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Vers une sécurisation des forfaits en jours pour l’avenir ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud, Farouz Benharkat, 21/07/2014

Alors qu’un syndicat et un comité d’entreprise ont saisi le tribunal de grande instance de Paris afin de faire constater que les minima salariaux des forfaits en heures et en jours, prévus par l’accord national de la branche Syntec (Bureau d’études) du 22 juin 1999, n’étaient pas respectés par la société, cette dernière a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.
1/ Cette question constitutionnelle ne vise pas un texte de loi, comme cela est requis par le Conseil constitutionnel pour être recevable, mais la jurisprudence de la Cour de cassation : Soc. 24 avril 2013 (n°11-28.398) , relative à l’invalidation des forfaits jours de la convention collective Syntec.

Par ailleurs, la société fonde son argumentaire sur les dispositions de l’article L3121-39 du code du travail régissant aujourd’hui la mise en place de ces forfaits.

En effet, la société soutenait que la jurisprudence de la Cour de cassation en imposant de garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables, d’assurer une bonne répartition dans le temps du travail du salarié et, donc, d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ajoutait une condition non prévue par l’article L3121-39 du code du travail. Elle en faisait donc une appréciation erronée.

2/ Selon, le syndicat et le comité d’entreprise, la Cour de cassation a fait une juste application des articles du code du travail régissant les forfaits jours, tels qu’ils existaient au moment de la conclusion des accords collectifs (article L3121-45 du code du travail) les mettant en place dans le domaine d’activité des Bureaux d’étude (Syntec). Selon eux, cette appréciation ne doit pas être faite à la lecture de l’article L3121-39 du code du travail actuellement en vigueur.

3/ Un bref retour dans le temps est nécessaire pour apprécier la question soumise au Conseil constitutionnel.

Il convient de rappeler que les conventions de forfait annuel en jours ont été instaurées par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite loi Aubry II.

A cette époque, les conventions de forfait en jours étaient notamment régies par l’article L.212-15-3 III, article recodifié ensuite en article L3121-4L3121-45 du code du travail (Ces dispositions ont ensuite été abrogées par la loi du 20 août 2008 pour être simplifiées).

Toutefois, les accords collectifs instaurant des conventions de forfait en jours sur l'année, conclus avant la publication de la loi du 20 août 2008, continuent d’exister et à s’appliquer (L. n° 2008-789, 20 août 2008, art. 19,III ) .

En conséquence, ce sont ces dispositions législatives, prises dans leur rédaction avant la loi du 20 août 2008, qui s’appliquent pour vérifier la conformité de ces accords collectifs (CA Bordeaux, ch. soc., sect. A, 15 mai 2012, n°11/04376).

4/ En l’espèce, le tribunal de grande instance de Paris, dans une décision du 17 juin 2014, a tout d’abord rappelé que le Conseil constitutionnel admet qu’une jurisprudence constante de la cour suprême puisse lui être déférée, à condition toutefois qu’elle soit relative à une disposition législative (principe rappelé par la Cour de cassation : Civ.1ère, 27 septembre 2011 n°11-13488).

Il refuse donc de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité de la société au motif qu’elle ne vise aucune disposition législative et se borne à contester la jurisprudence de la Cour de cassation sur la validité des forfaits en jours.

A cette occasion, le tribunal prend position sur la validité de la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

Il confirme que la validité des accords collectifs sur les forfaits en jours de la convention collective Syntec (Bureaux d’études) doit s’apprécier au regard des dispositions du code du travail antérieures à la loi du 20 août 2008 et non au visa de l’article L3121-39 susvisé.

Ainsi, les conditions de validité du forfait jours invoquées par la Cour de cassation, consistant essentiellement à la mise en place d’un suivi de la durée du travail et des temps de repos des cadres au forfait jours, sont conformes à la loi (loi qui avait d’ailleurs été reconnue constitutionnelle avant sa promulgation : Cons. const. 13 janvier 2000, n°99-423).

Le tribunal en conclu logiquement qu’il n'y a, en conséquence, pas lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité rédigée par la société.

5/ Par cette décision, le tribunal de grande instance de Paris vient apaiser les débats propres à la validité des forfaits jours pour l’avenir. Ceux-ci, à travers la loi qui les instituent, sont conformes à la Constitution dans la mesure où des règles de suivi du temps de travail et de repos des cadres sont mises en place.

Il ne reste plus qu’à observer si cet ambitieux encadrement d’une organisation de travail basée à l’origine sur l’autonomie du cadre et la forfaitisation de son temps de travail résistera à l’épreuve de la mise en place d’un suivi qui plus est, quotidien.




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