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Quand les Etats-Unis aidaient l’Irak à faire des carnages avec les armes chimiques contre les Iraniens

Actualités du droit - Gilles Devers, 26/08/2013

La prohibition des armes chimiques ne résulte pas de lignes rouges diverses...

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La prohibition des armes chimiques ne résulte pas de lignes rouges diverses et variées, mais du droit international. Sauf que bien sûr, il est difficile pour les Etats qui s’apprêtent à violer le droit international, en pratiquant des actes de guerre contre un Etat souverain sans le mandat de l’ONU, de prendre le droit pour référence. Encore plus difficile quand la presse publie des documents prouvant l’aide apporté par Ronald Reagan à Saddam Hussein dans l’utilisation de l’arme chimique à grande échelle contre les Iraniens en 1988. Ce fut le tournant de la guerre entre l’Irak et l’Iran.

Le droit international depuis 1899

arme,droit international,irak,iran,syrie,usL’emploi des armes chimiques est interdit dans les conflits armés internationaux depuis la déclaration de La Haye concernant les gaz asphyxiants de 1899. La première utilisation guerrière des gaz toxiques à grande échelle a lieu au cours de la Première Guerre mondiale, et en réaction a été adopté le Protocole de Genève de 1925 prohibant l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques. La Seconde Guerre mondiale a été l’occasion de maints crimes contre l’humanité,  à grande échelle, mais au total, au cours de combats, le Protocole de 1925 a été respecté.

L’action du droit international a ainsi été de maintenir les saints principes de 1925, mais de les adapter à l’évolution de la science et du génie de l’industrie miliaire, avec deux nouvelles conventions : celle de 1972, appelée Convention sur les armes biologiques ou Convention sur les armes biologiques ou à toxines, et celle de 1993 sur l’interdiction des armes chimiques qui a ajusté le texte et étendu la prohibition d'emploi énoncée dans le Protocole de 1925 à la mise au point, à la fabrication, au stockage, à la conservation et au transfert des armes chimiques, leurs vecteurs compris.

La Convention de 1993

arme,droit international,irak,iran,syrie,usVoici l’article Premier, très clair.  

Obligations générales

« 1. Chaque Etat partie à la présente Convention s'engage à ne jamais, en aucune circonstance :

« a) Mettre au point, fabriquer, acquérir d'une autre manière, stocker ou conserver d'armes chimiques, ou transférer, directement ou indirectement, d'armes chimiques à qui que ce soit ;

« b) Employer d'armes chimiques ;

« c) Entreprendre de préparatifs militaires quels qu'ils soient en vue d'un emploi d'armes chimiques ;

« d) Aider, encourager ou inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à entreprendre quelque activité que ce soit qui est interdite à un Etat partie en vertu de la présente Convention.

« 2. Chaque Etat partie s'engage à détruire les armes chimiques dont il est le propriétaire ou le détenteur, ou qui se trouvent en des lieux placés sous sa juridiction ou son contrôle, conformément aux dispositions de la présente Convention.

« 3. Chaque Etat partie s'engage à détruire toutes les armes chimiques qu'il a abandonnées sur le territoire d'un autre Etat partie, conformément aux dispositions de la présente Convention.

« 4. Chaque Etat partie s'engage à détruire toute installation de fabrication d'armes chimiques dont il est le propriétaire ou le détenteur, ou qui se trouve en un lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle, conformément aux dispositions de la présente Convention.

« 5. Chaque Etat partie s'engage à ne pas employer d'agents de lutte antiémeute en tant que moyens de guerre ».

L’article 8, par. 2, al. b) xviii) du statut de la CPI définit comme crime de guerre : «le fait d’utiliser des gaz asphyxiants, toxiques ouassimilés et tous liquides, matières ou engins analogues», et ce crime n’est paslimité au premier emploi de ces armes.

