Application de la jurisprudence Commune de Bézier : un manquement aux règles de passation peut-il constituer une illégalité grave ?
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, Mathieu Prats-Denoix, 5/12/2012
L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 octobre 2012, Société APIC (req. n° 11NT01174) relève de l’application rigoureuse de la jurisprudence Commune de Bézier, à la lumière de la jurisprudence Manoukian. Saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat conclu irrégulièrement et résilié par la personne publique, le juge règle le litige sur le terrain contractuel, compte tenu de l’importance du principe de loyauté des relations contractuelles.
La commune de Ver-sur-Mer a passé plusieurs contrats avec la société APIC en vue de l’implantation et de l’entretien, sur des emplacements mis gratuitement à sa disposition, de mobiliers d’informations municipales et d’abribus, en échange de l’abandon à cet opérateur de l’exploitation de la publicité que les surfaces d’affichage de ces mobiliers peuvent accueillir. La commune de Ver-sur-Mer a résilié les contrats au motif qu’ils avaient été signés « en violation de l’article 28 du code des marchés publics (marchés passés selon une procédure adaptée) et par une personne non habilitée en l’absence de délibération du conseil municipal ». APIC sollicite la réparation de son préjudice résultant de la résiliation, sur le fondement de l’enrichissement sans cause et sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de la commune, à raison de ces fautes reconnues par la collectivité qui, selon la requérante, entrainaient la nullité des conventions.(CAA Nantes, 19 octobre 2012, Société APIC req. n° 11NT01174)
Désormais classiquement, la cour juge, que « ces seuls vices, qui ne concernent pas le contenu du contrat et n’ont pas entaché les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ne sauraient être regardés, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle qu’ils s’opposeraient à ce que le litige soit réglé sur le fondement desdits contrats ».
La cour applique à la lettre l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 28 décembre 2009, Commune de Bézier (req. n° 304802) par lequel – rappelons-le – le Conseil d’Etat a jugé que : « lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ».
Ce principe a été complété par l’arrêt du 12 janvier 2011, Manoukian, (req.N° 338551) , par lequel le Conseil d’Etat a précisé que : « lorsque le juge est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, les parties ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige ». Le principe connaît une limite car : « par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ».
Ainsi, la solution de droit public qui prévaut est celle selon laquelle un manquement aux règles de passation invoqué par une partie au cours d’un litige relatif à l’exécution du contrat ne permet pas d’écarter le contrat… sauf en cas d’illégalité grave et en fonction des circonstances dans lesquelles cette illégalité a été commise.
La jurisprudence a tracé les contours de la catégorie des illégalités que les parties ne peuvent pas mettre en avant pour écarter l’application du contrat lors d’un litige né de l’exécution. Il en est, ainsi, de l’absence de transmission au représentant de l’Etat de la délibération autorisant le maire à signer le contrat avant la date à laquelle le maire a procédé à sa signature (CE, Commune de Béziers, précité) ; du recours irrégulier à la procédure de marché négocié (CE, Manoukian, précité ; CE 10 octobre 2012, Commune de Baie-Mahault req. n° 340647) de la violation des règles imposant une mise en concurrence préalable à la conclusion d’une délégation de service public (CE 19 janvier 2011, Syndicat mixte pour le traitement des résidus urbains req. n° 332330) ; de la mise en œuvre irrégulière d’une clause de tacite reconduction dans un contrat de délégation de service public (alors que la reconduction, menée selon une clause antérieure à l’entrée en vigueur de la loi Sapin, conduisait à la conclusion d’un nouveau contrat devant être conclu, dès lors, après mise en concurrence – CE 23 mai 2011, Département de la Guyane, req. n° 314715).
A l’inverse, un contrat comportant une cause illicite doit être annulé et écarté pour le règlement du litige (CAA Lyon, 22 mars 2012, Société CTR, req. n° 11LY01393). Toutefois, quand bien même le juge constate une illégalité grave, il privilégie l’application du contrat lorsque les stipulations illégales ne forment pas, avec les autres stipulations du contrat, un ensemble indivisible ; le juge fait alors application du contrat pour le règlement du litige, en écartant l’application des seules dispositions illégales (en l’espèce, une convention de délégation de service public comportait, en annexe, un contrat de crédit-bail permettant illégalement au délégataire, à l’issue d’une durée de quinze ans, de devenir propriétaire des biens appartenant à la personne publique délégante et affectés eu service public délégué – CE 4 mai 2011, Communauté de communes de Queyras, req. n° 340089).
