Décisions d’arbitres de compétitions sportives, juge administratif et responsabilité : quelques mots sur un arrêt récent de la cour administrative d’appel de Nantes
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesné, Benjamin Touzanne, 11/01/2013
Un joueur professionnel de football, blessé au cours d’un match, peut-il aller rechercher la responsabilité de la Ligue de football professionnel du fait d’une décision d’un arbitre qu’il juge irrégulière ? La décision en cause étant d’avoir déclaré le terrain de jeu praticable, malgré son état dégradé du fait des conditions climatiques.
A cette question, les magistrats de la cour administrative d’appel de Nantes ont répondu par la négative, faisant application d’une jurisprudence bien établie en matière de décisions d’arbitres et de juges prises lors de compétitions sportives (CAA Nantes, 15 novembre 2012, req. n° 11NT01969).
L’arrêt donne l’occasion d’un rapide point sur l’état de cette jurisprudence.
Dans le cas d’espèce, le gardien de but d’un club professionnel ]bavait été victime d’une fracture au tibia à la suite d’un choc avec l’un des joueurs de l’équipe adverse, l’empêchant de jouer durant plusieurs mois. Il demandait à la cour, après avoir vu sa requête rejetée en première instance, la réparation de divers préjudices (corporel, économique et moral) qu’il estimait résulter directement de la décision de l’arbitre de faire jouer le match.
1. Le juge administratif peut effectuer un contrôle limité des décisions d'arbitres.
Le juge administratif peut contrôler la régularité d’une décision prise par un arbitre ou par un juge lors d’une compétition sportive. Il lui est par exemple arrivé d’annuler une décision de la fédération française d’haltérophilie qui refusait d’invalider les résultats d’une compétition alors que les faits révélaient qu’un des membres dirigeants de la fédération avait exercé une pression sur le jury (CE, Section, 25 janvier 1991, req. n° 104497).
De même, il a également annulé la décision de la fédération française de sport automobile d’exclure un candidat de la troisième place du classement au motif que sa voiture dépassait le poids autorisé pour concourir, alors que la pesée des véhicules avait été réalisée, selon le Conseil d’Etat, au mépris du principe d’égalité entre les candidats (CE, 26 mars 1998, req. n° 169743).
Toutefois, le juge administratif, soucieux de définir précisément le champ de son contrôle dans une matière qui laisse place à la subjectivité de l’auteur de ces décisions quelque peu particulières, juge de manière constante que « si, lorsque le juge administratif connaît des actes pris tant par les arbitres et les juges des compétitions à caractère sportif que par les organes des fédérations en cette matière, ni l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline ni l'appréciation des performances des participants ne peuvent être discutées devant lui, il lui appartient d'exercer son contrôle sur le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public ; » (CE, Section, 25 janvier 1991, req. n° 104497)
L’on sait ainsi ce que le juge contrôle (le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public) et ce qu’il ne contrôle pas (l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline et l'appréciation des performances des participants).
Le résultat de cette règle jurisprudentielle dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Nantes est logiquement qu’un recours tendant à obtenir la condamnation d’une ligue professionnelle du fait d’une décision irrégulière, prise par un arbitre en application de dispositions techniques, est voué au rejet dès lors qu’il impose au juge d’apprécier la régularité d’un acte alors que sa propre jurisprudence le lui interdit.
2. Des décisions aux enjeux à l'importance croissante.
L’immixtion du juge, aussi limitée soit-elle dans le champ des activités sportives, est légitime. La professionnalisation du sport va sans cesse en s’accroissant et aux choix que sont amenés à prendre les arbitres sont souvent attachés des enjeux financiers importants (B. Foucher, « Les litiges sportifs et le juge administratif », in Mélanges Labetoulle, p. 361, Dalloz).
En outre, il serait erroné de retenir qu’en l’absence de voie d’accès effective devant le juge administratif, la décision de l’arbitre est toujours souveraine et qu’ il n’existe pas un droit à contestation de la décision. En effet, si l’application des normes techniques n’est pas du ressort du juge administratif, elle est du ressort des organisations fédérales. De ce point de vue là, il appartient au club et au joueur de mettre en œuvre les procédures de réclamation, voire les voies d’ « appel » prévues par les règlements sportifs de leur discipline.
Or, il est indéniable que ces règlements généraux ont évolué depuis 2004-2005 (date de l’affaire examinée) pour, sans remettre en cause la place centrale de l’arbitre, d’une part, rendre dans une certaine mesure plus collégiale ou du moins issue d’une concertation préalable la décision de l’arbitre et, d’autre part, instaurer ou améliorer les voies d’actions contentieuses internes aux fédérations.
Pour mesurer ces évolutions, il suffit d’être attentif à l’actualité sportive en veillant à ne pas se limiter au football et au rugby, ni même aux disciplines sportives en extérieur. Cette semaine, c’est le basket et l’affaire du match de l’Elan Béarnais Pau-Lacq-Orthez contre l’équipe de Fos-sur-Mer (Pro B) du 29 décembre 2012 qui illustre la problématique du terrain praticable et celle de la contestation de la décision prise sur cette question par l’arbitre avec une contestation de l’Elan Béarnais examinée par la CFAMC (commission fédéral des arbitres, marqueurs et chronomètres) et rejetée le 11 janvier 2013 et l’introduction d’un très probable appel devant la chambre d’appel de la FFBB.
