Le contrat de cession de droits d’auteur à l’épreuve du pragmatisme économique de la production cinématographique : réflexions à propos de l’arrêt du 16 mars 2012 de la chambre 2 pôle 5 de la Cour d’appel de Paris
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Karine Riahi, 4/01/2013
Même si les règles en matière de contrats de cession de droits d‘auteur sont d’ordre public et que l’on ne peut y déroger, la faculté pour le rédacteur d’adapter ces règles à la réalité du processus de la production audiovisuelle, reste intacte.
Deux auteurs du secteur de l’animation avait saisi le Tribunal de grande instance de Paris car ils avaient considéré que les producteurs du film long-métrage d’animation « Piccolo et Saxo » avaient abusivement invoqué l’insuffisance de financement de cette production pour résilier leur contrat de cession de droits de réalisateur , qu’ils s’étaient également rendus coupables de contrefaçon de leurs droits en utilisant en les ayant modifié certains de leurs dessins. Leur action judiciaire était alors fondée sur le non respect des obligations de bonne foi, et de loyauté contractuelle.
Le 5 novembre 2010, le Tribunal a débouté les auteurs de toutes leurs demandes, ceux-ci ont alors saisi la Cour d’Appel de Paris sur les mêmes fondements. La Chambre 2 du Pole 5 s’est prononcée le 16 mars 2012, aux termes d’un arrêt très motivé qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal.
La lecture de cette décision nous amène à conclure que les magistrats de la Cour ont pris en compte les vicissitudes du montage financier de la production d’un film de long-métrage, dont on sait que, particulièrement dans le secteur de l’animation, il dépend d’un nombre importants d’investisseurs potentiels, souvent étrangers.
La Cour a admis que les producteurs engagés dans ce qu’on peut considérer comme » un parcours du combattant » avaient besoin de cette latitude, de temps, et du droit de modifier les paramètres artistiques et financiers pour produire in fine une œuvre audiovisuelle, à condition d’une part que ces aléas aient été dès le départ indiqués dans les contrats signés avec les auteurs, et que d’autre part, ces clauses aient été parfaitement respectées.
Aussi, les conclusions de cet arrêt sont précieuses en ce qu’elles nous indiquent que, quand bien même les règles en matière de contrats de cession de droits d‘auteur sont d’ordre public et que l’on ne peut y déroger, la faculté pour le rédacteur d’adapter ces règles à la réalité du processus de la production audiovisuelle, reste intacte.
Un certain nombres de clauses, qui prennent en compte les aléas indiqués, pour permettre au producteur de, malgré les difficultés, aller au bout de son projet avec souplesse a ainsi été validé. Les auteurs qui les ont pleinement acceptées en signant leur contrats, ne pourront par la suite invoquer des atteintes à leurs droits patrimoniaux.
Examinons ces clauses :
1. La clause de résiliation si le financement ne peut pas être réuni, n’est pas potestative.
Les contrats de cession de droits de réalisateur de ces deux auteurs comportaient une clause permettant au producteur de suspendre le contrat et puis de le résilier définitivement si le financement n’était pas réuni. Le producteur s’engageant à informer les auteurs de l’état d’avancement, sans que le formalisme de cette information n’ait été indiqué.
Les auteurs ont considéré que cette clause était potestative et donc nulle.
Sur ce la Cour a souligné que le financement d’un film ne dépend pas que du seul bon vouloir d’un producteur, en énumérant les divers investisseurs qui avaient été contactés aux Etats-Unis (il s’agissait des grands studios), au Canada, et en indiquant que le film avait fait l’objet « d’une longue gestation ».
Ainsi, la clause qui soumet la viabilité d’un contrat de cession de droits à l’obtention du financement de l’œuvre clause n’est pas potestative, et la résiliation du contrat faute de financement n’est pas abusive.
2. La circonstance évoquée pour la résiliation du contrat doit s’appuyer sur la réalité démontrée des faits.
Lorsqu’un contrat prévoit que dans telles ou telles circonstances, il peut être résilié, ces circonstances doivent exister réellement.
C’est d’ailleurs au regard de l’allégation de difficultés financières du producteur, dûment prouvées et en fonction de l’examen du financement obtenu (loin de ce qui était nécessaire) que la Cour a de plus fort validé la clause de résiliation du contrat sus visée.
