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Huis clos prononcé au procès de l’affaire du Chambon-sur-Lignon

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 18/06/2013

La cour d'assises de Haute-Loire, qui juge jusqu'au 28 juin Matthieu M., accusé du viol et de l'assassinat d'Agnès Marin au Chambon-sur-Lignon en novembre 2011, ainsi que du viol d'une autre mineure, a prononcé mardi 18 juin le huis clos … Continuer la lecture

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La cour d'assises de Haute-Loire, qui juge jusqu'au 28 juin Matthieu M., accusé du viol et de l'assassinat d'Agnès Marin au Chambon-sur-Lignon en novembre 2011, ainsi que du viol d'une autre mineure, a prononcé mardi 18 juin le huis clos total des débats.

La question de la publicité de l'audience divisait la famille d'Agnès Marin et la représentante de l'accusation, toutes deux favorables à la levée du huis clos, et l'autre partie civile, qui demandait sa stricte application, tout comme la défense de l'accusé. Elle a suscité une forte tension à l'audience entre les parents d'Agnès Marin et ceux de la jeune fille victime du premier viol.

Deux principes se sont opposés. Le premier est celui de la "publicité restreinte" qui, depuis l'ordonnance de 1945, régit la justice des mineurs. Mais la loi du 10 août 2011 permet une dérogation à ce principe, lorsque l'accusé, mineur au moment des faits, est devenu majeur quand s'ouvre son procès, ce qui est le cas de Matthieu M. La loi dispose que, dans ce cas, le ministère public – représentant l'accusation – peut demander la levée du huis clos s'il estime que l'affaire jugée, par son caractère exceptionnel, a intérêt à un débat public.

"Intérêt à la transparence"

Telle a été la position soutenue à l'audience par l'avocate générale, Jeanne-Marie Vermeulin. "Je crois que toutes les parties ont intérêt à la transparence", a-t-elle souligné en évoquant le fait que, dans ce procès, le rôle de l'institution judiciaire et de ses éventuelles défaillances dans le suivi de Matthieu M. est mis en cause par la famille d'Agnès Marin. Le jeune homme, placé en détention provisoire en août 2010 après le viol de Julie, une jeune fille de son village, a en effet été remis en liberté quatre mois plus tard, sur la foi, notamment, d'une expertise psychiatrique qui concluait à sa non-dangerosité. C'est dans ces conditions qu'il a été scolarisé en classe de 1re au lycée Le Cévenol du Chambon-sur-Lignon, où il a rencontré Agnès Marin. "Nous ne souhaitons pas esquiver ce débat", a dit l'avocate générale.

En écho, Me Francis Szpiner, l'avocat de la famille d'Agnès Marin, a indiqué : "Si nous sommes là aujourd'hui, c'est parce que la justice a dysfonctionné, qu'un psychiatre a dit que Matthieu M. n'était pas dangereux, qu'un juge l'a libéré. Et ce dysfonctionnement de la justice doit être débattu publiquement."

"La publicité restreinte est un droit fondamental, un droit constitutionnel de la justice des mineurs et on essaie aujourd'hui de dénier sa spécificité à la justice des mineurs", lui a répliqué Me Isabelle Mirmoran, l'avocate de Matthieu M. "Dire que la justice a besoin de la presse pour rendre une bonne décision, c'est du populisme, pas de la démocratie", a-t-elle ajouté. A l'adresse de la cour, composée d'un président et de deux juges pour enfants assesseures, elle a lancé : "Vous devez résister à tout cela et rester dans votre rôle de juges des mineurs."

Protéger l'intimité

Le second principe qui s'opposait à une audience publique est celui du droit accordé à toute victime de viol, majeure ou mineure, d'obtenir que les débats se tiennent à huis clos pour protéger son intimité. Après avoir envisagé de ne le demander que pour l'affaire de viol qui la concerne, l'autre partie civile a modifié son point de vue dans les heures qui ont précédé l'ouverture du procès en raison de sa très forte médiatisation. Hors audience, en discutant avec les parents de Julie, comme à l'audience, la famille d'Agnès Marin a tenté en vain d'infléchir sa décision. "La seule chose qu'il reste aux parents d'Agnès, c'est l'espoir de sauver d'autres jeunes filles par une pédagogie de la justice publique", a plaidé Me Szpiner, soutenu là encore par le ministère public.

Après une demi-heure de délibéré, la cour a tranché. Dans son arrêt lu à l'audience par le président Christophe Ruin, la cour a d'abord estimé que la loi du 10 août 2011 pouvait s'appliquer, au regard de l'émotion suscitée par cette affaire et de l'enjeu institutionnel des questions qu'elle soulève. Mais la cour n'a pu ensuite que constater son devoir de faire droit à la demande de huis clos total sollicité par l'avocate de Julie.

Les portes de la cour d'assises se sont donc refermées, laissant Matthieu M., un jeune homme frêle vêtu d'une veste noire et d'un jean, le visage barré de lunettes à larges montures affronter son procès, encadré par deux gardes armés, équipés de gilets pare-balles et d'oreillettes.


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