La jurisprudence continuera à préciser le périmètre des illégalités graves, au moins de manière empirique, au mieux de manière directive et didactique. Gageons, au vu de la ligne actuelle, qu’une illégalité commise au stade de la passation du contrat ne sera que très exceptionnellement regardée comme « grave » ; sa gravité se révélant probablement en considération des seules circonstances dans lesquelles elle à été commise, notamment en cas de dol ou d’autre vices du consentement ayant affecté le processus contractuel à l’égard de l’une ou de l’autre des parties.
Désormais classiquement, la cour juge, que « ces seuls vices, qui ne concernent pas le contenu du contrat et n’ont pas entaché les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ne sauraient être regardés, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle qu’ils s’opposeraient à ce que le litige soit réglé sur le fondement desdits contrats ».
La cour applique à la lettre l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 28 décembre 2009, Commune de Bézier (req. n° 304802) par lequel – rappelons-le – le Conseil d’Etat a jugé que : « lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ».
Ce principe a été complété par l’arrêt du 12 janvier 2011, Manoukian, (req.N° 338551) , par lequel le Conseil d’Etat a précisé que : « lorsque le juge est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, les parties ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige ». Le principe connaît une limite car : « par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ».
Ainsi, la solution de droit public qui prévaut est celle selon laquelle un manquement aux règles de passation invoqué par une partie au cours d’un litige relatif à l’exécution du contrat ne permet pas d’écarter le contrat… sauf en cas d’illégalité grave et en fonction des circonstances dans lesquelles cette illégalité a été commise.
La jurisprudence a tracé les contours de la catégorie des illégalités que les parties ne peuvent pas mettre en avant pour écarter l’application du contrat lors d’un litige né de l’exécution. Il en est, ainsi, de l’absence de transmission au représentant de l’Etat de la délibération autorisant le maire à signer le contrat avant la date à laquelle le maire a procédé à sa signature (CE, Commune de Béziers, précité) ; du recours irrégulier à la procédure de marché négocié (CE, Manoukian, précité ; CE 10 octobre 2012, Commune de Baie-Mahault req. n° 340647) de la violation des règles imposant une mise en concurrence préalable à la conclusion d’une délégation de service public (CE 19 janvier 2011, Syndicat mixte pour le traitement des résidus urbains req. n° 332330) ; de la mise en œuvre irrégulière d’une clause de tacite reconduction dans un contrat de délégation de service public (alors que la reconduction, menée selon une clause antérieure à l’entrée en vigueur de la loi Sapin, conduisait à la conclusion d’un nouveau contrat devant être conclu, dès lors, après mise en concurrence – CE 23 mai 2011, Département de la Guyane, req. n° 314715).
A l’inverse, un contrat comportant une cause illicite doit être annulé et écarté pour le règlement du litige (CAA Lyon, 22 mars 2012, Société CTR, req. n° 11LY01393). Toutefois, quand bien même le juge constate une illégalité grave, il privilégie l’application du contrat lorsque les stipulations illégales ne forment pas, avec les autres stipulations du contrat, un ensemble indivisible ; le juge fait alors application du contrat pour le règlement du litige, en écartant l’application des seules dispositions illégales (en l’espèce, une convention de délégation de service public comportait, en annexe, un contrat de crédit-bail permettant illégalement au délégataire, à l’issue d’une durée de quinze ans, de devenir propriétaire des biens appartenant à la personne publique délégante et affectés eu service public délégué – CE 4 mai 2011, Communauté de communes de Queyras, req. n° 340089).
La jurisprudence continuera à préciser le périmètre des illégalités graves, au moins de manière empirique, au mieux de manière directive et didactique. Gageons, au vu de la ligne actuelle, qu’une illégalité commise au stade de la passation du contrat ne sera que très exceptionnellement regardée comme « grave » ; sa gravité se révélant probablement en considération des seules circonstances dans lesquelles elle à été commise, notamment en cas de dol ou d’autre vices du consentement ayant affecté le processus contractuel à l’égard de l’une ou de l’autre des parties.