La vie d’un gendarme français ou d’un enfant yéménite vaut-elle autant que celle d’un journaliste étasunien ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 26/08/2015
Quand nous étions des p’tits gones, nous avions inventé des vélos rigolos, et on se promenait dans la ville à deux à l’heure pour causer des bouchons de gens énervés, avec le slogan : « Ne partez pas en vacances, restez-y ! ». J’aurais bien dû me caler sur cette juvénile sagesse, parce que comme un con, je viens de « rentrer de vacances », et là, c’est le choc.
J’ai découvert qu’il s’est passé hier le fait le plus grave de l’année, peut-être de la décennie : deux journalistes étasuniens, d’une chaîne de télé locale en Virginie (Etats-Unis, Amérique du Nord, territoire indien occupé), ont été tués par un frapadingue, sur fond de conflit relationnel, et le mec s’est ensuite suicidé. Aussitôt, nos mainstream médias se sont mis à l’arrêt, avec ton grave et mine abattue de circonstance, pleurniche obligatoire, images en boucle qui ne montrent rien, et défilé d’experts aussi divers qu’avariés. C’était la une absolue,… et attention de bien pleurer en chœur !
J’ai vite compris que les meurtres, ce mardi dans la Somme, par une brute avinée, d’un père de famille, d’une jeune femme de 19 ans, de son bébé de 9 mois, et d’un gendarme n’étaient qu’un épiphénomène. Ni journalistes, ni étasuniens, là, on joue à peine en promotion d’honneur.
Je ne parle pas des 40 morts qui ont été retrouvés hier dans la cale d’une barque en bois au large de la Libye, par des gardes-côtes suédois. D’après mes informations, il s’agirait de personnes noires et réfugiées,… alors pourquoi en parler, et même simplement chercher à les identifier ?
Des victimes du terrorisme, c’est déjà plus vendeur… mais pour ce début cette semaine, je n’ai sous la main que six personnes tuées et vingt-huit blessées dans un attentat-suicide à Damaturu, capitale de l’Etat de Yobe, dans le nord-est du Nigeria. Nigéria ?... Bon… ça n’a pas l’air de passionner les foules. Je remballe.
Ne désespérons pas : les Nigérians encore, on les compte. Mais pour les Yéménites, on ne compte plus, on en fait des paquets par dizaine, pour nous dire que « des dizaines de Yéménites ont été tués dans des raids aériens sous commandement saoudien et des combats au sol à Taëz ».
Je n’ai pas besoin de prolonger… Tout ceci témoigne de l’ancrage terrifiant des conceptions inégalitaires au sein de notre humanité. « Libre et égaux en droit… » Suprême hypocrisie. Ça me colle la gerbe au dernier degré.