Secrets d'avocats (bibliographie)
Paroles de juge - , 9/12/2012
Les éditions Fayard viennent de publier un livre intitulé "Secrets d'avocats"
Pour écrire ce livre, les deux auteurs Eric Merlin et Frédéric Ploquin ont rencontré les avocats les plus
médiatisés de notre époque.
Si au dos du livre ils écrivent : "Avocats des patrons du CAC 40, des ministres, des stars du show biz,
des producteurs de cinéma, des footballeurs, des terroristes, des assassins ou des gangsters, ils nous ont livré leurs petits et grands secrets", le lecteur qui s'attend à découvrir les réalités
les mieux cachées sera un peu déçu.
En effet, de "secret" révélé, il n'y en a aucun, les avocats rappelant qu'ils sont liés à leurs clients
par le secret professionnel. Il s'agit plutôt de la part des avocats rencontrés par les deux journalistes d'explications sur l'idée qu'ils se font de leur métier, sur les relations entre eux, les
liens avec leurs clients et avec la justice en général.
La lecture de cet ouvrage permet d'approcher, un peu, ces avocats qui ont fait le choix de la
sur-médiatisation, et de comprendre, parfois, leur état d'esprit, ce qui les guide et les motive.
Ce qui ressort tout particulièrement des entretiens avec ces avocats ce sont, comme le soulignent les
journalistes, d'une part une soif intense de médiatisation, de reconnaissance, et d'autre part une concurrence acharnée entre eux quand ce n'est une haine tenace. Et les commentaires sont
rarement tendres, c'est peu dire. En voici quelques exemples :
"On peut avoir le sentiment que certains se font de la pub sur le dos de leurs clients, qu'ils vivent de
la querelle et amplifient les conflits alors qu'ils devraient donner l'impression de les résoudre. Ils prennent le risque de devenir la dernière marionnette des journalistes".
"Ce n'est pas à sa voiture et à son cigare que l'on reconnaît le bon avocat, mais à son intégrité
morale."
"J'ai de l'ambition mais je ne me suis jamais prostitué. Il n'y a pas moins arriviste que
moi."
"Les stars du barreau se livrent une lutte fratricide".
"Je ne suis pas au bord de la scène de ménage quand je ne suis pas interviewé le premier".
"Il y a chez les avocats une vanité telle qu'elle en revêt presque un lien mercantile. Le grand problème
c'est de ne pas se mettre à la place de celui qu'on défend. Le danger, c'est de prendre plus de place que l'affaire elle-même."
"Les avocats qui ont un lien avec le vrai pouvoir font peur, je ne serai jamais de ceux-là. Du roi je
préfère être l'ami qu'il regarde avec un brin d'agacement plutôt que le valet. On est si habitué à la flagornerie qu'on est plus reconnaissant à l'égard du flatteur qu'envers celui qui vous dit
la vérité. C'est parce qu'ils n'ont pas de pouvoir que les avocats sont fascinés par le pouvoir."
"La séduction, c'est l'inverse de l'oséquiosité, cette façon de flatter l'ego. Parfois son orgeuil est
tel que l'avocat préfère ofrir une posture valorisante plutôt que d'obtenir quelque chose pour son client."
"Les médailles n'ont guère plus d'importance que la médiatisation qui rend les avocats
cinglés".
"Rien n'est pire que l'avocat qui plaide pour se faire plaisir, qui fait des décibels, raconte n'importe
quoi aux magistrats qui savent qu'ils est en train de justifier ses honoraires. La valeur ajoutée de la défense est alors négative, on ne sert à rien."
"Certains confrères deviennent fous sous les projecteurs des medias. Les medias rendent fous, l'argent
aussi."
"Les medias c'est comme une drogue. Tu en veux toujours plus. C'est comme le pognon, comme les honneurs,
c'est sans fin et ça n'a aucun intérêt."
"La médiatisation d'un avocat n'est pas forcément en rapport avec ses compétences."
"Les raisons commerciales vous poussent vers le pénal financier où les sociétés peuvent payer le tarif
horaire. Les années passent, on est moins disponible pour la prison, on se rapproche des lieux de pouvoir. On va pouvoir recevoir sa décoration."
"Les disputes d'avocats haineux et hirsutes que l'on peut voir à la télévision ne sont pas bonnes mais
les jalousies sont parfois énormes. La confraternité est une haine vigilante. C'est inhérent à ce métier. On se retrouve comme les bonnes copines qui disent en privé du mal les une des autres.
Mais les medias, l'argent, la notoriété peuvent vous faire perdre le contrôle."
"Les medias ont pris une telle importance dans le processus judiciaire que certains avocats finissent par
confondre l'exercice du métier et la promotion permanente de leur entreprise."
"On juge un avocat sur ses résultats pas sur ses rodomontades. Ceux qui expliquent que l'aspect
médiatique est un aspect essentiel de la défense privilégient leur intérêt et leur ego."
"Ce qui est amusant c'est que cette médiatisation rend hystérique les confrères que vous n'aimez pas. Ce
n'est pas difficile d'être médiatique si l'on a envie de l'être. Ce n'est pas désagréable non plus, mais cela créé des inimitiés."
"Quand les avocats parlent à la presse, c'est en partie pour se faire plaisir. Cest la mise en valeur du
"20 heures", avec l'excuse classique "c'est bon pour le client". Je cultive exactement le contraire car les clients attendent avant tout la confidentialité. Et puis les journalistes sont presque
aussi menteurs que les avocats."
Etonnante est la confidence de cet avocat, chargé de défendre des sportifs dans un procès très médiatisé,
et qui affirme qu'un avocat défendant des intérêts adverses est venu lui proposer de l'argent pour qu'il tente de convaincre son client de minorer sa plainte.
Et que penser des propos de celui qui explique que dès que se présente une affaire à fort potentiel de
médiatisation les avocats "draguent le client".
Certains avocats ont à l'occasion rappelé la raison d'être de leur présence auprès des justiciables
:
"L'avocat n'est pas là pour faire surgir la vérité, mais pour obtenir dans les règles le meilleur
résultat. Sa ligne, c'est défendre des êtres humains, pas forcément la vérité."
"La noblesse du métier d'avocat, c'est défendre les intérêts particuliers. Si l'on veut jouer les
parangons de vertu, mieux vaut être juge."
C'est donc la découverte d'un monde très particulier que proposent les auteurs dans ce livre.
Mais il ne faudrait pas oublier que les avocats dont il est question sont dans leur très grande majorité
des parisiens, et qu'en province, tous les jours, interviennent des avocats dont personne ne connaît ni le nom ni même l'existence et qui, dans l'anonymat le plus complet, font eux aussi un
travail de grande qualité.