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Le match

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/04/2012

Evaluant, grâce à ces deux quotidiens, l'un par rapport à l'autre et m'abandonnant à de la politique fiction, je suis persuadé que Nicolas Sarkozy aurait pu être un bon Premier ministre - avec ses qualités indéniables et ses défauts moins préjudiciables - pour le président de la République François Hollande.

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Il n'est pas un candidat que je ne cherche à connaître, à lire, à écouter. Je dévore tout ce qui se rapporte à cette campagne présidentielle qu'on dénigre mais qui est passionnante. Il suffit, dans nos quotidiennetés respectives, de constater l'intensité des échanges relatifs aux personnalités concernées et à leur affrontement pour faire litière de ce reproche absurde d'insipidité.

C'est aussi parce que je tente de ne rien manquer que j'ose dire que mes appréciations politiques sont moins l'expression d'un parti pris systématique que d'une comparaison intellectuelle et psychologique que les médias permettent, que ce soit dans la presse écrite ou à la télévision, encore tout récemment sur France 2.

S'il n'est pas trop tard, je voudrais suggérer à tous ceux qui me font l'honneur de visiter ce blog de se livrer à un exercice simple mais très éclairant.

D'une part lire les quatre pages du Parisien du 12 avril où Nicolas Sarkozy se retrouve face aux lecteurs et indique d'emblée : "Je ne sais faire les choses qu'à 100%".

D'autre part parcourir les quelque six pages de Libération du 13 avril avec François Hollande comme invité spécial.

Les deux entretiens sont riches d'enseignement même si lecteurs et journalistes ne s'adonnent pas au même questionnement.

Ce qui est clair et mérite d'être analysé de près est l'absolue différence des tempéraments, des regards et des conceptions.

Le paradoxe fait apparaître un François Hollande qui, avec aisance et sans forcer, se coule dans le style présidentiel, n'éprouve aucune difficulté à prendre de la hauteur et à sortir de soi pour mettre l'accent sur ce qui depuis 2007 a fait défaut : "J'avais évoqué le "candidat normal" et beaucoup s'étaient gaussés. Je les avais laissés faire. Je pense que les Français veulent avoir un président qui soit capable d'une relation de confiance, de respect, de considération".

Et un Nicolas Sarkozy qui, certes candidat apparemment en difficulté, continue à médiocrement apprivoiser le registre présidentiel, la sérénité et l'objectivité sans lesquelles on tombe dans une sorte de déballage polémique. Il demeure enfermé en soi, avec ses humeurs, son extrême vivacité intellectuelle, son allégresse à pourfendre, son contentement de soi qui fait que responsable, selon lui, du meilleur, il ne l'est jamais du pire.

Interrogé par un lecteur, Nicolas Sarkozy s'est évidemment livré à son péché mignon qui est de critiquer la justice : "Il y a une insatisfaction à l'endroit de l'institution judiciaire, c'est une réalité. Vous auriez pu parler d'Outreau...". Brossant un tableau rapide et forcément très positif de son action dans ce domaine, il s'obstine à vanter la réforme sur les citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, prétendant "avoir été insulté" à cause d'elle alors qu'il n'a écouté personne mais favorisé l'absurdité, en même temps, du dépérissement de la cour d'assises.

Son bilan judiciaire global est médiocre et il n'a pas su, dans ses rapports avec le monde de la magistrature, respecter, pacifier et protéger. Maintenant, tout cela est presque derrière nous.

Il assène aussi : "Je n'ai pas tout réussi mais je me suis battu". C'est bien le moins pour un homme qui a eu l'honneur d'avoir été élu brillamment à la tête de la France en 2007 et qui, en cinq ans, a déçu, refroidi tant d'enthousiasmes et d'attentes. On ne va tout de même pas le remercier de s'être donné du mal pour son, notre pays !

Loin de moi l'idée de soutenir que toutes les réponses de François Hollande suscitent une adhésion sans réserve. Techniquement, politiquement, elles peuvent être discutées, contredites. Il n'empêche qu'au-delà d'elles, une pensée, une cohérence, une morale, une allure s'offrent et qu'aujourd'hui, par rapport au sortant, elles font du bien. Faiblesse, mollesse ? C'est probablement ne rien comprendre au courage de la constance.

Evaluant, grâce à ces deux quotidiens, l'un par rapport à l'autre et m'abandonnant à de la politique fiction, je suis persuadé que Nicolas Sarkozy aurait pu être un bon Premier ministre - avec ses qualités indéniables et ses défauts moins préjudiciables - pour le président de la République François Hollande.


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