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A quel prix peut-on critiquer les juges ? (534)

Droits des enfants - jprosen, 7/07/2013

Le Conseil constitutionnel  a reçu une volée de bois vert à la suite de sa décision d’invalider les comptes de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. « Décision politique », « instance politique », « décision participant de la chasse à l’homme engagée contre l’ancien président », … Continuer la lecture

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Le Conseil constitutionnel  a reçu une volée de bois vert à la suite de sa décision d’invalider les comptes de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. « Décision politique », « instance politique », « décision participant de la chasse à l’homme engagée contre l’ancien président », etc… que n’a-t-on pas entendu ! (1)

Reste que cette critique contestant la légitimité même des juges suprêmes ne pourra pas rester sans conséquence sur les esprits dans un temps où notre société, ébranlée par les interrogations sur son devenir, a besoin de repères institutionnels clairs et fermes. Spécialement, une fois encore, comment inciter les plus jeunes à respecter les termes de la loi et les cadres de la société quand des hommes politiques dits de haut niveau se commettent dans ce type de démarche au risque eux-mêmes d’être en grande difficulté si un jour ils atteignaient, directement ou indirectement, les responsabilités suprêmes ?

Bien sûr les français plus fins qu’on le laisse à penser vont rapidement découvrir, sans nécessairement tous la lire dans le détail que la  décision du Conseil constitutionnel n’est pas si sévère pour rien. Comme le souligne pr Olivier Duhamel sur Europe 1 il ne s’agit pas seulement d’une petite erreur technique d’écriture ou de calcul se traduisant par un  dépassement de quelques 400 000 euros sur un budget autorisé de plusieurs millions, soit 2 et quelques pour cent. Le Conseil affirme que ces comptes ne sont pas sincères – on a dissimulé sciemment des dépenses – et  relève des détournements de financements publics. Trois reproches majeurs à ce niveau d’accès aux plus hautes responsabilités. Pas moins. Une paille !

Le fait que dans le passé deux autres « grands » candidats (Messieurs Balladur et Chirac) auraient pu voir leurs comptes recalés alors que le Conseil dans sa composition de l’époque n’a pas osé pas prendre une telle décision, ne saurait pas servir d’argument pour justifier un coup d’éponge. Ce Conseil-ci, dans sa composition, résultant rappelons-le pour l’essentiel – 7 membres sur 9 – de l’ancienne majorité politique proche de Nicolas Sarkozy, entend s’inscrire dans cette séquence – saine – qui veut aujourd’hui que la règle soit affirmée et respectée par tous, quel que soit le prix à payer.

L’attitude de Nicolas Sarkozy et de son équipe de campagne à l’égard de la commission  de contrôles des comptes électoraux et du Conseil constitutionnel me fait penser à ce propos d’un directeur de cabinet d’un ministre de gauche, énarque de haut vol, qui en 1982 qui me disait que nous n’avions rien à craindre de la Haute cour de justice pour son mentor. Aujourd’hui plus un directeur de cabinet n’oserait affirmer une telle incongruité juridique et politique !

Le candidat de l’UMP a pu penser pouvoir s’asseoir sur la loi et mélanger l’exercice du pouvoir et sa reconquête : il en paie le prix fort. A prendre régulièrement des marges avec la loi, il faut bien qu’un jour elle vous retrouve. En multipliant les écarts on a beau jeu de parler ensuite de persécution quand il ne s’agit somme toute que d’une addition à régler.

Ainsi pour être clair, je n’admets pas plus qu’un parti politique se réunisse au sein d’un ministère  comme ce fut le cas la semaine passée pour décider du sort de ses membres au gouvernement. Les responsables d’Ecologie-Les verts, pour ne pas les citer, auraient dû se réunir dans leur locaux pour avoir ce type d’échange et non pas dans les locaux de la République.

