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Affaire du Chambon-sur-Lignon: le besoin d’espérer, l’erreur et la peur

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 2/07/2013

Dès le lendemain du verdict qui a condamné Matthieu M. à la réclusion criminelle à perpétuité ses deux avocates, Mes Isabelle Mirman et Joëlle Diez, ont annoncé que leur client faisait appel. En prononçant vendredi 28 juin contre l'auteur d'un … Continuer la lecture

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Dès le lendemain du verdict qui a condamné Matthieu M. à la réclusion criminelle à perpétuité ses deux avocates, Mes Isabelle Mirman et Joëlle Diez, ont annoncé que leur client faisait appel. En prononçant vendredi 28 juin contre l'auteur d'un double viol et de l'assassinat d'Agnès Marin la peine maximale encourue, la cour et les jurés de Haute-Loire sont allés au-delà des réquisitions prononcées par l'avocate générale Jeanne-Marie Vermeulin.

Sur la durée, la différence est symbolique puisque la représentante de l'accusation avait requis 30 ans d'emprisonnement, assortis d'une injonction de soins et d'une mesure de rétention de sûreté contre Matthieu M. Cette disposition de la loi du 25 février 2008 permet de maintenir en détention un condamné à l'issue de sa peine s'il est jugé particulièrement dangereux en raison de troubles graves de la personnalité.

Mais pour la défense, ce verdict est doublement inacceptable sur le fond. D'une part, parce qu'il écarte l'excuse de minorité dont il aurait pu bénéficier - l'accusé était âgé de 17 ans et demi au moment du viol et de l'assassinat d'Agnès Marin - et qui fixait à 20 ans le maximum encouru. Matthieu M. devient ainsi le deuxième mineur condamné à la perpétuité après Patrick Dils reconnu coupable en 1989 de deux meurtres d'enfants dont il a été acquitté en 2002.

D'autre part parce qu'il exclut toute pathologie mentale dans la personnalité du condamné, alors que la défense plaide l’irresponsabilité pénale et que l’accusation a elle-même estimé, conformément aux conclusions d'un des deux collèges d'experts psychiatres, que le jeune homme souffrait au moment des faits d'une altération du discernement.

Si elles n’en tirent pas les mêmes conséquences, toutes les parties s’accordent sur l'extrême dangerosité du jeune homme, telle qu'elle a été soulignée par les experts. "N'éprouvant aucun sentiment de honte et de culpabilité (…) Matthieu M. se projette dans un avenir de récidiviste, reflet de son mode de fonctionnement pervers", soulignaient les docteurs Claude Blachère et Daniel Zagury.

"La priorité n'est pas de trouver une peine susceptible de l’aider à se construire, avait relevé en écho l'avocate générale Jeanne-Marie Vermeulin, mais de faire en sorte que la poursuite de son existence ne soit pas l'occasion de nouveaux drames. Il ne faut pas lui donner l'occasion de devenir un violeur ou un tueur en série".

Le verdict rendu par la cour d'assises de Haute-Loire n'est donc pas seulement la sanction des crimes dont Matthieu M. a été reconnu coupable. Il est un verdict de peur. Et celle-ci est d'autant plus forte qu'elle succède à une espérance trompée. Dans l'exceptionnelle leçon d'humilité et de lucidité que fut le réquisitoire prononcé vendredi 28 juin, il y avait cette phrase, juste entre toutes. "Face à un adolescent, il y a ce besoin d'espérer sans lequel le professionnel ne peut exercer son travail au quotidien".

Ce besoin d'espérer est au cœur de l'erreur d'appréciation sur le premier viol reproché à Matthieu M. Celui-ci avait entraîné une jeune fille de son village dans un endroit reculé où il avait préalablement noué des ficelles à des branches d'arbre pour attacher sa victime. "La préméditation est très rare, voire exceptionnelle, dans les viols commis par les adolescents. Elle porte le sceau d'un fonctionnement pervers qu'on aurait sans doute immédiatement envisagé si l'accusé avait été adulte", avait relevé l'avocate générale.

Mais la dimension perverse de l’acte a été sous-estimée à la fois par le premier expert psychiatre qui a posé un diagnostic d'évolution très favorable sur Matthieu M., par les acteurs judiciaires de l'époque et par ses parents. Chacun s'était alors accroché à l'interprétation rassurante suggérée par l'expert - et entretenue par l'adolescent lui-même - selon laquelle ce passage à l'acte s'expliquait par une dérive dans la consommation d'alcool, de cannabis et de jeux vidéo.

Cela ne justifie en rien – et l’avocate générale l’a souligné – la légèreté avec laquelle l’accusé a été remis en liberté. Mais sans doute faut-il imaginer un instant le cabinet de la juge qui voit arriver le dossier de Matthieu M. sur son bureau. Parmi ceux dont elle a la charge, combien sont-ils à avoir un père et une mère soudés dans le soutien à leur fils, capables d'écrire et de convaincre un établissement scolaire de l'accueillir et en mesure d'assurer financièrement les frais - supérieur à 10.000 euros - de cette prise en charge? Dans ces conditions, quel juge – et au-delà quel adulte ? - n'aurait-il pas été tenté de donner sa chance à Matthieu M. ?

 

 


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