Cet arrêt nous confirme (si tant est que ce soit nécessaire) que le contrat de cession de droits d’auteur en ce qu’il accompagne la production d’une oeuvre de sa genèse à sa livraison, doit être précis et envisager, pour les régler par anticipation, les situations de conflit. C’est de cette seule manière qu’il servira les intérêts des parties.
3. La nécessaire indépendance des contrats.
Les auteurs dont les contrats de cession de droits d’auteur-réalisateur ont été résiliés, étaient aussi les auteurs du graphisme des personnages du film. Ils ont donc soutenu que la résiliation du contrat de cession de droits sur la réalisation entraînait de facto la résiliation du contrat de cession de droits sur le graphisme.
La Cour a lu les deux contrats et a rejeté cette prétention en constatant qu’ils étaient juridiquement indépendants, et qu’il ne s’agissait pas « d’un ensemble contractuel indivisible « . Ainsi, ce n’est parce que deux contrats (écriture et réalisation) sont signés par les mêmes parties qu’ils sont forcément dépendants l’un de l’autre, seule une clause particulière du contrat l’indiquant permettra de lier le sort des deux contrats.
4. Quelle est la portée de la clause d’adaptation des graphismes ?
Enfin, les auteurs du graphisme, qui avaient cédé leurs droits au producteur, ont relevé la modification de leurs dessins, et ont évoqué l’atteinte à leurs droits. Sur ce point, la Cour a relevé que l’article II du contrat autorise le producteur à apporter aux graphisme initiaux des dessins, les modifications (de couleur, volume, lumière attitude) nécessaires à la mise en situation des personnages conformément au scénario du film ainsi que les modifications dictées par toute technique d’animation.
Ainsi, les modifications d’une œuvre initiale par le producteur, indispensables pour sa transposition dans un autre support (du texte à l’image) et à l’usage pour lequel l’acquisition de droits est faite, sont tout à fait admises.
La Cour a , à bon droit, refusé de considérer qu’il y avait eu une dénaturation en relevant que « le style des graphisme initiaux avait été respecté. »
Là encore la rédaction du contrat a été suffisamment claire et précise pour que l’on ne puisse en déduire que l’auteur s’était engagé en connaissance de cause, et ne pouvait ensuite contester la faculté qu’il avait concédé au producteur.
Puisque que seuls les termes du contrat de cession de droits d’auteur permettront de résoudre les conflits entre auteurs et producteurs, nous apprécions le pragmatisme de la chambre 2 du Pole 5 de la Cour d’appel de Paris qui a choisi de placer ces contrats au centre du processus économique difficile du montage financier de la production d’un film de long-métrage d’animation.
Le 5 novembre 2010, le Tribunal a débouté les auteurs de toutes leurs demandes, ceux-ci ont alors saisi la Cour d’Appel de Paris sur les mêmes fondements. La Chambre 2 du Pole 5 s’est prononcée le 16 mars 2012, aux termes d’un arrêt très motivé qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal.
La lecture de cette décision nous amène à conclure que les magistrats de la Cour ont pris en compte les vicissitudes du montage financier de la production d’un film de long-métrage, dont on sait que, particulièrement dans le secteur de l’animation, il dépend d’un nombre importants d’investisseurs potentiels, souvent étrangers.
La Cour a admis que les producteurs engagés dans ce qu’on peut considérer comme » un parcours du combattant » avaient besoin de cette latitude, de temps, et du droit de modifier les paramètres artistiques et financiers pour produire in fine une œuvre audiovisuelle, à condition d’une part que ces aléas aient été dès le départ indiqués dans les contrats signés avec les auteurs, et que d’autre part, ces clauses aient été parfaitement respectées.
Aussi, les conclusions de cet arrêt sont précieuses en ce qu’elles nous indiquent que, quand bien même les règles en matière de contrats de cession de droits d‘auteur sont d’ordre public et que l’on ne peut y déroger, la faculté pour le rédacteur d’adapter ces règles à la réalité du processus de la production audiovisuelle, reste intacte.
Un certain nombres de clauses, qui prennent en compte les aléas indiqués, pour permettre au producteur de, malgré les difficultés, aller au bout de son projet avec souplesse a ainsi été validé. Les auteurs qui les ont pleinement acceptées en signant leur contrats, ne pourront par la suite invoquer des atteintes à leurs droits patrimoniaux.
