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La télé et le foot

Justice au Singulier - philippe.bilger, 3/03/2015

Pourtant, aimer le foot n'est pas une passion médiocre. Encore faudrait-il recommencer le match, à la télévision, mais avec moins de joueurs et plus de talent et d'allure !

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J'aurais pu ne pas laisser de côté le rugby quand, après la défaite de l'équipe de France face à celle du Pays de Galles, Philippe Saint-André a déclaré qu'elle n'était pas "une grande équipe" - on l'a constaté, en effet - mais a oublié de dire qu'il n'était pas non plus "un grand entraîneur". Il n'aurait pas dû pousser des hauts cris devant l'idée de sa démission ! Certes on ne quitte pas un navire qui sombre mais quand on est le responsable, depuis un certain temps, de sa descente au fond, au moins on s'interroge !

Mais le football français, depuis quelques jours, offre trop d'opportunités à la fois sportives, dérisoires, sarcastiques et médiatiques pour être négligé par "un beauf" ébahi, notamment, par la médiocrité péremptoire d'experts réels ou prétendus dans cette matière, comme dans d'autres infiniment plus sérieuses. Une certaine manière d'asséner son savoir est le signe le plus éclatant de l'infirmité humaine sinon intellectuelle !

Tout a commencé après l'époustouflante victoire de Monaco contre Arsenal le 17 février. Elle a surpris beaucoup de monde, mais Arsène Wenger qui a été un commentateur calamiteux mais demeure un excellent entraîneur avait su, lui, apprécier, à sa juste mesure, l'adversaire de son équipe. Il soulignait que rien n'était gagné et, de fait, Arsenal a perdu.

Comparons cette prudence compétente avec l'ironie condescendante dont on avait usé à l'égard du président Dimitri Rybobovlev - notamment Pierre Ménès - quand invité au Canal Football Club (CFC), il avait osé soutenir que son équipe avait ses chances contre Arsenal !

Elle a gagné parce que les joueurs de Monaco, appliquant à la lettre les consignes de Leonardo Jardim, ont constitué un bloc défensif quasiment infranchissable et ont su procéder à trois décisives contre-attaques.

Mais s'ils ont pu les mener à bien aussi efficacement, c'est surtout parce que la défense d'Arsenal, elle, a gravement failli.

Avant d'arriver au comble de la bêtise et de l'arrogance sur Canal Plus, le 1er mars, dans cette émission qu'Hervé Mathoux parvient, chaque dimanche, à maintenir à un niveau honorable - et ce n'est pas un mince exploit ! -, nous avons eu droit à la menace de Ribéry d'abandonner la nationalité française au profit de l'allemande.

Je connais les qualités de l'immense footballeur qu'il a été et qu'il demeure au Bayern de Munich, je n'oublie pas son parcours difficile et méritant, comment il s'est sorti à la force du pied d'origines et d'une condition modestes mais, sur l'autre plateau de la balance, je mets beaucoup de négatif. S'il persiste dans sa volonté de devenir allemand - il serait accueilli à bras ouverts -, y aura-t-il beaucoup de Français pour déplorer son départ, aujourd'hui, à 31 ans ? La France l'aurait déçu mais en certaines circonstances n'a-t-il pas déçu la France et créé, pour rester poli, du désordre et de la confusion dans les vestiaires de notre équipe nationale ? S'il est aimé en Allemagne, bon vent : apparemment, lui pourra emporter sa patrie à la semelle de ses souliers !

Une bouffée d'air pur le samedi 28 février, non pas tant à cause de la première mi-temps étincelante de l'équipe de Lyon contre celle de Lille suivie d'une défaite après 45 minutes heurtées et déplaisantes, avec un record de coups francs.

Mais, ce qui est rare, grâce aux propos d'un entraîneur serein, lucide, pondéré et équitable. Hubert Fournier est à part dans le monde du football : de Reims à Lyon, il n'a pas changé. Ce n'est pas un excité et il a de la tenue.

J'ai tout particulièrement apprécié l'analyse qu'il a faite et qui tranchait sur les commentaires habituels : "Nous avons fait preuve d'impatience, nous étions toujours en train de contester. C'est un visage que nous ne devons pas montrer". Un entraîneur capable de semoncer courtoisement ses joueurs pour leur attitude en quelque sorte morale, pour moi c'est une première ! (Le Figaro)

Et, le 1er mars, c'est donc le CFC !

Sur la plateau, Pierre Ménès qui ne cesse pas de se rengorger et considère qu'il est très compétent parce qu'il a assisté à beaucoup de matchs dans sa vie. Soit. Mais est-il nécessaire, pour se distinguer - on comprend bien ses ressorts psychologiques - de multiplier les "fait chier", en tentant de nous faire croire que sa grossièreté sera garante de sa lucidité sportive ? En s'attirant évidemment ainsi les bonnes grâces d'un public qui préfère cette vulgarité à l'élégance d'un Hervé Mathoux ou aux aperçus de qualité d'un Mickaël Landreau ?

Eric Carrière et Daniel Bravo, s'ils ne sont pas géniaux, ne font pas trop de mal. Ils torturent un peu le français mais on ne saurait le leur reprocher puisque le maniement de notre langue - par exemple,les commentaires d'Olivier Rouyer, mon dieu, ou les questions infantiles et les OK stupides d'un Laurent Paganelli ! - est le cadet des soucis du monde télévisuel, notamment sportif.

Et nous avons l'inénarrable Christophe Dugarry cité, avec d'autres bénéficiaires, dans les opérations fiscalement frauduleuses d'HSBC Suisse... Mais cela ne l'a pas fait baisser d'un ton et apparemment, pour Canal Plus, la pureté du comportement civique n'est pas exigée pour le journalisme du foot (Le Monde) !

Dugarry a été à Bordeaux un joueur souvent remarquable et sachant aussi se faire remarquer. En équipe de France, le soutien de Zidane lui a beaucoup servi et je me demande si son comportement médiatique d'aujourd'hui ne cherche pas à compenser le discrédit populaire qui a été le sien à la fin de sa carrière : il n'était pas aimé. Il en fait trop, dans la critique amère, parce qu'on n'en a pas fait assez avec le joueur !

Quand je l'entends démolir l'équipe de Monaco et son jeu "nul", invoquer l'ennui qu'il éprouve, je souhaiterais moins de hargne et plus de nuance. Il s'abandonne à la volupté d'un apparent parler vrai mais qui est surtout un propos de piètre polémiste revanchard et blessé.

Si Monaco n'a pas été flamboyant contre le PSG, cela tient d'abord au fait que celui-ci n'a pas eu de failles et que sa défense en particulier a totalement muselé les joueurs de Jardim en brisant net leurs rares contre-attaques. Jardim a réagi avec une acidité intelligente en déclarant que Dugarry avait été joueur mais jamais entraîneur ! C'est peu mais tout est dit.

La télé et le foot : un couple de plus en plus dur à supporter pour le téléspectateur. Trop de mots autour des images. Trop de vulgarité. Trop de faux compétents. Trop de recyclages d'opportunité. Trop d'entraîneurs virés et rattrapés pour la manche médiatique. Trop de commentateurs. Bientôt les équipes médiatiques, pour nous raconter ce qu'on est capable de voir tout seul, vont être à plus de onze ! Que de parasites qui viennent se projeter dans la lumière de très peu de nécessaires !

Pourtant, aimer le foot n'est pas une passion médiocre. Encore faudrait-il recommencer le match, à la télévision, mais avec moins de joueurs et plus de talent et d'allure !


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