Actions sur le document

Procès Kerviel: et la thèse du complot fit son apparition

Chroniques judiciaires - prdchroniques, 6/06/2012

Cela fait déjà quelques minutes que Jérôme Kerviel explique devant la cour que "tout le monde savait" qu'en 2007, il prenait des positions de plus en plus risquées et que "tout le monde" le laissait faire. "En 2007, j'étais comme … Continuer la lecture

Lire l'article...

Cela fait déjà quelques minutes que Jérôme Kerviel explique devant la cour que "tout le monde savait" qu'en 2007, il prenait des positions de plus en plus risquées et que "tout le monde" le laissait faire.

"En 2007, j'étais comme un peu comme un hamster dans une roue, je pédalais de plus en en plus vite. J'aurais voulu qu'on m'arrête", dit-il.

L'ancien trader dit aussi que "tout le monde savait" que les éclaircissements qu'il donnait aux membres du back office chargés de le contrôler,  "ne tenaient pas la route" et "ne trompaient personne".

La présidente Mireille Filippini reprend une à une ces déclarations.

- Donc, vous dîtes que vos chefs savaient parce que les mails que vous leur adressiez étaient incohérents, c'est ça?

- L'invraisemblabilité (sic) de mes explications ne pouvait leurrer personne. 

- Mais je ne comprends pas: si tout le monde savait, pourquoi perdre du temps à donner des explications fictives ?

- Pour sauver les apparences vis à vis de l'extérieur.

- Je ne comprends toujours pas: comment sauver les apparences avec des explications qui ne tiennent pas la route? 

- Ça permet de couvrir la hiérarchie.

- Vis-à-vis de qui si "tout le monde sait"? 

- Vis à vis de l'extérieur.

- Mais qui: les commissaires aux comptes, les organes de contrôle?

- Oui. 

- Encore une fois je ne comprends pas: si vos explications sont invraisemblables et ne leurrent personne, comment espérer qu'elles leurrent les commissaires aux comptes ou les organes de contrôle?

Mireille Filippini guette une réponse qui ne vient pas. De son dossier, la présidente extrait alors un mail tronqué que Jérôme Kerviel adresse en avril 2007 aux contrôleurs du back office qui s'interrogent sur certaines de ses opérations. Les explications que le trader leur a livrées n'ayant pas suffi à les rasséréner, il fabrique un faux courrier en empruntant l'en-tête d'un intermédiaire qui vient conforter ses dires.

La présidente reprend:

- Là, vous faites un faux.

- Non, c'est un mail qui contient de fausses informations.

- Je repose la question: pourquoi perdre autant de temps et faire des faux qui ne trompent personne?

- Pour sauver les apparences, répète Jérôme Kerviel.

- Parce que la banque a besoin de vous pour sauver les apparences. Bon. Mais quel est leur intérêt?

L'ancien trader déclare alors, en détachant bien ses mots.

- Pour me faire sauter au bon moment.

- Ah!  Pouvez-vous vous expliquer plus clairement?

- J'avais mon utilité. En 2007 la crise des subprimes avait commencé à se propager. Pour la banque, une grosse perte latente était prévisible. Il lui fallait donc faire sauter un Jérôme Kerviel. 

- Mais c'est quand même vous et pas la Société générale qui avez pris, entre le 3 et le 18 janvier 2008, une position non autorisée de 50 milliards d'euros?

- Oui.

- Alors j'essaie de comprendre: la Société Générale aurait prévu en 2007, dans un plan concerté à l'avance, de vous laisser prendre pour 50 milliards de positions en 2008 afin de vous faire ensuite porter le chapeau de la crise des subprimes? 

- Oui.

- Bien.Vous leur avez donc drôlement rendu service alors?

La présidente pose ses lunettes sur ses feuilles. Se prend le menton dans la main droite et demande au prévenu:

- Mais si vous n'aviez pas dérapé, ils seraient allés voir un autre trader pour en faire une victime? 

 


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...