Darty, Auchan et autres FAI de rendre inaccessible le site litigieux dans les quinze jours du prononcé de la décision et pour une durée de huit mois. En effet, l’application du principe de proportionnalité prescrit de mettre en balance les intérêts du demandeur et la liberté de communication au public en ligne justifiant une mesure temporaire de blocage.

En outre, l’ordonnance précise que l’injonction concerne indifféremment les opérateurs de services en lignes et les opérateurs de réseaux car ni la loi du 12 mai 2010 ni la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ne font de distinction entre les deux. Ainsi, indépendamment du degré de contrôle qu’ont les FAI sur le réseau internet, ils devront tout mettre en œuvre pour bloquer ou rendre inaccessible les sites faisant l’objet de mesures d’interdiction.

Il convient de noter que cette décision française intervient dans un contexte international houleux du fait de la saisie opérée sur le site de téléchargement Megaupload en exécution d’une décision judiciaire américaine du 19 janvier 2012.

En effet, depuis quelques mois, le gouvernement américain a proposé deux projets de loi très controversés dénommés « Stop Online Piracy Act » (SOPA) et « Protect IP Act » (PIPA), destinés à renforcer la lutte contre le téléchargement illégal sur internet, notamment en permettant le blocage de site illicite par les FAI sur simple décision administrative. Il est même envisagé que les FAI puissent exercer un blocage a priori des sites qui semblent contrefaire le droit de la propriété intellectuelle.

Ces mesures ont suscité le désarroi de sites tels que Wikipedia, Google ou Mozilla qui ont fait part de leur opposition lors de la journée « web-manifestation » le 18 janvier 2012.

Il est manifeste que deux volontés s’opposent sur internet : la lutte contre le téléchargement illégal et la défense de la liberté d’expression et de communication. Mais d’aucuns fustigent les deux projets sur le critère de la détermination a priori et extra-judiciaire du caractère licite (ou non) d’un site permettant la mise en place de mesure d’interdiction.

En tous les cas, il convient de noter qu’indépendamment de l’existence de dispositions légales coercitives, les internautes auront peu ou prou toujours la faculté de contourner ces mesures.

D’ailleurs, il est fréquent, lorsqu’un site internet est bloqué par des mesures d’interdiction, que le propriétaire de ce site modifie l’adresse de celui-ci (URL) pour continuer à diffuser ses contenus sur internet. De même, les internautes ont eux aussi des outils pour contourner les mesures de blocage. Ainsi, les internautes, qui fréquentent les sites de jeux en ligne interdits, utilisent fréquemment d’autres résolveurs que ceux fournis par leurs FAI, comme par exemple ceux de Google, OpenDNS ou Telecomix pour y accéder.

En tous les cas, les opposants aux mesures coercitives sur internet dénoncent ces tentatives d’aseptisation d’internet et de restriction de la liberté d’expression, valeur caractérisant internet aujourd’hui, et ils révoquent également les prétendus faux-semblants de lutte contre les pirates du net.

Antoine Chéron
Avocat à la cour


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