A l'UMP : courage, fuyons !
Justice au singulier - philippe.bilger, 19/10/2013
Il y a évidemment des sujets plus importants qui affectent la France en profondeur et qui rejoignent mon constat de "La France en miettes". Un rapport alarmiste des préfets souligne le malaise des Français, lancinant et infiniment dangereux pour le Pouvoir, sur trois plans essentiels : le monde rural en perdition, la charge fiscale même sur les catégories modestes qui en étaient exonérées et l'insécurité qui s'amplifie et angoisse (Nouvel Observateur).
Mais l'UMP, tout de même, offre une belle opportunité de réflexion à ceux qui pensaient que le courage avait aussi le droit d'être politique. Certains de ses responsables ont depuis quelques mois, avec plus ou moins de fermeté, réclamé un droit d'inventaire pour les années Sarkozy puisqu'elles avaient abouti à une défaite de la droite. L'ancien président de la République s'y est toujours opposé, prétextant une responsabilité collective et la soumission de la plupart durant son quinquennat. Ce qui est à la fois vrai - une inconditionnalité infantile, en effet ! - et faux, parce que Nicolas Sarkozy tenait les rênes, omnipotent et narcissique dans l'expression de sa domination.
L'inventaire des années Sarkozy n'a pas eu lieu le 17 octobre. On avait déjà veillé à enlever à l'exercice tout ce qu'il pouvait avoir de déplaisant pour l'ex-président puisqu'il ne s'agissait plus d'effectuer "un inventaire" mais d'opérer une "évaluation" valable seulement "pour l'avenir". Autrement dit, non seulement le passé était ménagé mais l'UMP, en consacrant seulement une matinée à ce qui aurait dû permettre une prise de conscience salubre, a montré à quel point ses quatre tables rondes représentaient du vent pour une illusoire renaissance.
Le pire est qu'à cette "évaluation" croupion, quasiment tous les ténors de l'UMP étaient absents. Faut-il d'ailleurs les appeler "ténors", ces personnalités audacieuses jusqu'au moment crucial et fatidique puis passant sous la table démocratique le jour J et s'effaçant sans l'ombre d'un remords ?
Les présents : Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati et Luc Chatel. De quelque façon qu'on les juge par ailleurs, honneur à eux, sans oublier Hervé Mariton, l'organisateur de bonne foi de cette comédie où les dés ont été pipés puisqu'on avait le droit de tout dire sauf l'essentiel.
Les absents, il faut les nommer pour les inscrire au tableau de la désertion : Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, François Baroin, Brice Hortefeux, Patrick Devedjian, Nadine Morano, Christian Estrosi, François Fillon, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Il paraît que "tous ont une bonne excuse".
Derrière l'argument purement politicien de certains - Jean-François Copé ayant approuvé la tenue de cette convention, ils craignaient d'être instrumentalisés par ce dernier -, il y a, me semble-t-il, la continuation d'une lâcheté qui a pollué le précédent quinquennat. En réalité, ils ont peur face à l'exaspération de Nicolas Sarkozy et à ses conséquences si malheureusement ce dernier revenait aux affaires. Nicolas Sarkozy joue sur du velours puisqu'il connaît le peu de vigueur de ses alliés, de ses adversaires et qu'il n'hésite pas à menacer les plus impliqués dans sa contestation de ne plus jamais les nommer ministres. Par exemple, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire et Xavier Bertrand. Avec cette intimidation :" Tous ceux qui me critiquent, c'est terminé!" (Le Monde)
Il n'est pas nécessaire de s'abandonner à de savants calculs tactiques : ils ont pour la plupart, j'utilise à dessein cette expression familière, tout simplement la "trouille".
Ce sont les mêmes qui jour après jour viennent dénoncer le manque de courage de François Hollande alors que leur faiblesse et leur effacement, le 17 octobre, ont démontré qu'une droite rénovée ne pouvait pas sortir tout armée de ces pauvres manoeuvres et de ces misérables prudences.
Quand on ose, pour justifier son absence, évoquer une "responsabilité collective", c'est assez piquant ! En général, ce type de responsabilité, quand on a eu un chef et qu'on n'a pas cessé de plier et de se taire, n'est guère plausible en démocratie. Mais le paradoxe est qu'aujourd'hui on l'invoque pour faire passer sa pusillanimité et sa crainte de l'avenir pour une stratégie adulte où on assume même ce sur quoi on n'a jamais eu la main ni l'esprit.
La responsabilité collective pour éviter d'avoir eu à proclamer en face le 17 octobre ce qu'on se disait entre soi ou devant les médias. S'affirmer tous coupables pour s'abstenir de nommer le seul ! Un bouclier tremblant !
Lamentable.
Courage, fuyons ! Pour l'UMP, un slogan d'avenir !