François Fillon est vivant !
Justice au singulier - philippe.bilger, 26/11/2012
Je ne sais pas ce que donnera la rencontre entre Jean-François Copé (JFC) et François Fillon (FF) avec Alain Juppé (AJ) comme médiateur.
La commission nationale des recours continue, elle, à se couvrir de ridicule. Yanick Paternotte, copéiste convaincu, s'obstine à la présider contre toutes les règles de l'équité et de l'impartialité. Comme aucun représentant d'AJ n'était présent pour assister à ses travaux comme François Fillon l'avait souhaité, Eric Ciotti s'est retiré en dénonçant cette absence et Me Francis Szpiner, porte-parole de JFC (son avocat ?) dans cette affaire, a stigmatisé cette désertion (France Inter). Tout cela serait seulement grotesque si, à force, ces empoignades ne faisaient pas perdre toute légitimité pour le futur au principal parti d'opposition, à supposer qu'il n'explose pas dans les prochaines semaines.
Pourtant, il y a un espoir : les Français, heureusement, ne sont pas bêtes.
Alors que depuis le 18 novembre on nous serine qu'il n'y a pas de grand vainqueur pour cette élection de l'UMP mais un grand vaincu qui serait François Fillon, un sondage significatif vient rectifier le tir et affiner l'analyse.
Avant même sa publication (Le Parisien), on avait pu constater que si les deux rivaux avaient fortement décliné dans les enquêtes d'opinion, il n'en restait pas moins que FF était moins atteint par l'ensemble de ces péripéties à la fois tacticiennes, ambitieuses et chaotiques que JFC.
Les Français surtout placent largement FF en tête dans ce qui est résumé de la manière suivante par le quotidien : "Opposition : pour les Français, le meilleur, c'est Fillon". En effet, à la question : "Quel est le meilleur opposant à François Hollande et au gouvernement ?", FF l'emporte avec 30% tandis que JFC n'obtient que 19%, Marine Le Pen (MLP) 15% et Jean-Louis Borloo 9%.
Ce qui me semble très éclairant dans cette comparaison médiatique tient au moins à deux données qui rassurent sur la lucidité de notre opinion publique.
Contrairement à ce qu'on pouvait craindre, l'obsession de s'opposer pour s'opposer n'est absolument pas validée et certains adversaires du Pouvoir feraient bien d'intégrer cette conclusion. La bêtise proférée souvent d'une opposition qui n'existerait que dans une contestation permanente sur tout, l'essentiel comme l'accessoire, est balayée. Aucun besoin mécanique de "faire" dans l'opposition comme si l'intelligence relevait de ce seul réflexe !
Le pays attend de ses responsables en attente de pouvoir autre chose que de la surenchère et de l'immodestie. Mais une prise en compte du réel avec une estimation équitable et lucide des forces et des faiblesses du président et du gouvernement, une appréciation sans complaisance mais équilibrée de la conduite des affaires par le camp que le suffrage universel a choisi un temps pour diriger notre pays.
Une approche citoyenne de cette nature n'était pas forcément gagnée d'avance quand on connaît le goût de certains pour les procès expéditifs, les dénonciations partisanes et l'occultation hémiplégique. A droite comme aujourd'hui et à gauche comme hier. En tout cas, les excès, les outrances, les polémiques, les formules destinés moins à convaincre qu'à provoquer et troubler, moins à persuader qu'à cliver à tout prix, non seulement sont moins décisifs que les médias le présument quand on voit la place qu'ils leur donnent mais, bien plus, font perdre beaucoup de terrain politique à ceux qui abusent au quotidien de ces extrémités.
C'est clairement une leçon pour JFC et un encouragement pour FF qu'on croit discréditer en le qualifiant de mou alors que les Français savent parfaitement distinguer la modération du ton de la vigueur intellectuelle du fond. On n'est pas obligé d'être insultant pour contredire, pour combattre. Aucune prime au cirque !
L'enseignement capital est autre et justifie rétrospectivement la tactique de FF pour la campagne de l'UMP.
Les Français, dans leur évaluation - et cela vaut également pour MLP et le FN - appréhendent principalement, en se projetant dans l'avenir, l'aptitude à gouverner, la crédibilité politique, la rectitude et la mesure intellectuelles et, je l'espère, la qualité morale dans toutes les facettes d'une existence susceptibles d'avoir une incidence sur son rôle public et sa légitimité démocratique. Ils désirent moins un opposant, un contradicteur de tous les instants qu'une personnalité qui les assurera qu'elle sera la bonne personne pour le bon moment. Il n'est pas nécessaire de tomber dans une excitation lassante pour occuper l'espace mais d'avoir cette aura immatérielle qui n'est pas seulement l'apanage des seul "forts en gueule" et des "il n'y a qu'à". La mesure n'est pas la lâcheté et l'ostentation dans le refus est aux antipodes d'une opposition responsable. Le trop détruit ceux qui en usent quand la modération, parfois impitoyable (celle qu'on prêtait à Raymond Barre) fait mal.
François Fillon est vivant et il est plus que jamais nécessaire, pour le président comme pour le gouvernement, de ne pas s'illusionner: une droite en miettes depuis trop longtemps, cela peut se reconstruire vite.