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« Trust me, I’m a doctor »

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 4/02/2014

Ces rendez-vous ne se racontent pas. Ils appartiennent à l'intimité crue de la mécanique des femmes, allongées nues sous une lumière vive, jambes écartées, les pieds retenus par des étriers, face à une "blouse blanche" dont elles attendent, redoutent ou … Continuer la lecture

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Ces rendez-vous ne se racontent pas. Ils appartiennent à l'intimité crue de la mécanique des femmes, allongées nues sous une lumière vive, jambes écartées, les pieds retenus par des étriers, face à une "blouse blanche" dont elles attendent, redoutent ou espèrent le diagnostic. Ces moments-là, plusieurs patientes du Dr André Hazout, gynécologue renommé qui s'était spécialisé dans les problèmes d'infertilité, s'apprêtent à les décrire publiquement, face aux juges et aux jurés de la cour d'assises de Paris.

Le médecin, âgé de 70 ans, comparaît à compter du mardi 4 février et pour trois semaines, sous l'accusation de viols et d'agressions sexuelles. Six femmes se sont constituées parties civiles, d'autres qui dénoncent des faits identiques mais trop anciens pour être poursuivis, seront citées à la barre des témoins. Aucune ne devrait demander le bénéfice du huis clos, qui est de droit lors des procès pour viol. Car c'est cet autre huis clos, vécu sur la table d'examen de leur gynécologue et qu'elles ont longtemps tu, par honte, par culpabilité ou par crainte, qu'elles veulent dénoncer.

"Trust me, I'm a doctor", pouvaient-elles lire en entrant dans le cabinet du docteur André Hazout. La plupart arrivaient là après un long parcours d'attentes déçues, obsédées par un désir d'enfant que la nature leur refusait et parfois pressées par une horloge biologique qui avançait. André Hazout était chaleureux, charmeur et sa réputation était immense. Comment ne pas lui faire confiance ? Ce lien particulier, inégal, entre des patientes fragilisées et le gynécologue dont elles espéraient tant est au cœur de l'acte d'accusation qui a retenu contre lui la circonstance aggravante de "viols et agressions sexuelles sur personne vulnérable par personne abusant de l'autorité conférée par ses fonctions".

Une forme d'"emprise" que plusieurs des plaignantes ont exprimée pendant l'enquête : "J'avais l'impression que si je m'opposais à lui je ne serais jamais enceinte", dit l'une. "Il m'a semblé impossible d'arrêter ses agissements, car c'était à mes yeux le seul médecin qui avait compris ma pathologie et possédait une compétence pour traiter mon cas", raconte une autre. Les témoignages disent la crainte de "froisser" le médecin – "Je me disais qu'il fallait que je sois docile", "J'avais tellement peur qu'il ne s'occupe plus de mon dossier pour avoir un bébé que je n'ai rien dit à personne."  "Ce qu'une femme vit au cours d'une assistance médicale à la procréation est un cauchemar qu'elle doit affronter seule. Une personne n'ayant pas vécu cette aventure ne peut pas comprendre l'importance de cette détresse", résume une patiente.

Face au juge d'instruction, André Hazout a reconnu avoir eu des gestes ou un comportement inadaptés. "Je comprends que ces patientes, par leur état psychologique, se soient laissé entraîner par mon charme. Je ne pensais pas qu'elles m'idolâtraient à ce point et je reconnais avoir abusé d'elles", a-t-il déclaré. Des "rapports de séduction", dit-il, auxquels il dénie la qualification de viols.

Avant qu'une première patiente porte plainte, en 2005, le conseil de l'ordre des médecins avait reçu plusieurs courriers dénonçant les agissements du gynécologue. Certains d'entre eux, saisis pendant l'enquête, remontent aux années 1990. André Hazout avait été entendu par ses pairs. Le conseil n'avait pas donné suite.


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