Gazage de la femme en rouge : Le policer condamné à planter des arbres
Actualités du droit - Gilles Devers, 10/06/2015
Bonne ambiance à Istanbul… La roue tourne, et la justice prend sa part.
Vous vous rappelez mai 2013 ? C’était le premier et vrai mouvement de contestation visant Erdogan, alors Premier ministre. L’un de ses projets était de construire un ensemble immobilier grandiose sur la place Taksim à Istanbul. Depuis, ce projet a été annulé par le tribunal d’Istanbul, pour le non-respect des règles d’urbanisme. Rénover la Place Taksim ? Pourquoi pas, car si cette place qui est l’un des cœurs de la ville, elle est disparate et ne ressemble à rien… En fait, si, justement, elle ressemble à la place Taksim, qui est à tous, au terme de la longue rue piétonne Istiklal Caddesi, avec son impayable tramway… On y trouve le Cumhuriyet Anıtı, le monument marquant la création de la République turque en 1923.
Mais la Place Taksim, c’est aussi le lieu des grands rassemblements populaires… quand ils ne sont pas interdits... Beaucoup de souvenirs, comme l’attaque par les fachos du défilé 1° mai 1977, avec une trentaine de morts. Donc, Taksim, c’est à tous. En mai 2013, l’opposition s’est formée au projet d’Erdogan, notamment car il revenait à détruire l’un des rares espaces verts de cette partie de la ville, le parc Ghezi. Quelques centaines d’étudiants et d’autres opposants s’y étaient installés, avec le soutien de nombreux groupes politiques et sociaux, mais l’expulsion a été ordonnée, avec des violences policières, qui ont démultiplié le nombre de manifestants.
Ça a été le début d’une affaire qui s’est soldée avec les élections de ce WE. Maintes poursuites – on parle de 5.000 – ont été dirigées contre les manifestants, mais il y en a eu aussi contre les policiers, et spécialement celui qui, devant les caméras, le 28 mai 2013 au parc Gezi, avait aspergé au gaz lacrymogène, à bout portant et sans motif, une manifestante en robe rouge,… qui avait remarquablement résistés. Les images avaient fait le buzz. Comme il se doit, la « femme en rouge » avait été poursuivie pour « provocation dans le but de désobéir à la loi », mais ça ne tenait pas la route, et le procureur a classé.
En revanche le policier a été poursuivi, et hier, le tribunal d’Istanbul l’a condamné à deux peines de dix mois d'emprisonnement ferme, pour « coups et blessures volontaires » et « faute professionnelle ». Mais le droit pénal turc, comme le nôtre, pratique l’alternative à la prison – tout passage en prison est une catastrophe – et relevant la bonne conduite de l’agent lors de la procédure, il a prononcé une dispense de peine dans la mesure où après discussion et accord, le policier a accepté, comme alternative à la prison, de planter 600 arbres et veiller à leur croissance pendant six mois. - Ah ouais, pas mal… - Alors un tribunal qui condamne un policier pour ces faits, et à 20 mois de prison, pour ensuite trouver un deal sur la plantation d’arbres ? - Ben … Je ne l’aurai pas imaginé. - Et oui, nous ne sommes pas à Paris mais à Istanbul, dans une société qui fait tout pour progresser. Welcome in Turkish !