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Procès PIP: une société et tant de petites lâchetés

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 23/04/2013

Un scandale de santé publique, c'est aussi comme ce mardi 23 avril, un défilé d'humaines petites lâchetés. Ceux qui se sont succédé à la barre du tribunal correctionnel de Marseille qui juge l'affaire des prothèses PIP, sont des anciens salariés … Continuer la lecture

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Un scandale de santé publique, c'est aussi comme ce mardi 23 avril, un défilé d'humaines petites lâchetés. Ceux qui se sont succédé à la barre du tribunal correctionnel de Marseille qui juge l'affaire des prothèses PIP, sont des anciens salariés de la société de Jean-Claude Mas. Ils sont entendus comme témoins, ils auraient pu, pour certains d'entre eux, se retrouver sur le banc des prévenus.

Ils étaient directeur informatique, directeur qualité ou ingénieur chimiste de la société PIP. Tous savaient que le gel utilisé pour fabriquer certaines prothèses ne possédait pas le label européen, contrairement au gel certifié de marque Nusil. Tous avaient entendu dire, dans l'entreprise, que certaines prothèses présentaient des fissures ou des risques d'écoulement anormalement prématurés après implantation.

Mais on continuait.
Comme cette jeune femme, ingénieur chimiste: "Je savais que le gel utilisé n'était pas déclaré mais je ne me suis pas posée de questions. Je faisais confiance aux équipes.
La présidente lui demande:
- Vous aviez donc connaissance de la fraude?
-Oui.
- Avez-vous eu l'idée de la dénoncer?
- Non. je n'avais pas de raison de me douter de la dangerosité de ce gel. Je regrette de ne pas m'être posée plus de questions. Au lieu d'avoir la force de s'insurger, on se rassure comme on peut.

Comme encore cet ancien directeur informatique chez PIP. A chaque visite, toujours annoncée, de l'organisme de contrôle, il faisait ce qu'on lui demandait, c'est-à-dire la "bascule informatique" qui supprimait de la base de données toutes les commandes des "fournisseurs indésirables", à savoir les deux sociétés qui livraient chez PIP le gel non homologué, et il les réintégrait après l'audit.
- Je ne faisais pas ces bascules de gaieté de coeur. A un moment, j'ai voulu quitter l'entreprise, mais je n'ai pas retrouvé d'emploi au même salaire.
La présidente lui pose la même question qu'à son ex collègue.
- Avez-vous songé à faire une dénonciation?
- La dénonciation ne fait pas partie de mon vocabulaire.
Un avocat des parties civiles insiste:
- Et refuser des ordres illégitimes, y avez-vous songé?
- C'est vrai qu'on peut toujours être rebelle. Mais, non, je n'ai pas refusé.

Et ce troisième ancien salarié de PIP, qui était directeur qualité. L'utilisation du gel PIP, explique t-il, s'est faite petit à petit.
- D'abord un lot de prothèses, puis un deuxième, puis un troisième, puis les lots se sont accumulés et c'est rentré dans les moeurs de la société. On nous disait que le gel PIP était aussi bon que le gel certifié. Et on comprenait qu'il y avait un enjeu financier.
Le gel PIP avait en effet un coût de revient moins important. Et la société rencontrait alors de sérieuses difficultés financières qui menaçaient sa survie.
- Il y avait un consensus pour changer les choses et n'utiliser que du gel certifié. Mais on nous disait que la société ne pouvait pas tout assurer financièrement d'un coup, qu'on allait y arriver étape par étape.
Il ajoute cette drôle de phrase:
- Il y avait, malgré tout, une certaine volonté d'honnêteté
Les deux gels voisinaient dans la "salle blanche" - stérile - où se préparaient les prothèses.
"On avait mis une feuille verte sur le gel PIP et une blanche sur le gel Nusil (certifié) parce que les opérateurs se trompaient parfois", raconte t-il.
Lors des venues de l'organisme de contrôle, les fûts non certifiés étaient retirés et stockés dans un autre site dont la direction savait qu'il n'allait pas être visité.
- Chaque année, c'était le même manège. ça aussi, c'était rentré dans les moeurs.

Tous reconnaissent avoir entendu les commerciaux de PIP rapporter les critiques que certains chirurgiens faisaient sur la qualité de ces prothèses. "Il y en avait même un qui était revenu en racontant que le chirurgien lui avait lancé, en lui rendant une prothèse défectueuse qui avait dû être explantée: 'Tenez, récupérez votre merde!"

Ces commerciaux alarmistes avaient gagné un surnom: "On les appelait les pleureuses"
A l'un d'entre eux, qui tirait la sonnette d'alarme, Jean-Claude Mas, le président de PIP, avait lancé:
- "La France, on s'en fout. Vous ne représentez que 10% du chiffre d'affaires"
Et il s'en allait démarcher le Vénézuela et la Colombie.


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