Mossoul: Un bilan terrifiant, le fruit de crimes de guerre
Actualités du droit - Gilles Devers, 25/07/2017
Guerre contre le terrorisme, tout est possible quand les troupes sont sous commandement US, même les crimes de guerre. Le chiffre réaliste est de 40 000 morts, massivement des civils, pour cette attaque de 9 mois.
En juillet 2004, après une guerre éclair, les terroristes de Daech avaient pris la grande ville de Mossoul, où Abou Bakr al-Baghadi avait proclamé le califat. La coalition avait mis du temps à sa former, mais une fois lancée, l’issue de l’offensive sur Mossoul ne faisait pas de doute : une alliance des forces occidentales, irakiennes, kurdes et de milices chiites, avec une supériorité aérienne et de surveillance totale. Le drame redouté était une avancée aveugle des troupes, alors que les djihadistes de l’État islamique avaient pour unique objectif que de tenir, en se protégeant de la société civile.
La semaine dernière, Le Temps, l’un des rares journaux à parler du bilan, écrivait : « Tragiquement, l’État islamique a réussi son dessein apocalyptique. Personne ne se risque à un bilan. Des milliers d’habitants ont sans doute été tués sous le déluge de feu déclenché par l’armada anti-djihadiste. Les déplacés se comptent par centaines de milliers et rien ne dit qu’ils rentreront un jour chez eux ».
Le 12 juillet, Amnesty International avait lancé l’alerte, en publiant un rapport intitulé «At any cost: The civilian catastrophe in West Mosul, Iraq», sur les coMbats entre janvier à la mi-mai 2017, le communiqué de presse résumant : « Ce document expose la manière dont le groupe qui se désigne comme l’État islamique (EI) a déplacé des civils des villages voisins vers les zones de combats de Mossoul-Ouest, les a pris au piège dans leurs maisons et empêchés de s’enfuir, les utilisant comme des boucliers humains. Les forces irakiennes et celles de la coalition n’ont pas pris de mesures appropriées pour protéger les civils qu’ils ont, au contraire, soumis à un déluge de feu terrifiant venant d’armes qui n’auraient jamais dû être utilisées dans des zones civiles densément peuplées ». Le rapport analyse avec une précision remarquable une série d’attaques s menées par les forces irakiennes et celles de la coalition menée par les États-Unis, et conclut : «L’ampleur et la gravité des pertes civiles durant l’opération militaire pour la reconquête de Mossoul doivent être immédiatement reconnues au plus haut niveau par le gouvernement irakien et par les autorités des États membres de la coalition menée par les États-Unis». Le rapport affirme : «Les horreurs dont la population de Mossoul a été le témoin, et le mépris de toutes les parties au conflit pour la vie humaine ne doivent pas rester impunis. Des familles entières ont été décimées et beaucoup sont toujours ensevelies sous les décombres. La population de Mossoul mérite que son gouvernement lui dise que justice sera rendue et que des réparations seront accordées afin que l’impact dévastateur de cette opération soit dûment pris en compte.
Je souligne l’importance de ce rapport, resté bien inaperçu.
Comme l’EI obligeait les civils à aller vers les zones de combat et les empêchait de s’enfuir, les zones qu’il contrôlait à Mossoul-Ouest se sont de plus en plus remplies de civils alors que les combats faisaient rage. Les forces irakiennes et celles de la coalition menée par les États-Unis n’ont pas adapté leur tactique à cette réalité et elles ont continué à utiliser des armes explosives et imprécises à large champ d’action dans des zones urbaines densément peuplées.
«L’utilisation par l’EI des habitants comme boucliers humains n'amoindrit pas l’obligation légale des forces pro-gouvernementales de protéger les civils», a déclaré Lynn Maalouf, responsable d’Amnesty. Les planificateurs militaires auraient dû prendre des précautions supplémentaires en utilisant leurs armes de manière à veiller à ce que ces attaques ne soient pas illégales.»
Amnesty International a recensé une série d’attaques dans lesquelles les forces irakiennes et celles de la coalition menée par les États-Unis « ne semblent pas avoir atteint les cibles militaires visées, mais au contraire avoir tué et blessé des civils et détruit ou endommagé des biens civils ». Dans certains cas, « la mort de civils ou les blessures qui leur ont été infligées semblent avoir résulté d’un choix d’armes inadaptées aux circonstances ou de l’absence de précautions nécessaires pour vérifier que la cible était bien un objectif militaire ».
Même dans les attaques qui semblent avoir atteint la cible militaire visée, « l’utilisation injustifiée d’armes puissantes ou l’absence de précautions nécessaires ont entraîné des pertes inutiles en vies humaines ». C’est ainsi que « le 17 mars 2017, une frappe aérienne américaine sur le quartier d’Al Jadida, à Mossoul, qui avait pour but de neutraliser deux tireurs embusqués de l’EI, a tué au moins 105 civils. Que des explosions secondaires aient ou non eu lieu – ainsi que le ministère américain de la Défense l’a affirmé – il aurait dû être évident pour les responsables que le risque encouru par les civils du fait de l’utilisation d’une bombe de 500 livres était manifestement excessif par rapport à l’avantage militaire escompté ».
Et ainsi de suite. Ce sont des crimes de guerre : « En utilisant des armes explosives à large champ d’action et en procédant à des frappes aériennes disproportionnées contre des zones civiles densément peuplées, les forces irakiennes et les membres de la coalition dirigée par les États-Unis n'ont pas adapté correctement leur stratégie à la réalité sur le terrain. Il ne fait aucun doute que des centaines, voire des milliers, de victimes civiles auraient pu être évitées dans l'ouest de Mossoul, si leur priorité avait été la protection des civils, comme l'exige le droit international humanitaire. »
Dans The Independant, publie un très documenté article de Patrick Cockburn : « Pourquoi le monde n’est-il pas outragé les morts massives de civils à Mossoul ? » D’après Patrick Cockburn, qui a suivi tous les évènements, les services secrets, repris par les autorités, estiment le nombre de morts civils à 40.000. Lisez son article, et suivez les liens. C’est effarant, et cela prépare quoi ?
Pour le moment, nous en resterons au constat de ses morts civiles.