La Tunisie de l'espoir
Justice au singulier - philippe.bilger, 18/01/2014
Il y a des moments où on croit être coupé de tout parce qu'on ne peut pas dévorer les quotidiens, écouter la radio et regarder la télévision.
Mais on a bien mieux.
Tunis. L'ambassade de France et la magnifique Résidence de l'Ambassadeur.
Celui-ci, une perfection d'urbanité française et d'empathie pour le peuple tunisien. Son épouse dont la chaleur humaine et la vivacité intellectuelle - puisque paraît-il on n'a plus le droit d'évoquer la beauté des femmes sans les désobliger - ne manquent pas d'impressionner, d'émouvoir.
Pour les Français qui sont accueillis, il y a une fierté de savoir que notre pays est ainsi représenté. De cette manière qui ne peut que faire aimer la France.
Puis Hammamet.
La rentrée solennelle du barreau tunisien, avec la présence exceptionnelle du bâtonnier de Paris qui a compris que dans cette alternative entre la Belgique et la Tunisie, il fallait aujourd'hui, pour des raisons évidentes, arbitrer en faveur de celle-ci.
Durant l'après midi du 17 janvier, certes on entendu un certain nombre d'interventions dont quelques-unes, par enthousiasme, étaient trop longues. Le discours inaugural du bâtonnier de l'Ordre national des avocats tunisiens a été, en revanche, remarquable, sobre et élevé, sans enflure ni surenchère. Une parole à la hauteur de l'enjeu.
C'est un moment rare, pour la vie d'un pays, que celui où toutes les exaltations sont permises, les hyperboles tolérées et les naïvetés pardonnées. Que celui d'une effervescence collective où on oublie tout pour ne se consacrer qu'à l'avenir.
Pour les étrangers à qui on a fait l'honneur de les convier à ces journées uniques d'élaboration d'un renouveau à la fois juridique et politique, imprégné d'une pure essence démocratique, le sentiment est fort qui leur donne la certitude d'assister à un spectacle que notre monde a trop peu offert. Un printemps arabe qui ne s'est pas dégradé en hiver mais qui a tenu, qui a résisté aux pessimismes et à l'inquiétante fatalité qui conduit les révolutions à l'origine paisibles à se dénaturer en des étouffements et des totalitarismes politiques et/ou religieux.
Rien n'est gagné en Tunisie mais elle a déjà le visage hors de l'enfer et de la spoliation honteuse, par un clan, de la richesse d'un splendide et courageux pays. La démocratie vient doucement comme une grâce, un don que l'esprit public tunisien ne doit qu'à lui-même. Alors que d'aucuns pressentaient le pire, le meilleur n'usurpe pas les merveilles de l'aurore.
Un élan, une incandescence, une volonté, de la lucidité, pas de la béatitude mais l'optimisme de l'action. Les Tunisiens qui aspirent à des lendemains en même temps stables et humanistes se prouvent que tout est possible en avançant pas par pas, obstacle supprimé par compromis accepté.
Et l'incroyable gentillesse et politesse des Tunisiens que je rencontre. Quelle leçon pour notre France qui perd son savoir-vivre !
En effet, on a bien mieux ici, en Tunisie, que la surabondance médiatique.
On regarde une nation, étonnée d'y parvenir, se sortir de l'ombre d'hier pour entrer dans une lumière qui fait rêver au-delà d'elle.
Oui, vraiment, la Tunisie de l'espoir.