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Xynthia : le procureur accable le maire de la Faute-sur-Mer

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 15/10/2014

La tempête Xynthia était parfaitement prévisible, ses conséquences mortelles auraient pu et dû être empêchées, l'Etat n'y est pour rien et les élus sont coupables de tout. Voilà en quelques mots le message adressé mercredi 15 octobre par le procureur … Continuer la lecture

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La tempête Xynthia était parfaitement prévisible, ses conséquences mortelles auraient pu et dû être empêchées, l'Etat n'y est pour rien et les élus sont coupables de tout. Voilà en quelques mots le message adressé mercredi 15 octobre par le procureur de la République Gilbert Lafaye, qui a requis, au terme de quatre heures d'un exposé laborieux, quatre ans d'emprisonnement dont trois ferme et 30 000 euros d'amende contre l'ancien maire de la Faute-sur-Mer (Vendée), René Marratier, trois ans dont deux ferme et 50 000 euros d'amende contre son ex-première adjointe et présidente de la commission d'urbanisme, Françoise Babin, tous deux poursuivis pour homicides involontaires aggravés et mise en danger de la vie d'autrui.

Au premier, il a reproché des "manquements grossiers" à ses devoirs de maire chargé d'assurer la sécurité de ses concitoyens. "Quand on exerce depuis quatre mandats, on ne peut pas s'abriter derrière son incompétence et son ignorance du risque", a lancé le procureur à René Marratier. "La Faute-sur-Mer n'est pas une petite commune avec des petits moyens", a-t-il poursuivi, en dénonçant la "catastrophe annoncée" que représentait "la frénésie immobilière" de la commune. Dressant de René Marratier, le portrait d'un élu "guidé par son intérêt personnel, celui d'être le maire reconnu et réélu d'un endroit où beaucoup de gens s'installaient", il a estimé que ce "représentant commercial de la commune ne voulait en aucun cas dire la vérité aux gens, parce que dire la vérité, être loyal, c'était détourner le futur habitant, le futur électeur". De ces manquements qui, selon lui, "dénaturent" la fonction de maire, le procureur Lafaye a demandé au tribunal de tirer la conséquence juridique, en considérant que René Marratier est coupable d'une faute "personnelle" et non pas d'une faute de service, ce qui le rend responsable des dommages et intérêts qui seront alloués aux parties civiles.

Le procureur de la République s'est montré tout aussi sévère à l'égard de l'autre ancienne élue de la commune, Françoise Babin, à laquelle il est notamment reproché d'avoir signé des permis de construire illégaux pour des lotissement qui ont été submergés la nuit de la tempête. Que ces permis aient auparavant tous reçus l'avis favorable des fonctionnaires de la direction départementale de l'équipement chargés de les instruire, ne change rien à la responsabilité de l'ex-présidente de la commission d'urbanisme, a observé le procureur : "C'est vous qui signez et votre signature déclenche le compte à rebours. Donc, vous avez exposé toutes ces personnes à un risque d'une particulière gravité. "

"L'appât du gain doit être pris en compte"

De celle qui était également propriétaire foncière et professionnelle de l'immobilier, il a affirmé qu'elle ne pouvait ignorer que les permis attribués méconnaissaient la "cote de référence" – qui fixait à près de 4 mètres de hauteur le seuil minimum du niveau habitable – puisque celle-ci avait été débattue à l'occasion des négociations du plan de prévention des risques d'inondation. Alors que l'instruction a écarté tout délit de prise illégale d'intérêt susceptible d'être reproché à Françoise Babin, le procureur Lafaye a considéré que "l'appât du gain doit être pris en compte dans la gravité de la faute" imputable à Françoise Babin.   

Contre les deux autres prévenus, dont le fils de l'ex-première adjointe, Philippe Babin, poursuivi en sa qualité de président de l'association chargée de l'entretien de la digue et l'ex-directeur départemental adjoint de l'équipement, Philippe Jacobsoone, auquel il est fait grief de n'avoir pas suffisamment donné l'alerte le soir de la tempête, le procureur a requis respectivement deux ans d'emprisonnement dont un ferme et 50 000 euros d'amende et un an avec sursis et 5 000 euros d'amende. Il a également demandé au tribunal de condamner à 150 000 euros d'amende, en qualité de personne morale, les deux sociétés de bâtiment et travaux publics de Patrick Maslin. Ce dernier était le cinquième prévenu de ce dossier mais son décès, pendant le procès, a entraîné l'extinction de l'action publique à son encontre.

Une telle sévérité, qui traduit un sérieux avertissement à l'égard des élus, aurait gagné à s'appuyer sur une démonstration de qualité. Le sentiment de malaise suscité par ce réquisitoire vient de ce que les phrases les plus accablantes surnagent de quatre heures d'un propos trop souvent relâché, approximatif et binaire. Le procureur aurait renforcé son autorité s'il n'avait passé sous silence les défaillances, les contradictions et l'impuissance de l'Etat face au risque et s'il avait osé rappeler aux aspirants à résidence secondaire qu'ils ont une part de responsabilité, au moins citoyenne, dans les conséquences parfois dramatiques de la réalisation de leur rêve pavillonnaire.


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