Expropriation : le Conseil Constitutionnel crée un nouveau chef de préjudice indemnisable pour les expropriés.
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 19/03/2015
On se souvient que par une décision n° 2012-226 QPC du 06 avril 2012 le Conseil Constitutionnel avait censuré les articles L. 15-1 et L. 15-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique relatifs à la prise de possession des biens expropriés.
Le Conseil a considéré que l'assimilation d'une consignation à un payement préalable méconnaissait l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité. La déclaration d'inconstitutionnalité des article censurés a été différée au 1er juillet 2013 pour permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité.
Cela a été fait par l'article 42 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports qui dispose :
"Les articles L. 15-1 et L. 15-2 du Code de l'expropriation (désormais articles L. 231-1 et L. 331-3 du Code de l’expropriation) pour cause d'utilité publique sont ainsi rédigés :Il se trouve que la constitutionnalité de la seconde disposition a donné lieu à une QPC sur le mérite de laquelle le Conseil Constitutionnel vient de statuer par décision du 13 février 2015.
« Art. L. 231-1.-Dans le délai d'un mois, soit du paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement ou de refus de recevoir, de sa consignation, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants.
« Art. L. 331-3.-En cas d'appel du jugement fixant l'indemnité, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer qu'en cas d'infirmation, l'expropriant ne pourrait recouvrer tout ou partie des sommes qui lui seraient dues en restitution, celui-ci peut être autorisé par le juge à consigner tout ou partie du montant de l'indemnité supérieur à ce que l'expropriant avait proposé. Cette consignation vaut paiement. La prise de possession intervient selon les modalités définies à l'article L. 15-1. »"
La société requérante soutenait que cet article L. 15-2 portait atteinte au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel, au vu des garanties légales qu'elle mettait en place, l'a jugée conforme à la Constitution en formulant toutefois une réserve d'interprétation.
Il a estimé que lorsque l'indemnité définitivement fixée excède la fraction de l'indemnité fixée par le juge de première instance qui a été versée à l'exproprié lors de la prise de possession du bien, l'exproprié doit pouvoir obtenir la réparation du préjudice résultant de l'absence de perception de l'intégralité de l'indemnité d'expropriation lors de la prise de possession.
Il reste à savoir comment va être évalué l'indemnité : application du taux d'intérêt légal ou mécanisme d'évaluation sui generis ?