Bref, le candidat Sarkozy a violé la loi ; une institution dont les membres sont loin de lui être politiquement hostiles, mais qui ont une vision supérieure de leur rôle au sein de l’institution, le lui rappelle, tout cela est normal. Personnellement j’ai toujours pensé qu’on pouvait critiquer une décision judiciaire et je le disais même dans la période où le ministre de l’intérieur Sarkozy critiquait – injustement - la justice des mineurs (1). Mais on n’a pas à dénigrer l’arbitre ou le juge quand sa décision est sévère mais juste.

A défaut, on joue avec le feu. Comment demain imagine-t-on asseoir la légitimité  du Conseil constitutionnel qui sera tout logiquement conduit à rendre des décisions essentielles pour le devenir du pays ?

On peut contester les décisions du Conseil constitutionnel, et je ne m’en suis pas privé avec nombre de grands juristes, quand sur le plan juridique il n’est pas rigoureux car justement composé de membres plus politiques que juristes. La réforme – heureuse - votée à l’initiative de Nicolas Sarkozy qui veut qu’il puisse désormais vérifier, à travers la procédure dite de Question prioritaire de constitutionnalité, la conformité de  l’ensemble de notre droit aux principes constitutionnels sinon aux termes de la constitution, appelle à un changement profond.

Il est fini le temps où le Conseil était nettement une instance politique chargée de légitimer les options du pouvoir en place, et  donc tout logiquement composé d’hommes et de femmes politiquement engagés au gré des choix politiques du président de la République et des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale complétés par les anciens présidents de la République dont les compétences juridiques sont limitées mais qui jouent le rôle de politiciens expérimentés. Avec le temps et d’éventuelles alternances des rééquilibrages en nuance pouvaient s’opérer.

Aujourd’hui il faut aller radicalement que le Conseil constitutionnel devienne une cour suprême qui dise le droit. Il doit alors être composé uniquement de juristes de haut niveau – ce qui n’exclue pas le sens politique, les options juridiques étant infiniment politiques, conf. aux USA les décisions sur la peine de mort, à loi égale - avec les risques mais aussi les avantages de l’exercice, notamment « un gouvernement des juges ». Nombre de pays dans le monde aimeraient n’avoir que ce problème démocratique à gérer ! Les anciens présidents n’ont plus à en  être et ici comme ailleurs on se doit de respecter ces juges même si on est tout à fait légitimes à critiquer  au sens noble du terme leurs décisions.

En tout état de cause, dans ce climat où trop ont tendance à entonner le discours du Tout et tous pourris, le fan club sarkoziste tire un nouveau un boulet contre la République. Il y en a eu d’autres envoyés par d’autres et tout aussi dangereux, hier comme récemment, tel notamment le mensonge public de l’ex-ministre des Finances de l'actuel gouvernement. Mais trop c’est trop ! Les responsables publics comme tous ceux qui ont une grande visibilité médiatique, se doivent aujourd’hui d’être exemplaires. Que dire d’artistes qui admettent publiquement avoir consommé à haute dose de la cocaïne ou d’autres qui quittent la France pour ne pas y payer leurs impôts tout en se revendiquant français et prêts à y revenir pour bénéficier du système de santé ?

Comment les plus jeunes  ou les plus fragiles socialement, pour qui un sou est un sou et la rigueur de la loi difficilement contournable, peuvent-ils être appelés à respecter les règles du jeu si les puissants ou présentés comme tels les foulent allègrement du pied, font la loi à leur main et en plus discréditent les juges ?

Qui vole un oeuf, vole un boeuf !  La loi est rude, mais c'est la loi ! Nul n'est censé ignorer la loi. Que les adultes respectent ces règles et quelques autres et ils seront mieux fondés à guidés jeter l'anathème sur les jeunes qui franchissent la ligne blanche de la légalité

(1) Et que dire de la démission d'une fonction dont on est membre de droit qu'on le veuille ou qu'on le veuille pas? Sinon que c'est de la poudre aux yeux et prendre les gens pour des idiots

(2)    Et n’hésitait pas à demander en conseil des ministres le déplacement de tel juge, et je suis bien placé pour le savoir, obligeant le ministre de la justice M. Clément à lui rappeler la séparation des pouvoirs et l’inamovibilité des magistrats du siège


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