Une Europe visible ? Les fonctionnaires et… Draghi !
Actualités du droit - Gilles Devers, 5/06/2014
Le spectacle européen est assez saisissant. Quinze jours après les brillantes élections, qui ont passionné les foules, c’est le règne des combines. Nous ne savons pas quelle sera la coalition majoritaire au Parlement, et nous ne savons pas non plus qui sera désigné président de la Commission. Tout se passe dans les couloirs et loin du regard des électeurs. Mais un homme s’impose : Draghi, le patron de la BCE. C’est lui qui décide, et son ascension sur le pouvoir politique fait furieusement penser à la fable de la grenouille et du bœuf.
Dans ce contexte, il n’est pas envisageable d’évoquer ce que sera la politique européenne. Tout est en live,… et heureusement qu’on peut compter sur les excellents fonctionnaires européens. Ce sont eux qui tiennent l’attelage, en gérant la drolatique triple présidence, de l’Union, de la Commission, et de l’Etat vedette pour six mois. Ajoutons le turn over permanent liée aux changements de gouvernement dans les 27 Etats membres. Oui, merci aux fonctionnaires, qui tiennent la maison.
Mais la vedette, le seul qui a pouvoir réellement identifié en Europe, c’est Mario Draghi, le directeur de la Banque centrale européenne (BCE), un brave petit gars qui a fait ses classes à la Goldmann Sachs, cette grande école des valeurs démocratiques. Tu veux une Europe visible : la voici !
« Super Mario », remplaçant le prétentieux Trichet en 2011 avait sauvé l’euro en affirmant que la BCE reprenait la charge du dossier : « La BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant ». Les politiques étaient retournés à leurs petites affaires, trop heureux de voir la BCE récupérer le dossier (Ce qui n’empêche pas notre Sarko décati de s’affirmer sauveur de l’euro).
Hier, sans aviser qui que ce soit, Mario Draghi a pris acte que le pouvoir politique en Europe était à la ramasse, et il a tout tranché en une matinée, avec du contenu. La BCE baisse son principal taux directeur de 0,25 % à 0,15 %, soit trois fois rien, et porte en taux négatif (- 0,10 %) son taux de dépôt, qui rémunère les sommes que les banques placent à court terme dans ses coffres, pour encourager les banques à prêter aux ménages et entreprises. De plus annoncé, la BCE va accorder deux prêts massifs aux banques, sur quatre ans, qui ne serviront pas à racheter de la dette publique, mais seront réservés aux banques qui prêtent aux entreprises. Le montant annoncé est de 400 milliards d’euros. Tu voulais un plan de relance ? Tu l’as, et tout repose sur les entreprises et les banques
Alors, c’est bien ? pas bien ? Le débat est ouvert. Mais pour la question, qui décide ?… C’est tranché ! Et le spectacle hier des politiques qui se précipitaient en ordre dispersé vers les micros pour commenter les décisions de Super Mario montraient toute la misère de notre système démocratique européen.