Des parents de plus en plus responsables (578)
Planète Juridique - admin, 3/09/2014
Dans une atmosphère globalement morose en cette période de rentrée, tous les médias se sont faits le petit plaisir de saluer la performance démographique du pays. Certes la natalité fléchit légèrement, mais en 2013 avec 815 000 naissances et un taux de 1,99 enfant par femme, la France reste sur le podium, en deuxième position européenne.
C’est à peine si certains ont relevé que la proportion d’enfants nés hors le mariage ensemble, faut-il le préciser ?, de leurs deux parents, atteint désormais 55 %. En d’autres termes quand certains se battent pour le mariage avec des projets d’enfant c’est bien hors le mariage que notamment, naissent les premiers enfants d’un couple.
C’est depuis 2006 que le taux des 50 % a été franchi. Il était de 37,2 en 1994 et encore de 44,7% en 2001. Avec cette caractéristique qu’il est d’autant plus élevé que la mère est jeune : nombre de jeunes femmes se retrouvent encore « séduites et abandonnées » ou à l’inverse veulent l’enfant, mais pas l‘homme qui par-delà le géniteur va avec pour faire leur vie.
Dans les DOM il atteint 75 % et à la Guyane 87%.
Il est amusant de relever que la région parisienne est avec l’Alsace la région la plus « classique » : on procrée plus dans le mariage qu’ailleurs.
On se sera pas surpris de relever qu’en Ile de France le département le plus en pointe dans le respect de la tradition est les Hauts de Seine avec 40,2% seulement de naissances hors mariage tandis qu’en deuxième position des traditionnalistes vient, oh surprise, la Saint Saint-Denis avec 43,5 %
Naissances, naissances hors mariage et taux de natalité en 2012 | ||||||||||
en nombre | ||||||||||
Paris | Seine-et-Marne | Yvelines | Essonne | Hauts-de-Seine | Seine-Saint-Denis | Val-de-Marne | Val-d'Oise | Ile-de-France | France | |
Naissances | 29 291 | 19 678 | 19 827 | 18 506 | 24 790 | 28 675 | 20 967 | 19 495 | 181 229 | 819 191 |
Proportion de naissances hors mariage (en %) | 45,0 | 55,4 | 44,7 | 52,4 | 40,2 | 43,5 | 46,0 | 46,6 | 46,2 | 56,7 |
Taux de natalité (en ‰) | 12,9 | 14,5 | 14,0 | 15,0 | 15,5 | 18,6 | 15,6 | 16,4 | 15,2 | 12,6 |
Âge moyen des mères à la naissance (1) | 33,1 | 30,3 | 31,1 | 30,5 | 31,9 | 30,4 | 31,1 | |||
(1) Âge calculé pour une génération fictive de femmes qui auraient à tous les âges la fécondité de l’année considérée | ||||||||||
Champ : naissances domiciliées au domicile de la mère. | ||||||||||
Source : Insee, état civil (données domiciliées), estimations de population. |
Reste le chiffre le plus important que je n’ai relevé dans aucun média, ni même dans l’étude de l’INSEE et qu’on ne peut trouver que par croisement des données fournies en faisant fonctionner la calculatrice. En 2013 ce sont 87,7% des enfants nés hors mariage qui ont été reconnus volontairement par leur père, avant ( et de plus en plus souvent) - ou après leur naissance. Il n'étaient que 8,4 en 1974!
Deux conclusions peuvent être tirées qui sont importantes pour la réflexion sur les politiques publiques à mener
D’abord le côté positif. Ne pas se marier n’est donc pas un acte d’irresponsabilité familiale. On ne croit plus comme par le passé dans l’union devant le maire et encore moins devant les autorités religieuses pour sacraliser son couple. On préfère éventuellement les copains avec cette version intermédiaire qu’est le PACS. Mais si un enfant survient, le plus souvent désiré, on l’assume simplement. On le reconnaît et surtout on se comporte comme parent. Il en va de même pour les mères avec 6% seulement de non-reconnaissance.
Coté négatif : Ce sont quand même quelques 57 000 enfants qui sont d’entrée de jeu « orphelins » de père. Non pas du fait de la guerre, non pas du fait des accidents multiplies qui peuvent survenir, mais du fait de l’attitude de leurs géniteurs.
Si certains hommes partent en courant quand ils sont mis au courant de la grossesse, d’autres ne sont pas informés de leur paternité par la mère ou simplement autorisés à reconnaître l’enfant icelle qui s’attribue un pouvoir que la loi ne lui donne pas.
Certes des légitimations par mariage interviendront par la suite, soit par mariage des deux géniteurs ensemble, soit avec une tierce personne.
Pour autant c’est aujourd’hui banal de demander à un enfant « Qui est ton père ? « et de s’entendre répondre « Je n’ai pas de père ». Il m’étonnerait fort que cette situation soit indifférente à l’enfant dit sans père quelles que soient les qualités de sa mère et de l’environnement qui lui est apporté. En tous cas les psychiatres nous avaient dit beaucoup de choses sur la recherche du père absent. Il peut y avoir un secret à percer ; soit connaître ce géniteur soit le découvrir avec parfois – il ne faut pas généraliser - des résistances côté mère.
Sur presque 30 ans le législateur – 1987, 1993, 2002, 2007 - , et les praticiens l’y ont poussé, a su détacher la réflexion sur l’exercice des responsabilités parentales, du statut matrimonial. Le contenu – les responsabilités - est plus important que le contenant – le mariage -. Qu’ils soient mariés ou qu’ils ne le soient pas ou ne le soient p lus, les deux parents ont a priori l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Plus de gagnant, ni de perdant. L’intérêt de l’enfant est a priori que ses deux parents s’investissant pour lui.
Reste qu’aujourd’hui 1,5 millions d’enfants sont élevés par un adulte qui est plus ou moins le compagnon ou la compagne du parent géniteur. On entend aussi au quotidien et dans le bureau du juge : « Qui t’es toi ? T’es pas mon père .Vas te faire voir ! »
Plus que jamais il est important d’identifier celui-ci dès lors que la relation est stable dans ses responsabilités de beau-père ou de belle-mère. Le dispositif adopté en première lecture par l’Assemblée nationale avant l’été avec le pacte de vie quotidienne est une usine à gaz qui ne peut pas fonctionner et qui en tous cas ne répondra pas au problème posé, à savoir faire en sorte que tous les enfants, dans l’intérêt général, respectent l’autorité de ceux des adultes avec qui ils vivent au quotidien. Mais il a au moins le mérite d’exister quand depuis 20 ans les politiques n’osent pas aborder la question.
Il est souhaitable que cette innovation aboutisse avec comme nous le proposions une formule simple : celui qui a légitimement en charge un enfant est en droit et en devoir d’exercer à son égard des actes de la vie quotidienne. Point barre. Pas besoin de contrat devant notaire ou le juge. C’est la loi.
Au passage législateur osera-t-il franchir la pas de ne plus parler d’autorité parentale mais des responsabilités parentale ? L’autorité - le pouvoir - est au service de la fonction. Avant l’été il a déjà sous la pression de Laurence Rossignol introduit les mots dans le titre de la loi. Il en faut peu pour qu’il décline cette idée dans les articles du texte. Courage !
Quitte à se quereller autour du mot entreprise on peut se réunir au tour du mot famille en prenant en compte ce que vivent majoritairement les familles de France : l’exercice de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants.