La filiation plus que jamais en questions (527)
Droits des enfants - jprosen, 29/04/2013
Les lampions du débat sur la loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe et sa conséquence le droit d’adopter comme pour tout couple marié sont presque éteints! Chacun sait que d’autres étapes s’annoncent à l’horizon avec la revendication de l accès aux procréations médicalement assistées pour les lesbiennes et à la gestation pour autrui pour les hommes tellement l’aspiration première pour beaucoup de couples homosexuels est moins le mariage que d’être parents.
On peut le comprendre et pour autant s’interroger sur ce qu’impliqueraient ces évolutions. Conscient, mais tardivement, des difficultés de l'exercice, ne fut ce que parce que l’opinion n'y avait pas été préparée, le gouvernement sous l’impulsion du président de la République a marqué un net et indispensable coup d'arrêt à ceux qui s’apprêtaient en cours de débat à déposer les amendements légalisant l'ouverture des procréations médicalement assistées et de la GPA aux couples homosexuels. Il est officiellement urgent de ne pas se presser ! Le président a eu raison .
Profitons donc de ce répit pour récapituler ce que nous avançons de longue date et pour identifier et cerner les termes des débats à venir.
Deux remarques liminaires s’imposent :
Commençons déjà par affirmer qu’il va être temps de prendre en compte non seulement les droits des enfants, mais plus encore l’idée qu’on se fait de la condition humaine. C’est peut dire que dans le débat auquel nous venons de vivre, c’est bien d’abord le souci des adultes qui l’a emporté. C’est une escroquerie que de nous avoir seriné comme Jean-Pierre Michel, rapporteur sénatorial, que la loi visait à garantir le droit des enfants : l’enjeu était d’abord de satisfaire des adultes en mal de reconnaissance d’égalité et par ailleurs en revendication du droit à un enfant. Dorénavant on ne pourra pas aussi facilement user de cet argument quand on parlera d’enfants que l'on entend concevoir ex nihilo avec le recours des « sorciers de la vie ».
Il faut aussi préciser que les réserves exprimées ces derniers mois ne visaient pas à mettre en doute la capacité des couples homosexuels à élever des enfants, mais portaient sur l’agenda. Je maintiens que la priorité en 2013 était d’abord de répondre au million d’enfants élevés par un seul parent biologique et son ami(e) ou conjoint(e) et parmi ces ceux-là des personnes du même sexe. Avec la loi sur le statut des tiers qui élèvent un enfant que nous demandons depuis 15 ans nous aurions fait progresser indirectement la reconnaissance de l’homoparentalité. Ce texte est toujours dans les limbes au nom d’une promesse électorale à satisfaire. Le cadre dont ce million d’enfants a besoin n’est toujours pas affirmé et nombre d’adultes sont dans le brouillard quant à leurs responsabilités quotidiennes (voir mes post précédents).
Cela rappelé, trois questions nous arrivent auxquelles nous ne pourrons pas échapper.
Tout d’abord : de quelle filiation parle-t-on ? Car il en est désormais plusieurs ou plus exactement jusqu’ici confondues ces filiations (pour le moins biologique, affective, sociale et juridique) se sont détachées dans de nombreux cas. (conf mon blog 1 + 1 + 1 + … = 1 ).
Ainsi avec la diversification des comportements matrimoniaux – séparation des couples mariés ou non, recompositions familiales, etc. - mais aussi avec le développement des sciences de la vie, la filiation n'est plus exclusivement biologique comme dans le passé. Certes généralement les parents sont les géniteurs, mais on peut être parent juridique d'un enfant - enfant du conjoint ou enfant abandonné - qu'on aura adopté ; on peut aussi élever un enfant du fait des circonstances de la vie sans aucune décision judiciaire : ce sera le cas du beau parent attaché à l’enfant de son conjoint ou ex-conjoint.
La nouvelle loi en admettant qu’un enfant puisse avoir deux pères ou deux mères détache nettement la filiation du biologique pour privilégier le lien affectif. Dont acte.
Il faut donc admettre ces différents filiations qui, chacune, ont leur légitimité et leur sens. Et ne pas tout ramener au biologique. A l’inverse on ne peut pas nier le biologique au nom du social, du juridique ou de l’affectif. Un couple homosexuel ne peut pas nier que l’enfant a une filiation biologique autre, voire une filiation juridique établie !
En d’autres termes, l’enfant n'aura pas deux parents, mais trois ... au moins. Concrètement un lien juridique peut être reconnu entre un adulte et un enfant sans nier pour autant que cet enfant soit aussi attaché à une autre personne. Il faudra alors et plus que jamais articuler ces différentes filiations et les concilier. Les jeux de pouvoir ne seront pas aisés à régler. Il faudra le faire en prenant en compte l’enfant et pas seulement les adultes en cause spécialement quand les temps sera à l’orage entre les adulte.
Deuxième question délicate qui découle de la nécessaire prise en compte du biologique : l’accès aux origines. Les hétérosexuels ont eu jusqu'ici beaucoup de mal à entendre ce questionnement et à admettre une réponse satisfaisante (conf les débats pour sur l’accouchement sous « x »). La loi Royal de 2001 consacre avec comme limite le refus de la mère de lever le secret, le droit de l’enfant d’accéder à la connaissance de ses origines. Là-encore toujours ce souci de privilégier le droit sur l'enfant par rapport aux droits de l'enfant. Les adultes en quête d’enfant attendent par l'adoption ou les procréations assistées un enfant vierge de tout passé qui leur appartiennent. On peut comprendre ce souci tout en affirmant qu’il n est pas conforme à une interrogation fondamentale pour tout chacun sur son histoire (Qui suis-je ?, D’où viens-je ?) et pas conforme aux engagements internationaux de la France (art.6 de la CIDE).
Il va falloir en terminer avec l’adoption plénière actuelle qui efface l’histoire d'un enfant pour lui en substituer une autre, il va falloir en finir avec l’accouchement sous « x » et l'anonymat des donneurs ! Un enfant est issu d’un spermatozoïde et d’un ovule. Une double filiation masculine ou féminine comme on l’a accepté ne peut pas se faire dans la négation de l'autre partie de l’identité de l'individu. Au vu des résistances régulièrement exprimées sur ces deux sujets on mesure ce à quoi nous allons être confrontés !
Enfin un troisième questionnement difficile s annonce qui est fondamental. Estompé jusqu’ici, il sera central si réellement on entend consacrer l'égalité dans le droit à l enfant. Quel est le statut du spermatozoïde qui vient féconder une femme stérile ou hors la relation sexuelle ou le statut d e l ovule implanté chez une femme qui accepte de porter un enfant pour autrui? Une matière comme une autre ou un élément de vie pour reprendre l expression utilisée par le Comité d'éthique !
Ajoutons que si l’on entend consacrer le droit des femmes lesbiennes à recourir à la PMA il va être exigé au nom de l’égalité entre hommes et femmes d’ admettre la GPA pour les couples gays ! Est immédiatement posée la question de la légalité de la location de ventre. Peut on accepter même si elle est consentante qu’une femme joue son corps? La gestation n est elle qu un temps de nourrice quand il y a encore quelques années on insistait sur l'importance de la vie intra utérine pour un enfant !
En arrière-fond, c est bien la représentation que l’on se fait de la "matière humaine " et de la personne qui est enjeu ! On peut banaliser toutes ces questions majeures au nom du pragmatisme - ça se fait ailleurs - et de l'enfant : on est en droit d’avoir quelque points de répère qui permettront demain de poser des limites à certaines revendications aujourd’hui incongrues : Pourquoi nous interdire d'adopter un enfant à trois ou quatre alors que nous nous aimons ? Pourquoi nous interdire de commander un enfant de Nobel ? Etc.
Pour nous ces débats illustrent bien la représentation que notre société se fait de l’enfant par-delà l’affichage : une personne ou un objet de désir et de pouvoir des adultes ? L’heure de vérité approche comme nous l’anticipions dès 1989 lors de la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant pour identifier ceux qui vraiment prennent en compte l’enfant né ou à naître quand d’autres ne tiennent qu’un discours alibi.