Expropriation et constitution
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 10/07/2012
Décidément, la QPC est l'occasion cette année de passer au crible de la constitutionnalité la plupart des articles du Code de l'expropriation. Le sujet est sensible puisque l'expropriation touche à l'un des principes emblématiques consacrés par le droit constitutionnel : le droit de propriété.
1°) Par une décision très remarquée n° 2012-226 QPC du 06 avril 2012 le Conseil a déclaré contraires à la Constitution les articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet à l'autorité expropriante de prendre possession des biens qui ont fait l'objet de l'expropriation dans le délai d'un mois du paiement ou de la consignation de l'indemnité ; l'article L. 15-2 du même code dispose que, lorsque le jugement fixant les indemnités d'expropriation est frappé d'appel, l'expropriant peut prendre possession des biens moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions qu'il a faites et consigner du surplus de celle fixée par le juge. Le Conseil a considéré que ces dispositions méconnaissaient l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Cette inconstitutionnalité ne prend effet que le 1er juillet 2013 pour permettre au législateur d'adopter une nouvelle disposition.
2°) Par une décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012 le Conseil a au contraire confirmé la constitutionnalité de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui pose le principe du transfert de propriété par l'ordonnance d'expropriation.
3°) Une nouvelle QPC vient d'être transmise par la Cour de cassation le 10 juillet 2012. Il s'agit cette fois-ci de l'article L. 13-8 selon lequel :
"Lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 13-10, L. 13-11, L. 13-20 et L. 14-3, le juge règle l'indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit."
Est mis en exergue par la QPC le fait que cette disposition ne comporte aucune restriction quant à la nature des contestations et difficultés pouvant être élevées. La Cour considère que la question présente un caractère sérieux en ce sens qu'elle interdit au juge de l'expropriation de saisir le juge administratif d'une question préjudicielle portant sur la validité d'un acte administratif (comme le PLU) qui pourrait avoir une incidence sur le montant de l'indemnité et le contraint à fixer une indemnité alternative et à renvoyer les parties à se pourvoir devant qui de droit alors même que le délai de recours devant le juge administratif pourrait être expiré ; il pourrait y avoir ici une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif consacré par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Affaire à suivre ...