Comment saisir la justice ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 19/10/2015
La base de toute analyse est de distinguer le civil et le pénal.La confusion est très souvent entretenue, notamment à partir de la notion de « plainte ». Dans le langage courant, tout recours en justice est analysé comme une plainte, ce qui entraîne bien des confusions. Il faut réserver le mot de plainte au domaine pénal, et encore bien comprendre ce dont il s’agit.
Dans le domaine civil, une personne forme une demande en justice. Ainsi, elle dépose un argumentaire, avec des moyens de droit et des éléments de fait, et elle forme une demande sur laquelle le juge doit se prononcer. La justice n’est pas à l’initiative à la procédure. Ce sont les parties qui soumettent un litige au juge.
Au pénal, c’est le procureur qui est la partie poursuivante. Il agit de lui-même ou à la suite de plaintes déposées par des particuliers. Mais la grande particularité du pénal est que l’enquête et le jugement sont conduits par les magistrats.
Si une personne entend réellement maîtriser la procédure, il faut qu’elle choisisse la procédure civile. Dans la procédure pénale, elle jouera un rôle déclencheur important, mais le pénal sera ensuite l’affaire des magistrats.
I – Comment saisir la justice pénale
1/ Qu’est- ce qu’une plainte ?
On retrouve ici la notion de « plainte », mais il faut bien s’entendre sur la définition.
Déposer plainte, c’est transmettre au procureur des informations qui sont susceptibles d’être la matière d’une infraction, et le procureur, seul maître de l’opportunité des poursuites, décide s’il y a lieu de faire une enquête, et quels moyens allouer à cette enquête.
Le procureur reste l’autorité poursuivante jusqu’à l’achèvement du procès.
Le procureur peut agir de sa propre initiative, parce que des informations viennent à sa connaissance, notamment par le biais des services de police ou de gendarmerie qui les constatent.
Mais le procureur peut également agir à la suite de renseignements donnés par les particuliers. Juridiquement, c’est ce que l’on appelle la plainte.
La plainte n’est donc pas une action en justice en ce sens qu’à l’inverse du civil, elle n’oblige pas le tribunal à trancher sur les faits qui sont dénoncés. La plainte signale au procureur de la République des faits, et il revient au procureur d’apprécier s’il est opportun ou non d’ouvrir une enquête, puis de saisir le tribunal.
2/ Comment déposer plainte ?
Il est tout d’abord possible de se rendre au commissariat pour faire recueillir la plainte par une audition, qu’on appelle alors le procès-verbal. Ce mode est tout à fait jouable, mais pour une affaire complexe, il est préférable de passer par un écrit, avec des justificatifs.
De plus, dans la pratique, on observe une réticence certaine des services de police et de gendarmerie à enregistrer les plaintes. L’une des raisons est que le nombre de plaintes est analysé comme indicateur de la délinquance dans le pays. Aussi, il y a très souvent la proposition de transformer la plainte en une simple inscription sur un registre de main-courante. Le renseignement est laissé comme une information. Il pourra, un jour, être exploité, mais il ne donne pas lieu à enquête immédiate.
Ainsi, si le dossier est complexe ou délicat, il est très préférable de procéder par écrit.
La plainte peut être rédigée par toute personne, mais si le dossier est complexe, il pourra s’avérer nécessaire d’avoir recours aux services d’un avocat.
En particulier, il faut être très prudent quand on cite des noms dans une plainte pénale, car cela peut conduire à des procédures de dénonciation calomnieuse. De telle sorte, on rédige une plainte contre X, en proposant les noms d’un certain nombre de personnes pouvant être entendues comme témoins.
Si les faits sont caractérisés, exposés de manière cohérente et susceptibles de recevoir une qualification juridique, le procureur donnera suite.
Les plaintes peuvent être adressées aux services du procureur de la République en écrivant directement au Palais de justice à l’attention de son secrétariat.
Pour résumer
- une plainte pénale est une dénonciation de faits auprès du procureur qui est libre d’apprécier la suite à donner,
- la plainte n’est pas une donnée formelle, et ce qui compte c’est la précision des informations ;
- pour une situation complexe ou délicate, une plainte écrite avec un dossier adressée au procureur est la voie préférable.
