Le nom d’un soldat allemand à Douaumont
Actualités du droit - Gilles Devers, 10/02/2014
Si vous avez l’occasion, et même si vous n’avez pas l’occasion, allez faire un tour à Verdun, visiter les lieux de la terrible bataille et l’impressionnant ossuaire de Douaumont. Cette bataille est, sur le sol français, la marque de l’horreur des guerres, de la fascination des délires impérialistes.
Le 21 février 1916, c’est l’offensive allemande, et le 19 décembre, le recul allemand : les deux armées ont retrouvé, à peu de choses près, leur position de départ. Entre ces deux dates, un carnage : plus de 710 000 morts, disparus ou blessés… 310 000 morts et disparus, et 400.000 blessés. 70 000 victimes pas mois ! Dans les deux camps, le nombre des victimes est proche : 380.000 du côté français, et 330 000 du côté allemand. Ces chiffres sont terrifiants. C’était chez nous…
Lieu marquant de cette horreur, l’ossuaire de Douaumont réunit les restes d’environ 130 000 soldats inconnus, allemands et français, indéfectiblement entremêlés. Le lieu est sobre, impressionnant. En face, se trouve un immense cimetière de 16 142 tombes de soldats français, dont un carré pour 592 les combattants musulmans de l’Empire colonial. C’est un grand lieu de la réconciliation, évidemment, alors que chaque jour mêle plus étroitement le dessin des peuples français et allemand. C’est notre grande chance, et je pense vraiment que c’est la grande chance de l’Europe.
Mais les esprits, il faut bien le dire, sont à la traîne… C’est assez incroyable : alors que l’ossuaire réunit pour toujours les restes de 130 000 soldats inconnus, Français comme Allemands, il n'y avait jusqu’à présent que des noms de soldats français sur les pierres gravées ornant les murs du cloître de l'ossuaire, long de 137 mètres.
Des demandes avaient été formées par nos amis allemands,… et refusées ! Olivier Gérard, le directeur de l'ossuaire, explique : « Il y avait déjà eu quelques demandes par le passé, mais aucune suite n'avait été donnée. Nous avons depuis changé de président du mémorial et le conseil d'administration a entériné cette décision ». Et il y en a encore eu pour dénoncer ce qui serait une maladie de la repentance…
Le nom du soldat allemand Peter Frundl a été retenu au hasard, avec celui d'un soldat français également disparu sur le champ de bataille de Verdun en 1916, Victor Manassy. Hier, leurs deux pierres gravées, situées côte à côte, ont été inaugurées en présence de quelques-uns de leurs descendants, après une messe célébrée dans la chapelle de l'ossuaire.
Il aura fallu cent ans pour ce geste symbolique. Cent ans pour se décider à inscrire un nom dans la pierre… Qu’est-ce qu’ils ont dans la tête ?... Il y a comme çà des trucs qui me fichent la trouille…