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Comme avant ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 26/05/2019

Apparemment le président de la République, quoique immédiatement battu, va continuer comme si de rien n'était. Cette défaite d'un souffle, sans craindre que les Gilets jaunes s'appuient sur cette légitimité un zeste ébréchée et reprennent du tonus revendicatif, semble ne susciter aucune inquiétude de la part du pouvoir. Alors comme avant ? Mais avant, était-ce si bien ?

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Au moment où je commence ce billet, sortant d'une émission spéciale de Sud Radio sur les élections européennes, la liste du RN devançait celle de LREM d'un point et Yannick Jadot, avec EELV, obtenait une troisième place, seule véritable surprise et indéniable succès de ce scrutin, avec au moins 13 %.

Si les choses restent en l'état, le président de la République, le Premier ministre, les ministres et Nathalie Loiseau ont eu beau dire, Emmanuel Macron aura perdu le combat singulier qu'il avait explicitement décidé d'engager contre Marine Le Pen, bien au-delà d'une défense classique de la cause européenne qu'on aurait comprise de sa part.

Le RN, au fil de la soirée, a vu sa supériorité s'effilocher et probablement, en dépit de la joie affichée pour cette symbolique première place, est-il déçu de ce si faible écart en sa faveur.

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EELV tire remarquablement son épingle du jeu avec un score dont Yannick Jadot a vanté l'ampleur avec un enthousiasme et une ferveur qui n'étaient pas si déplacés que cela. D'autant plus qu'il en a été largement le responsable. Lors des débats médiatiques, j'avais été agacé par son côté excité, vibrionnant, interrompant sans cesse les autres mais sa passion pour l'écologie, son élan intellectuel, sa fougue dans l'argumentation, le caractère relativement novateur de son projet ont convaincu plus qu'il n'osait même l'espérer. Il semble qu'en fin de campagne beaucoup de jeunes aient décidé de sauter le pas et d'aller voter pour lui.

A dire vrai, mon étonnement tient surtout au niveau médiocre de la liste conduite par François-Xavier Bellamy (FXB) puisqu'il est quasiment celui qu'on lui prêtait au début de la campagne : 7 à 8 %.

Il est facile, au regard de ce résultat, d'exposer les raisons de la débâcle. Mais dans le processus de la campagne, bien plus qu'un frémissement s'était manifesté qui pouvait laisser augurer un meilleur sort pour la droite.

Dans une première phase, quand Nathalie Loiseau était seule aux commandes, la liste de FXB progressait au point de frôler les 15 %.

La déconfiture de la première a entraîné l'intervention directe, ostensible, constante du président de la République qui non seulement a stoppé l'hémorragie mais fait régresser, dans une seconde phase, la poussée des Républicains.

Le paradoxe est qu'Emmanuel Macron a peut-être davantage contribué à combattre un adversaire qui n'était pas celui qu'il ciblait prioritairement, qu'il n'a par son implication favorisé sa propre cause dans sa lutte contre le RN.

Mais l'essentiel n'est pas là. Je continue à penser que FXB était un remarquable candidat et qu'il a donné de la droite, à titre personnel, une belle image, fond et forme mêlés, intelligence, argumentation et courtoisie. Sa défaite est la sienne - il l'a assumée - mais elle va conduire à remettre en cause non pas le choix de Laurent Wauquiez mais la stratégie politique qui a été décidée. Certes équilibrée et intellectuellement satisfaisante, elle a révélé des limites qui, dans l'action, auraient mérité d'être retouchées, même dans l'urgence.

Coincée entre l'esprit européen du président et le repli sur la France pour se défendre de l'Europe, la liste de FXB n'avait plus véritablement d'espace et a fini par étouffer, tant elle manquait d'une respiration qui lui soit propre. Des deux côtés, ceux qui la combattaient étaient jugés plus plausibles qu'elle dans leur genre.

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Elle ne pouvait pas offrir non plus l'impression qu'on pourrait sortir des sentiers battus de la politique et que cette liste serait susceptible de représenter une voie iconoclaste, ce qui au contraire a permis la forte avancée d'EELV qui à tort ou à raison est apparu comme une chance de pouvoir se libérer des circuits traditionnels, d'un ancien monde toujours si présent.

Il n'empêche que la ruée contre Laurent Wauquiez ne va pas tarder, peut-être sa curée, mais que l'erreur absolue serait de jeter le bébé avec l'eau du bain, le style et la démarche de FXB en même temps que la stagnation de sa liste. L'échec de celle-ci ne doit pas faire oublier que celui-là était dans le vrai.

L'abstention n'a pas été aussi catastrophique qu'on le prévoyait. Bonne nouvelle.

On ne connaît pas tous les résultats des pays stigmatisés comme populistes. Probablement le populisme n'aura-t-il pas dans l'Union européenne l'avenir qu'on lui prêtait, espéré ou redouté ? (Le Point).

Apparemment le président de la République, quoique immédiatement battu, va continuer comme si de rien n'était. Cette défaite d'un souffle, sans craindre que les Gilets jaunes s'appuient sur cette légitimité un zeste ébréchée et reprennent du tonus revendicatif, semble ne susciter aucune inquiétude de la part du pouvoir.

Alors comme avant ?

Mais avant, était-ce si bien ?


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