Pour une étude générale sur le contentieux du sport, voir l’étude de Marc Sénac de Monsembernard (Répertoire de contentieux administratif, Dalloz 2010)
L’arrêt donne l’occasion d’un rapide point sur l’état de cette jurisprudence.
Dans le cas d’espèce, le gardien de but d’un club professionnel ]bavait été victime d’une fracture au tibia à la suite d’un choc avec l’un des joueurs de l’équipe adverse, l’empêchant de jouer durant plusieurs mois. Il demandait à la cour, après avoir vu sa requête rejetée en première instance, la réparation de divers préjudices (corporel, économique et moral) qu’il estimait résulter directement de la décision de l’arbitre de faire jouer le match.
1. Le juge administratif peut effectuer un contrôle limité des décisions d'arbitres.
Le juge administratif peut contrôler la régularité d’une décision prise par un arbitre ou par un juge lors d’une compétition sportive. Il lui est par exemple arrivé d’annuler une décision de la fédération française d’haltérophilie qui refusait d’invalider les résultats d’une compétition alors que les faits révélaient qu’un des membres dirigeants de la fédération avait exercé une pression sur le jury (CE, Section, 25 janvier 1991, req. n° 104497).
De même, il a également annulé la décision de la fédération française de sport automobile d’exclure un candidat de la troisième place du classement au motif que sa voiture dépassait le poids autorisé pour concourir, alors que la pesée des véhicules avait été réalisée, selon le Conseil d’Etat, au mépris du principe d’égalité entre les candidats (CE, 26 mars 1998, req. n° 169743).
Toutefois, le juge administratif, soucieux de définir précisément le champ de son contrôle dans une matière qui laisse place à la subjectivité de l’auteur de ces décisions quelque peu particulières, juge de manière constante que « si, lorsque le juge administratif connaît des actes pris tant par les arbitres et les juges des compétitions à caractère sportif que par les organes des fédérations en cette matière, ni l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline ni l'appréciation des performances des participants ne peuvent être discutées devant lui, il lui appartient d'exercer son contrôle sur le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public ; » (CE, Section, 25 janvier 1991, req. n° 104497)
L’on sait ainsi ce que le juge contrôle (le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public) et ce qu’il ne contrôle pas (l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline et l'appréciation des performances des participants).
Le résultat de cette règle jurisprudentielle dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Nantes est logiquement qu’un recours tendant à obtenir la condamnation d’une ligue professionnelle du fait d’une décision irrégulière, prise par un arbitre en application de dispositions techniques, est voué au rejet dès lors qu’il impose au juge d’apprécier la régularité d’un acte alors que sa propre jurisprudence le lui interdit.
2. Des décisions aux enjeux à l'importance croissante.
L’immixtion du juge, aussi limitée soit-elle dans le champ des activités sportives, est légitime. La professionnalisation du sport va sans cesse en s’accroissant et aux choix que sont amenés à prendre les arbitres sont souvent attachés des enjeux financiers importants (B. Foucher, « Les litiges sportifs et le juge administratif », in Mélanges Labetoulle, p. 361, Dalloz).
En outre, il serait erroné de retenir qu’en l’absence de voie d’accès effective devant le juge administratif, la décision de l’arbitre est toujours souveraine et qu’ il n’existe pas un droit à contestation de la décision. En effet, si l’application des normes techniques n’est pas du ressort du juge administratif, elle est du ressort des organisations fédérales. De ce point de vue là, il appartient au club et au joueur de mettre en œuvre les procédures de réclamation, voire les voies d’ « appel » prévues par les règlements sportifs de leur discipline.
Or, il est indéniable que ces règlements généraux ont évolué depuis 2004-2005 (date de l’affaire examinée) pour, sans remettre en cause la place centrale de l’arbitre, d’une part, rendre dans une certaine mesure plus collégiale ou du moins issue d’une concertation préalable la décision de l’arbitre et, d’autre part, instaurer ou améliorer les voies d’actions contentieuses internes aux fédérations.
Pour mesurer ces évolutions, il suffit d’être attentif à l’actualité sportive en veillant à ne pas se limiter au football et au rugby, ni même aux disciplines sportives en extérieur. Cette semaine, c’est le basket et l’affaire du match de l’Elan Béarnais Pau-Lacq-Orthez contre l’équipe de Fos-sur-Mer (Pro B) du 29 décembre 2012 qui illustre la problématique du terrain praticable et celle de la contestation de la décision prise sur cette question par l’arbitre avec une contestation de l’Elan Béarnais examinée par la CFAMC (commission fédéral des arbitres, marqueurs et chronomètres) et rejetée le 11 janvier 2013 et l’introduction d’un très probable appel devant la chambre d’appel de la FFBB.
Pour une étude générale sur le contentieux du sport, voir l’étude de Marc Sénac de Monsembernard (Répertoire de contentieux administratif, Dalloz 2010)