Les conflits armés non internationaux

arme,droit international,irak,iran,syrie,usL’interdiction de l’emploi des armes chimiques s’applique aussi dans les conflits armés non internationaux, comme il résulte de l’article premier de la Convention. D’autres textes reprennent cette interdiction et spécialement de deux déclarations de 1991, celle de Mendoza sur les armes chimiques et biologiques et celle de Cartagena sur les armes de destruction massive.  

Dans le grand arrêt Dusko Tadić du 2 octobre 1995, la chambre d’appel  Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a jugé dans le même sens ( § 199 et 120) : « De fait, des considérations élémentaires d'humanité et de bon sens rendent absurde le fait que les Etats puissent employer des armes prohibées dans des conflits armés internationaux quand ils essayent de réprimer une rébellion de leurs propres citoyens sur leur propre territoire. Ce qui est inhumain et, par conséquent, interdit dans les conflits internationaux, ne peut pas être considéré comme humain et admissible dans les conflits civils.  Ce concept fondamental est à l'origine de la formation progressive de règles générales relatives à des armes spécifiques, règles qui étendent aux conflits civils les prohibitions générales se rapportant aux conflits armés internationaux. A titre d'exemple, nous mentionnerons les armes chimiques ».

Le droit est donc bien connu. Pas besoin de dessiner des lignes rouges : que les Etats occidentaux appliquent le droit, ça fera du bien, et qu’ils se l’appliquent déjà à eux-mêmes.

Quand les Etats-Unis aidaient l’Irak à faire des carnages aux armes chimiques contre les Iraniens

arme,droit international,irak,iran,syrie,usParce que l’actualité tombe mal pour les Etats-Unis (Amérique du Nord). Le journal Foreing Policy a publié hier un dossier reposant sur des documents déclassifiés, montrant comment les Etats-Unis ont, grâce à la CIA, aidé l’Irak à mener des attaques chimiques décisives contre l'Iran en 1988.

A cette époque, les Etats-Unis de Reagan étaient alliés de l’Irak de Saddam Hussein. Depuis 1984, la CIA informait la Maison-Blanche (comme une oie ?) sur les stocks d’armes chimiques, essentiellement du gaz moutarde et du gaz sarin. En 1987, les Iraniens avaient découvert une faille majeure dans la défense irakienne près de Bassorah et ils s'apprêtaient à lancer une offensive, qui aurait fait basculer le conflit. La CIA a fait rapport, et Reagan a noté sur le document : « Une victoire de l'Iran est inacceptable ». La CIA a donc avisé le commandement militaire irakien du péril, et tous deux ont conduit une série de quatre attaques conduites in extremis, s’assurant pour ne pas perdre le recours aux armes chimiques.

De fait, ces attaques ont causé des milliers de morts au sein des troupes iraniennes, qui ont été mises en échec. Foreign Policy détaille comment la dernière des quatre attaques menées, en avril 1988, a déployé dans les airs la plus grande quantité de sarin jamais utilisé par les Irakiens : « Pendant un quart de siècle, aucune attaque chimique n'a égalé l'ampleur de ces assauts illégaux de Saddam Hussein », ce avec le conseil et l’assistance de la CIA. Le rapport explique aussi les manips’ auprès de la presse pour minimiser ces faits.

Depuis, les Etats-Unis ont inventé les armes de destructions massives pour éliminer son ancien allié, Saddam Hussein. Ils ont engagé un vase plan de sanctions contre les Iraniens, alors qu’ils sont co-auteurs de crimes de guerre contre les soldats iraniens. Pour la Syrie, ils s’apprêtent à violer la Charte des Nations Unies car, dans enquête, sans expertise, sans jugement et sans mandat de l’ONU, ils vont désigner leur coupable et nous expliquer à quel point il est indispensable de frapper militairement celui qui aujourd’hui fait ce qu’ils faisaient hier.

Toutes nos pensées au peuple syrien, meurtri par la guerre.


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