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Les prérogatives du comité d’entreprise dans le cadre de l’homologation d’un PSE

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Nathanaël Place, 16/06/2014

Le comité d’entreprise doit disposer de l’ensemble des informations communiquées par l’employeur à la DIRECCTE dans le cadre de la procédure d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Il appartient à la DIRECCTE de garantir le respect des prérogatives du CE en ce domaine qui présentent un caractère substantiel en ce qu’elles participent de la confortation du dialogue social voulu par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
La loi n°2013-504 du 14 juin 2013 dite de sécurisation de l’emploi a profondément modifié la procédure de licenciement économique en conférant des prérogatives importantes à l’administration qui homologue le plan de sauvegarde de l’emploi présenté par l’employeur.

Les entreprises de 50 salariés et plus qui sont amenées à licencier au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours pour motif économique ont en effet depuis le 1er juillet 2013 deux possibilités pour déterminer le contenu de leur PSE :

1. Soit conclure un accord collectif majoritaire validé par la DIRECCTE ;

2. Soit faire homologuer par la DIRECCTE un document unilatéral élaboré par l’employeur après la dernière réunion du CE.

Durant la procédure, ce dernier est consulté à deux titres.

La consultation porte à la fois sur l’opération projetée et ses modalités d’application en vertu des attributions propres du CE en cas de restructuration et de compression des effectifs (article L2323-15 du code du travail et sur le projet de licenciement économique en tant que tel (article L1233-30,I du code du travail).

Le CE est désormais tenu de rendre son avis dans un délai de
• deux mois pour les licenciements de 10 à 99 salariés ;
• trois mois lorsque les licenciements concernent entre 100 et 249 salariés ;
• quatre mois lorsque la population concernée est supérieure à 250.

L’arrêt de la Cour d’appel administrative de Marseille du 15 avril 2014 (n°14-MA 00387), qui a retenu notre attention, veille à la stricte information du CE tout au long de la procédure et plus spécialement dans le cadre des échanges entre l’employeur et l’administration, préalablement à l’homologation du PSE.

En l’espèce, le mandataire judiciaire à la liquidation d’une entreprise saisit la DIRECCTE aux fins d’homologation d’un PSE.
Faisant usage de la faculté qui lui est ouverte par les dispositions de l’article L1233-57-6 du code du travail, l’administration formule auprès du mandataire liquidateur plusieurs observations en lui demandant un certain nombre de précisions :

• Quelles étaient les démarches engagées afin de solliciter le groupe auquel appartenait l’entreprise en liquidation pour adapter les moyens du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des capacités du dit groupe ?
• S’agissant des reclassements internes, quelles étaient les dispositions d’accompagnement envisagées, notamment les aides à la mobilité et les postes proposés ?
• S’agissant des reclassements externes, quels étaient les postes éventuellement proposés et dans quelle géographie ?
• Enfin, s’agissant de la commission de suivi du PSE, quels étaient les membres de cette commission, ses modalités d’organisation et ses plannings de réunion.

Le mandataire liquidateur répond à ces demandes en joignant divers documents, en particulier une note d’information établie par le Président du groupe, elle-même accompagnée d’annexes relatives à la situation financière de la maison mère.

Au terme de ce processus, la DIRECCTE homologue le PSE en précisant que, pour apprécier la qualité de ce dernier, il lui appartient de tenir compte notamment des capacités financières du groupe et qu’à cet égard, le mandataire liquidateur a présenté la note précitée accompagnée des bilans et comptes de résultat des deux derniers exercices ainsi que les lettres de deux établissements de crédit dénonçant les autorisations de découvert, documents démontrant une grande fragilité économique et financière du groupe « et qu’en conséquence la qualité du PSE devait être appréciée en tenant compte de ce critère ».

Une ancienne salariée de la société décide de saisir d’une action en nullité de la décision d’homologation de la DIRECCTE le tribunal administratif de Nîmes, qui rejette sa demande.

Elle saisit alors la Cour administrative d’appel de Marseille qui va confirmer son intérêt à agir et prononcer la nullité de la décision contestée.

La Cour relève en effet que, si après les échanges d’informations qui ont eu lieu entre la DIRECCTE et le mandataire liquidateur, ce dernier a bien convoqué le CE en joignant à la convocation une note d’information sur la marche générale de l’entreprise et les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, ainsi qu’une note d’information sur le projet de licenciement économique envisagé et enfin le projet de plan de sauvegarde de l’emploi « il est toutefois constant que la réponse du mandataire liquidateur aux observations de l’administration n’a pas été adressée par celui-ci aux représentants du personnel, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l’article 1233-57-6 du code du travail, pas plus que ne l’ont été les documents qui ont été annexés à la dite réponse ».

La Cour considère qu’une telle irrégularité présente un caractère substantiel dans la mesure où, même si les représentants du personnel ont disposé d’une information suffisante sur la situation économique et financière de l’entreprise, ils n’ont pas été mis à même de prendre connaissance en temps utile des éléments d’information disponibles concernant la situation économique et financière du groupe et ont été privés d’une garantie à l’effet utile du dialogue social.

Dans un considérant de principe, la Cour prend soin de relever que i[« … la confortation du dialogue social en matière de restructuration constitue l’un des objectifs fondamentaux de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi […] que, dans ce cadre, il appartient notamment à l’autorité administrative, garante de la qualité du dialogue social, de s’assurer, s’agissant en particulier d’un plan de sauvegarde de l’emploi mis en place dans le cadre d’un document élaboré unilatéralement par l’employeur, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise sur l’opération projetée et ses modalités d’application ». ]i

Les prérogatives du CE sont donc ici érigées en formalités substantielles dont la méconnaissance affecte directement la légalité de la décision de l’administration qui n’a pas suffisamment veillé à leur respect par l’employeur.




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