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Le pour et le contre : on ne sait plus faire !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 29/11/2015

Contre les sectaires maniant la foudre du péremptoire, les citoyens mesurés et intelligents leur opposant l'infinie complexité du monde, de la France et de l'humanité.

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Depuis le 13 novembre, on dirait que la réalité terrifiante de cette immense tragédie parisienne ne cesse de nous confronter à ce que nos esprits partisans et étroits et notre vision hémiplégique de la vie ne savent plus faire : accepter l'insupportable complexité du pour et du contre, l'intolérable et quotidienne alliance du passif et de l'actif.

Et cela à tous les niveaux, du dérisoire au grave.

Pour le premier, Jean-Luc Mélenchon a la palme. Lors de l'hommage national rendu aux Invalides, le scandale pour lui était d'être assis aux côtés de Marine Le Pen. Outre que c'était une application stricte des règles de l'étiquette, cette position n'aurait pas dû l'emporter sur l'essentiel. Cet homme pourtant intelligent a perdu la tête.

Le pour et le contre.

Le premier tour des élections régionales, le 6 décembre, va probablement consacrer une forte poussée du Front national qui, à l'évidence, sera le sombre bénéficiaire de ce qui a endeuillé la France. On pourra bien sûr continuer à le vitupérer comme s'il s'agissait d'un groupuscule alors qu'une part non négligeable du peuple français rejoint ses préoccupations et ses analyses et que le pouvoir même, sur un certain registre, est allé sur son terrain. La dénonciation politique ne devra pas faire oublier que, de fait, le FN, depuis des années, a mis en garde la France avec une lucidité parfois outrancière contre ce qui l'a horriblement frappée le 13 novembre.

La pertinence du "on vous l'avait bien dit" dominera, un temps, la facilité démagogique du "il n'y a qu'à".

Le pour et le contre.

Marion Maréchal-Le Pen, affirmant que l'islam ne devrait pas avoir le même rang en France que le christianisme, exprime sans fard ce qui ressort de l'histoire de notre pays qui a des racines chrétiennes, ce que seules la démagogie et la crainte de déplaire à des adversaires qui n'y ont vu que de la faiblesse nous ont interdit de graver dans le marbre.

Le pour et le contre.

Robert Ménard, pour les imams et les responsables de mosquées, a élaboré un code absurdement qualifié de "code de la honte". S'il était validé sur l'ensemble de notre territoire, nous n'aurions plus l'ombre d'une crainte à l'égard de prêches et d'injonctions appelant au meurtre ou défiant notre culture. Parce que Robert Ménard en est l'initiateur, il faudrait le récuser par principe (Bd Voltaire) ?

Le pour et le contre.

Le Premier ministre, paraît-il épuisé - qui ne le serait pas à sa place ? - a eu le courage d'aller dialoguer avec ses concitoyens d'Evry dont il a été longtemps le maire respecté et efficace (Le Figaro). Il a souligné qu'il fallait "un sursaut républicain majeur" et "reconstruire la République". Pour cela, l'un des chantiers prioritaires est évidemment l'école et sa restauration sur le plan des valeurs et de la qualité. Comment, alors, en même temps, avoir approuvé et soutenu l'aberrante réforme de Najat Vallaud-Belkacem ?

Le pour et le contre.

Le gouvernement, depuis les crimes de Mohamed Merah au mois de mars 2012 et les massacres du mois de janvier 2015, n'a pas accompli ce qu'il aurait dû assumer pour lutter contre le terrorisme. Seule la loi sur le renseignement, effective peu de temps avant le 13 novembre, a ajouté une arme pour la sauvegarde de la République. Mais force est de reconnaître qu'au-delà du beau discours du Congrès et des hommages solennels rendus aux victimes, le gouvernement semble enfin décidé à mettre les bouchées doubles. Pour rattraper un retard et compenser une inertie, dont j'espère qu'ils ne seront pas irréversibles. Il convient de lui faire confiance mais, comme l'a excellemment écrit Yves Thréard, nous avons besoin de preuves, dorénavant, par les actes.

Les multiples perquisitions administratives ont abouti à des découvertes et à des saisies d'armes. On a enfin éloigné des pistes de l'aéroport de Roissy 57 musulmans radicaux qui y travaillaient. Un millier de personnes indésirables n'ont pas pu pénétrer sur notre sol.

Beaucoup reste toutefois à faire et la constance devra constituer l'impératif principal. Mais le processus est enclenché malgré la sempiternelle et lassante récrimination de ceux pour qui notre démocratie serait menacée parce qu'enfin elle deviendrait vigoureuse. Rien ne serait pire qu'un catastrophisme anticipant et espérant presque l'échec d'une gauche enfin devenue responsable.

Le pour et le contre.

Le combat contre le terrorisme, soit, et les mesures extrêmes que permet l'état d'urgence qui devra durer aussi longtemps que le terrorisme islamiste pèsera comme une épée de Damoclès sur la France. Mais assigner à résidence des militants écologistes, aussi discutables qu'ils puissent être, pour que ne soit pas troublé l'immense rassemblement des chefs d'Etat de la COP21, c'est trop à mon sens. Il conviendrait de hiérarchiser les dangers, faute de quoi on banalisera le seul qui mérite d'être pris au tragique.

Le pour et le contre.

La justice est dans un état lamentable, les juridictions manquent de moyens et des parquets succombent à la tâche. Le ministère de la Justice et Christiane Taubira ne sont pas à la hauteur de cette crise judiciaire sans précédent à laquelle le désarmement pénal ajoute une pierre dévastatrice. L'USM qui, avec le syndicat FO-Justice, mérite d'être écoutée, pointe bien le malaise des magistrats et ce qui les mine : "l'absence de perspective". Cependant, à la fois, le parquet de Paris et les juges d'instruction spécialisés donnent une belle image de la résistance judiciaire face aux barbares (Magazine du Parisien).

Le pour et le contre.

Nul doute que l'actualité et l'avenir proposeront encore une infinité de situations où l'honnêteté du pour et du contre trouvera largement de quoi s'employer.

Bien plus qu'une union nationale que les tragédies ne créent que quelques jours à la force des souffrances et des désastres humains, on pourrait espérer, dans les temps calmes ou troublés, la rectitude scrupuleuse des ombres et des lumières, le refus du Tout ou Rien, de l'hostilité bête, de l'adhésion sotte.

Inconcevable dans notre pays sur un plan politique, le consensus pourrait pourtant tenter d'apposer - de la France à défendre jusqu'au comportement de nos élus, de la République moins à ressasser qu'à démontrer jusqu'au peuple à rassembler sur l'essentiel, de la liberté des intellectuels jusqu'à la fantaisie des humoristes, du divertissement jusqu'à Finkielkraut, Zemmour et Onfray par exemple -, une marque d'honnêteté, de respect et de justesse. Un rêve de vraie démocratie.

Contre les sectaires maniant la foudre du péremptoire, les citoyens mesurés et intelligents leur opposant l'infinie complexité du monde, de la France et de l'humanité.


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