Plus que neuf mois pour mettre à jour les comptes individuels de retraites des fonctionnaires
Le blog Dalloz - bley, 12/04/2012
Le compte à rebours a commencé. Il reste environ neuf mois au service des retraites de l’État (SRE) pour mettre à jour les comptes individuels de retraite (CIR) des fonctionnaires de l’État. Au 31 décembre 2012, les CIR devront en effet être complets et fiables pour permettre de renseigner tous les fonctionnaires de l’Etat en activité – civils, militaires et magistrats – sur la totalité des leurs droits et servir de base à la liquidation de leurs futures retraites.
Vu l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir, c’est extrêmement court.
La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 sur la réforme des retraites a créé un droit nouveau pour les agents en activité : celui d’être informés de leurs droits acquis en matière de retraite dans l’ensemble des régimes auxquels ils cotisent ou ont cotisé. Or il y a près d’une quarantaine de régimes obligatoires de base et complémentaires.
Ce contexte inter-régime a nécessité la création d’un groupement d’intérêt public pour piloter et coordonner la mise en œuvre de cette réforme : le groupement d’intérêt public info-retraite (GIP-IR). Le SRE représente le régime de la fonction publique de l’État au sein de ce dispositif. La direction générale des finances publiques (DGFIP) : assure les missions issues de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique.
Rappelons que le SRE est l’opérateur du régime des retraites et d’invalidité des fonctionnaires de l’État. Un service à compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFIP), dont le siège est à Nantes.
La mise en œuvre du droit des fonctionnaires à être informés de manière fiable, complète et claire sur leur droits acquis en matière de retraite se traduit, depuis 2007, par l’envoi aux fonctionnaires de l’État des relevés individuels de situation (RIS) qui reprennent le déroulé de leurs carrières à trente-cinq, quarante, quarante-cinq et cinquante ans.
Depuis 2011, les RIS sont complétés par une estimation indicative globale (EIG) qui ajoute un élément d’information important : une évaluation du montant de la retraite pour chaque agent concerné en fonction des différents âges de départ possibles. Cette EIG doit être établie systématiquement aux cinquante-cinq ans de l’agent.
C’est pour répondre aux exigences du législateur que le gouvernement a mis en place dès 2004 les comptes individuels de retraites. Il s’agit d’un nouvel outil qui permet de centraliser les données relatives aux carrières de tous les fonctionnaires de l’État, soit près de 2,7 millions d’agents, selon le dernier Rapport annuel sur l’état de la fonction publique (Rapport annuel 2010-2011). Chaque CIR doit retracer avec exactitude l’intégralité de la carrière de l’intéressé. Et pour ceux ayant atteint l’âge de cinquante-cinq ans, les éléments de droits à pension acquis au titre du régime des pensions civiles et militaires de retraite.
Si environ 70 % des comptes ont été régulièrement alimentés ces dernières années par une déclaration annuelle cohérente émise par les administrations employeurs, plus de 20 % des comptes, en revanche, ne contiennent aucun éléments de carrière !
D’où la nécessité pour le SRE de retracer les carrières antérieures non répertoriées afin d’alimenter les comptes de retraite des intéressés. Vaste chantier. D’autant plus que le périmètre de cette reprise comprend :
1. les carrières effectuées dans les trois fonctions publiques (État, territoriale ou hospitalière) avant l’affectation chez l’employeur actuel ;
2.°le service national
3.°les « services validés » (la validation des services auxiliaires consiste à transférer les droits acquis au régime général des salariés par les non titulaires vers le régime spécial des fonctionnaires, pour que les services antérieurs qu’ils ont pu effectuer en tant que non titulaires soient pris en compte dans le calcul de leur pension de retraite en tant que fonctionnaires).
Pour ce faire, le SRE doit collecter les informations requises et les pièces justificatives, d’où l’envoi d’un questionnaire aux fonctionnaires concernés. Les données recueillies sont ensuite analysées, contrôlées, saisies informatiquement, etc.
Nous vivons une nouvelle révolution industrielle qui innerve absolument tous les secteurs de la société : celle de l’industrialisation des processus de traitement de l’information, qui est l’une des conséquences directes du développement du numérique.
Ainsi, le processus industrialisé de liquidation des pensions reposera sur le CIR. L’objectif affiché par le SRE étant de dégager des gains de productivité importants pour les employeurs concernés et d’améliorer le service rendu aux agents en activité et aux retraités en leur apportant une information de qualité dans le domaine de la retraite.
Le SRE réussira-t-il à mettre en œuvre une telle réforme ? En tout cas, il n’a pas lésiné sur les moyens. Pour mener à bien cette gigantesque entreprise d’industrialisation et de numérisation des données, les SRE a pris le taureau par les cornes. Par délégation et par exception au principe de responsabilité des administrations employeurs, le SRE a proposé à celles-ci d’assumer et d’assurer à leur place le complètement des carrières antérieures de leurs agents.
Huit employeurs – dont La Poste et France Télécom –, ont demandé à bénéficier de cette aide. Le nombre total de comptes à reprendre pour ces huit employeurs est compris entre trente mille et cinquante mille, parmi lesquels plus de dix-huit mille concernent France Télécom et portent uniquement sur la reprise du service national.
Le SRE a donc non seulement repris la direction des opérations en main mais il a également sous-traité cette tâche – sur appel d’offre – à une entreprise privée avec deux mots d’ordre : complétude et fiabilisation des comptes. Fiabilité et efficacité de l’action publique obligent.
Un bel exemple des synergies existantes entre le secteur public et le secteur privé. Chacun devrait y trouver son compte, à commencer par les fonctionnaires eux-mêmes.
Jean-Yves Gontier
Avocat et professeur de droit public à Sciences Po