Sarkozy : Témoin assisté ou mis en examen ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 15/11/2012
Mauvais temps pour les président et ex-président… Après Hollande mis en examen par Merkel pour sa politique économique, ce sera sans doute bientôt le tour de Sarkozy par le juge Gentil pour l’affaire Bettencourt. Mis en examen ou témoin assisté ? C’est en pratique la seule question.
Sarkozy va être entendu par le juge, c’est une donnée acquise. Mais sous quel statut ?
Le juge peut l’entendre comme simple témoin. Il n’y aurait alors pas de griefs. C'est la situation où une personne a été témoin de faits qui sont la matière de l’enquête dont a été saisi le juge, et celui-ci veut l’entendre et lui poser de questions. On peut être convoqué chez un juge d’instruction sans encourir le moindre reproche.
Alors, ce sera peut-être le cas ?
On est déjà sûr que non. D’abord, car les extraits de PV publiés dans la presse - qui s’assoit joyeusement sur le secret de l’instruction - montrent que le dossier laisse apparaitre des aspérités à l’encontre l’Ex et que manifestement, çà intéresse le juge. On a dépassé le stade du simple témoignage. Surtout, la presse a rapporté que son avocat s’est rendu au Palais de Justice de Bordeaux, manifestement pour prendre connaissance du dossier, ce qui n’est pas autorisé aux témoins.
Quel statut pour avoir accès au dossier ?
L’accès au dossier est réservé aux « parties » à la procédure d’instruction, donc les parties civiles et les personnes mises en examen, ou les témoins assistés.
Comment s’exerce l’accès au dossier pénal ?
Seuls les avocats désignés peuvent avoir accès au dossier. Ils peuvent consulter le dossier au cabinet du juge d’instruction, ou en obtenir une copie, ce qui se fait maintenant le plus souvent sous forme d’un CD-Rom. Ils peuvent ensuite étudier le dossier avec leur client, à leur cabinet. Sous certaines conditions, ils peuvent obtenir du juge la possibilité de remettre des PV du dossier à leur client.
Quand les avocats découvrent-ils le dossier ?
Les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire ou l'audition de la partie qu'ils assistent, et la procédure est mise à leur disposition quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire. Après la première comparution de la personne mise en examen ou la première audition de la partie civile, la procédure est également mise à tout moment à la disposition des avocats durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction.
Qu’est-ce qu’un témoin assisté ?
La première hypothèse relève de critères formels. Toute personne nommément visée par un réquisitoire et qui n'est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté (CPP, art. 113-1).
Ensuite, si la personne est nommément visée par la plainte d’un particulier ou mise en cause par la victime, elle peut être entendue comme témoin assisté. Lorsqu'elle comparaît devant le juge d'instruction, elle est obligatoirement entendue en cette qualité si elle en fait la demande (CPP, art. 113-2, alinéa 1).
Vient ensuite le cas le plus fréquent, lié aux faits et prévu par l’alinéa 2 de l'article 113-2 : « Toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi peut être entendue comme témoin assisté ».
Notez bien la formule :« indices rendant vraisemblable que la personne ait pu participer à la commission des infractions ».
Qu’est-ce qu’une personne mise en examen ?
Le texte est l’artilce 80-1 : « A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ».
On voit le passage d’un cran : indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne ait pu participer à la commission des infractions.
Le mis en examen est présumé innocent, car une condamnation ne résulte que d’un jugement ou d'un arrêt devenu définitif.
Comment le juge décide-t-il ?
Le juge ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit dans le cadre d’un interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté. La personne convoquée peut opposer le silence. A l’issue de cette audition, le juge décide, mais il ne peut prononcer une mise en examen que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté.
Très pratique : Les personnes convoquées peuvent se rendre au tribunal avec le tramway