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François Hollande vraiment pas impressionné ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 28/04/2013

Je suis déçu. J'aurais tellement aimé que le président soit impressionné. Enfin.

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Le président de la République a déclaré il y a dix jours qu'il n'était pas "impressionné" par l'immensité et le caractère exceptionnel, sur tous les plans, des difficultés auxquelles la France s'affrontait, que c'était lui qui fixait la ligne et tenait le cap et que le reproche le plus absurde qu'on pouvait lui faire était de lui prêter "une prétendue indécision". Sa première année de quinquennat, autrement dit, n'était pas une surprise pour lui car il n'ignorait pas qu'elle serait éprouvante (AFP, lemonde.fr, nouvelobs.com).

Pourtant, derrière cette apparente et constante sérénité depuis le mois de mai 2012, je suis persuadé qu'il y a depuis quelques semaines "de la tempête sous un crâne" et on ne peut que comprendre cette interrogation que le président sans doute se formule à lui-même. Sa chute dans les sondages apparaît inéluctable et à la longue, force est de se demander si elle tient au fond de sa politique, à sa personnalité ou à la perception qu'ont les Français d'un président qui, à cause de son camp et des tensions qui le traversent, n'a plus la disponibilité pour se consacrer à l'essentiel qui est le Gouvernement trans-partisan de la France.

Pour résumer, la nation ne doute pas de la sincérité de François Hollande quand il s'affirme le président de tous les Français - en dépit des déchirements causés par la loi sur le mariage pour tous - mais elle est perturbée par le fait qu'à l'évidence il n'est pas celui de toute la Gauche, de tous les socialistes. Comment avoir confiance quand les querelles périphériques occupent toute la place et font se dépenser toute l'énergie ?

En effet, malgré les polémiques et les controverses de mauvais aloi qui donnent à l'opposition la preuve peu reluisante de son existence et le jusqu'auboutisme de l'extrême gauche acharnée à démontrer que ses réponses simplistes à nos problèmes complexes seraient la solution, à considérer le travail accompli depuis un an, le courage assumé par le président d'une social-démocratie à la française, les réformes entreprises, la pratique de l'Etat avec une Justice indépendante et libre que la sordide affaire Cahuzac a rendu plus nécessaire que jamais, les actions internationales au Mali ou ailleurs, on peut être étonné que jamais le moindre frémissement ne se soit produit qui aurait fait remonter les sondages et influencer favorablement l'opinion.

Quoi que projette, mette en oeuvre ou rejette le président, une sorte de fatalité colle à ses desseins et à ses entreprises, qui manifeste que probablement la cause de son déclin ininterrompu réside ailleurs.

Malgré les moqueries et les outrages venus de toutes parts - Nicolas Sarkozy n'en a pas été privé non plus durant son quinquennat -, la personnalité de François Hollande demeure acceptée et sa normalité, pour relative qu'elle soit forcément devenue, et la sympathie qu'il continue d'inspirer à beaucoup représentent encore un socle sur lequel il peut compter.

Ce qui est dévastateur et à ce point paraît unique sous la Ve République tient, de la part de sa majorité, à l'absence totale de respect à son égard. Je n'évoque pas la quotidienneté de la courtoisie et les déférences conventionnelles dont je présume qu'elles ne sont pas oubliées mais profondément l'adhésion à une ligne, à une pensée, à un chef, à la reconnaissance pour celui sans lequel son camp et ses valeurs seraient encore en train de frapper à la porte du Pouvoir.

François Hollande est chahuté, rudoyé, désobéi, discuté, mis ou remis en cause d'une manière qu'aucun président n'a jamais été contraint d'endurer. La gauche du parti socialiste, les Verts, le Front de gauche s'en donnent à coeur joie et j'ai souvent l'impression d'une boxe républicaine dont François Hollande serait le punching ball.

Qu'on songe à ce qui se serait produit, pour le meilleur et pour le pire, si durant son quinquennat Nicolas Sarkozy avait été soumis, pour sa politique erratique, en plus à une majorité agitée. Le paradoxe est qu'il a bénéficié d'une inconditionnalité à proportion de ses échecs.

Il y a de l'ironie à revisiter notre histoire. Ségolène Royal avait failli l'emporter à la présidentielle de 2007 et elle n'avait été vaincue qu'à cause, globalement, de l'absence de soutien du PS. François Hollande en a bénéficié et il a été élu. Mais c'est le président qui aujourd'hui paie les frais du fait qu'Hollande, comme Premier Secrétaire pourtant durable, n'a jamais été légitime pour l'ensemble des socialistes. On lui a concédé une embellie à la primaire de 2011 mais depuis le mois de mai 2012, pas de jour sans qu'on lui fasse mesurer à quel point son autorité n'est guère légitime et sa vision pas du tout exaltante. Dans cette cour de grave récréation qu'est devenu l'Etat, le président, aidé par son Premier ministre lui-même moqué, a beau sermonner : son volontarisme pour métamorphoser le réel fait défaut et l'illusion que sa tranquillité et son incurable optimisme auront un effet bienfaisant, contagieux sur la réalité révèle au fur et à mesure son absurdité.

Et les socialistes jouent leur propre musique évidemment de plus en plus dissonante. Le président tient une baguette mais il n'est plus un chef et son orchestre est mauvais.

Cette situation dégradée serait déjà en elle-même infiniment préjudiciable puisqu'elle ne cesse de porter atteinte à ce qu'on attend, ce qu'on espère d'un président : un regard, une intelligence, un chemin, une unité de cohérence et d'action. Lui puis tous les autres.

Mais comment ne pas relever que l'étrange et précipité voyage chinois, la libération d'une germanophobie dangereuse, la continuation d'un amateurisme de moins en moins sympathique, de plus en plus néfaste - n'est-ce pas, Christiane Taubira capable de changer de point de vue d'un jour à l'autre ? - sont le signe que le président de la République lui-même est atteint.

Il ne sait plus sur quel pied, sur quel esprit présider. Donner un grand coup sur la table, remanier, resserrer ou attendre que son heureuse nature fasse le travail, contredise les objecteurs de sa politique ?

Je suis déçu. J'aurais tellement aimé qu'il soit impressionné.

Enfin.


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