Examinons ces clauses :
1. La clause de résiliation si le financement ne peut pas être réuni, n’est pas potestative.
Les contrats de cession de droits de réalisateur de ces deux auteurs comportaient une clause permettant au producteur de suspendre le contrat et puis de le résilier définitivement si le financement n’était pas réuni. Le producteur s’engageant à informer les auteurs de l’état d’avancement, sans que le formalisme de cette information n’ait été indiqué.
Les auteurs ont considéré que cette clause était potestative et donc nulle.
Sur ce la Cour a souligné que le financement d’un film ne dépend pas que du seul bon vouloir d’un producteur, en énumérant les divers investisseurs qui avaient été contactés aux Etats-Unis (il s’agissait des grands studios), au Canada, et en indiquant que le film avait fait l’objet « d’une longue gestation ».
Ainsi, la clause qui soumet la viabilité d’un contrat de cession de droits à l’obtention du financement de l’œuvre clause n’est pas potestative, et la résiliation du contrat faute de financement n’est pas abusive.
2. La circonstance évoquée pour la résiliation du contrat doit s’appuyer sur la réalité démontrée des faits.
Lorsqu’un contrat prévoit que dans telles ou telles circonstances, il peut être résilié, ces circonstances doivent exister réellement.
C’est d’ailleurs au regard de l’allégation de difficultés financières du producteur, dûment prouvées et en fonction de l’examen du financement obtenu (loin de ce qui était nécessaire) que la Cour a de plus fort validé la clause de résiliation du contrat sus visée.
Cet arrêt nous confirme (si tant est que ce soit nécessaire) que le contrat de cession de droits d’auteur en ce qu’il accompagne la production d’une oeuvre de sa genèse à sa livraison, doit être précis et envisager, pour les régler par anticipation, les situations de conflit. C’est de cette seule manière qu’il servira les intérêts des parties.
3. La nécessaire indépendance des contrats.
Les auteurs dont les contrats de cession de droits d’auteur-réalisateur ont été résiliés, étaient aussi les auteurs du graphisme des personnages du film. Ils ont donc soutenu que la résiliation du contrat de cession de droits sur la réalisation entraînait de facto la résiliation du contrat de cession de droits sur le graphisme.
La Cour a lu les deux contrats et a rejeté cette prétention en constatant qu’ils étaient juridiquement indépendants, et qu’il ne s’agissait pas « d’un ensemble contractuel indivisible « . Ainsi, ce n’est parce que deux contrats (écriture et réalisation) sont signés par les mêmes parties qu’ils sont forcément dépendants l’un de l’autre, seule une clause particulière du contrat l’indiquant permettra de lier le sort des deux contrats.
4. Quelle est la portée de la clause d’adaptation des graphismes ?
Enfin, les auteurs du graphisme, qui avaient cédé leurs droits au producteur, ont relevé la modification de leurs dessins, et ont évoqué l’atteinte à leurs droits. Sur ce point, la Cour a relevé que l’article II du contrat autorise le producteur à apporter aux graphisme initiaux des dessins, les modifications (de couleur, volume, lumière attitude) nécessaires à la mise en situation des personnages conformément au scénario du film ainsi que les modifications dictées par toute technique d’animation.
Ainsi, les modifications d’une œuvre initiale par le producteur, indispensables pour sa transposition dans un autre support (du texte à l’image) et à l’usage pour lequel l’acquisition de droits est faite, sont tout à fait admises.
La Cour a , à bon droit, refusé de considérer qu’il y avait eu une dénaturation en relevant que « le style des graphisme initiaux avait été respecté. »
Là encore la rédaction du contrat a été suffisamment claire et précise pour que l’on ne puisse en déduire que l’auteur s’était engagé en connaissance de cause, et ne pouvait ensuite contester la faculté qu’il avait concédé au producteur.
Puisque que seuls les termes du contrat de cession de droits d’auteur permettront de résoudre les conflits entre auteurs et producteurs, nous apprécions le pragmatisme de la chambre 2 du Pole 5 de la Cour d’appel de Paris qui a choisi de placer ces contrats au centre du processus économique difficile du montage financier de la production d’un film de long-métrage d’animation.