II/ Comment saisir la justice civile
La procédure civile est bien différente dans la mesure où une demande est soumise au juge, qui a l’obligation de se prononcer. Cela suppose donc du formalisme et de la précision dans la rédaction.
Une demande en justice qui ne respecte pas les formalités du code peut être jugée irrecevable. Ainsi, il faut admettre un certain degré de technicité, pour passer le cap de la recevabilité, et par ailleurs, se situer dans le registre des pratiques courantes.
1/ Précision : Procédure civile et procédure administrative
La France connaît deux ordres de juridictions différents.
Les juridictions judiciaires, qui connaissent des litiges entre personnes privées, associations et sociétés, sont principalement le tribunal de grande instance, la cour d’appel et Cour de cassation.
Les juridictions administratives, qui sont compétentes chaque fois qu’est en cause une collectivité publique, sont principalement le tribunal administratif, la cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat.
Les procédures sont de même nature : une demande formée en justice, et le juge doit répondre.
Pour le reste, les pratiques procédurales sont très différentes devant les juridictions administratives et judiciaires. En particulier, la procédure judiciaire mêle l’écrit et l’oral, et dans certaines procédures (juge des tutelles, tribunal d’instance, conseil de Prud’hommes…) la procédure est essentiellement orale, les écrits venant à l’appui.En revanche, devant les juridictions administratives, la procédure est essentiellement écrite, et l’audience a un rôle très formel.
2/ Procédure de référés, procédure au fond
Il existe deux grandes familles de procédures, que l’on retrouve aussi bien devant les juridictions judiciaires qu’administratives.
a/ Procédure au fond
Le procès normal est appelé « la procédure au fond ». C’est le procès qui permet de faire trancher le litige, après l’échange entre les parties de toutes les pièces et arguments.
Ce procès suppose un certain délai, qui n’est pas toujours compatible avec la vie quotidienne. En règle générale, même bien conduite, une procédure devant le tribunal de grande instance dure entre 10 à 12 mois, et devant le tribunal administratif entre 18 mois à 2 ans.
b/ Procédure de référé
Il s’agit de procédures plus rapides.
Les procédures des référés se retrouvent devant le tribunal administratif et devant le tribunal de grande instance, mais seront ici examinées que celles devant le tribunal de grande instance, qui sont, a priori, plus courantes, pour les questions rencontrées par la pratique professionnelle des mandataires de justice.
Désignation d’expert
La première procédure de référés vise à obtenir une mesure d’instruction, et en particulier, la désignation d’un expert. C’est donc une procédure qui peut s’avérer très efficace, car les délais sont très courts, dans la mesure où ce qui est demandé au tribunal est assez limité, la désignation d’un expert.
Cet expert interviendra en exécution de la décision de justice, c'est-à-dire en opérant de manière contradictoire.
Ainsi, les parties au procès sont convoquées et doivent se présenter à l’expertise. Si elles ne viennent pas, elles sont défaillantes et le rapport leur est opposable.
L’audience peut être obtenue dans un délai très court, de quelques semaines. Le juge alloue un délai, en général de 6 à 8 mois pour que le rapport d’expertise soit déposé. Mais il peut y avoir des mesures urgentes, notamment s’il faut rapidement faire un constat pour un équipement dangereux, dans ces cas les délais peuvent être beaucoup plus rapides, même ramenés à quelques semaines.
Dans des situations complexes, la procédure de référés aux fins de désignation d’un expert peut s’avérer intéressante, car elle enclenche un processus très sérieux qui va ensuite permettre de donner les bases d’une issue négociée.
Mesures imposées par l’urgence
Il existe d’autres procédures de référés, plus difficile à exercer, car elles amènent le juge à prendre des mesures contraignantes, notamment la condamnation à verser une provision sur une indemnisation, à prendre des mesures conservatoires en cas de péril imminent où à agir sans délai pour défendre une liberté menacée.