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Robert Ménard : celui qu'il faut détester

Justice au singulier - philippe.bilger, 17/06/2013

Je ne me fais pas d'illusion. Je crains que Robert Ménard soit sans cesse, pour les raisons que j'ai dites, l'homme qu'il faut détester. Ses succès seront intolérables. Ses échecs bienheureux.

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Robert Ménard est mon ami et j'éprouve comme le frisson voluptueux de me mettre en danger en le répétant.

Mais pas de le mettre en danger, lui.

Car il est bien au-delà de cet univers familier.

A son encontre, en effet, il y a tant de haine, d'hostilités, de malveillances, tant de procès de principe que mon souci réside seulement dans une tentative modeste pour réduire, endiguer le flot de ces aigres, méchantes, continuelles insanités.

Robert Ménard va se présenter aux élections municipales de Béziers et avec sa liste qui ira du FN à la gauche, je suis persuadé qu'il aura une forte chance de remporter son pari en devenant maire de cette ville peuplée d'habitants qui, comme partout en France, veulent honnêteté, autorité et efficacité.

Robert Ménard, si cette nouvelle mission lui échoit, retrouvera ce pour quoi il a démontré qu'il était le plus fait : moins la parole que l'action. La vraie, l'utile, l'urgente, la nécessaire, la quotidienne. L'irrésistible.

Pourquoi tant d'acrimonie et de violence à son encontre ? A l'égard d'une personnalité qui n'a pas tant de pouvoir et d'influence qu'il faille les compenser par une vigilance critique de tous les instants. Il y a des haines faciles à expliquer, à justifier. Pour ma part, je n'en éprouve qu'une qu'il me serait aisé de faire comprendre. Pour prendre un autre exemple illustre, Bernard-Henri Lévy suscite autant d'inconditionnalité admirative que de frénésie négative et, sans prétendre approuver celle-ci, je suis certain qu'elle ne serait pas à court d'arguments fondés ou non. De la même manière que pour une Caroline Fourest (Le Monde).

Mais Robert Ménard est seul et, dans le champ démocratique, il ne s'est jamais mis en position de devoir être récusé pour un excès de puissance, une aura trop étouffante. Alors, pourquoi cette constante suspicion, ce mépris condescendant comme devant un phénomène de foire et non pas un citoyen à respecter, quoi qu'il pense et qu'il dise ?

Le déclic m'est sans doute venu lors d'une récente émission de ONPC de Laurent Ruquier où, comme si cela allait de soi, cet animateur toujours hilare de soi et de ses saillies et Renaud Revel se sont permis, évidemment sans contradiction, d'insulter Ménard avec la tranquille assurance de vindicatifs certains de n'être pas poursuivis par ce dernier. Sur le même registre, Ruquier et Revel évoquaient la honte, pour l'ancien président de Reporters sans Frontières, de conduire une telle liste à Béziers. Ce rapprochement n'était pas neutre et m'a ouvert l'esprit.

Robert Ménard, comme président de RSF, par son action inlassable et internationale, ses provocations bienfaisantes dont la finalité était toujours de sauvegarde et d'assistance pour les journalistes en danger, s'était acquis une réputation au sens propre indiscutable et ce qu'il pensait ne comptait pas, ou infiniment moins, que les entreprises qu'il mettait en oeuvre au service des autres, ses confrères, ses amis, ses adversaires, la communauté de ceux qui risquaient la prison, leur vie, pour le bien le plus précieux selon Ménard : la liberté, leur liberté d'expression.

Ménard intouchable, une icône. Parfois trop audacieux pour certains, trop agité et impulsif pour d'autres. Mais, dans l'ensemble, respect pour l'homme, le héraut et le défenseur. Pour le personnage emblématique. Pas de gauche sans doute, et c'était regrettable, mais à ses origines, tout de même, il avait fait dans l'extrême gauche, comme tout un chacun journaliste, et, surtout, évidemment pas de droite .

La suite a fait apparaître non pas un autre Ménard - il était déjà présent à RSF mais n'exploitait, dans cette formidable entreprise, que l'exigence d'une universelle solidarité dont il était habité. L'idéologie, la droite, la gauche n'étaient pas son obsession. C'était sauver parce qu'il le fallait et faire libérer au nom de la justice.

L'autre Ménard - pour les journalistes ébahis - continuait à n'avoir peur de rien. Libre, imprévisible, indépendant, inclassable, imprudent, obsédé par la liberté d'expression des autres, férocement attaché à la sienne, répudiant entraves, limites et bienséances de nature à altérer la sincérité et la spontanéité de l'être, inapte aux prudences et au conformisme médiatiques, osant approuver la peine de mort pour certains criminels, adhérant à des positions du FN en matière de sécurité sans être le moins du monde affilié à ce parti, faisant par ailleurs, sur d'autres plans, des choix et ayant des orientations aux antipodes de la droite classique, irréductible, parfois dépassé par sa parole et sa passion, singulier. Atypique. Une nature. Une intelligence, un esprit sans frontières.

Je perçois, dans cette découverte stupéfiée de Ménard par les médias, la cause fondamentale du processus de démolition dont il a été l'objet mais auquel il a su résister victorieusement.

A la fois, il a donné mauvaise conscience aux journalistes de tous bords qui n'ont pu s'empêcher, malgré les apparences, d'envier une personnalité qui manifestait avec force tout ce dont ils se privaient. Cette liberté, ils n'ont pas cessé de la jalouser. Comme ils étaient incapables d'en user pour eux-mêmes, ils se sont consolés en maltraitant celui qui la vantait et l'incarnait.

Et il a démontré, honte indélébile, que ce président de RSF, qui l'avait bien dissimulé parce qu'il n'avait pas besoin de le révéler, avait eu sans doute, dans ses tréfonds, une part substantielle de droite. Une incongruité pour "journalistes de tous les pays, unissez-vous"!

Bien sûr, Robert Ménard, dans ses prestations radiophoniques ou télévisuelles, s'est trouvé quelquefois en posture de "surchauffe", d'outrance, d'exaltation mais, à titre personnel, je peux témoigner qu'il est celui qui m'a le plus pressé et bousculé au sujet de mon livre sur Brasillach. Par ailleurs, quelle personnalité de caractère supporterait notamment, sans réagir, le questionnement partial et ironique d'une Pascale Clark ? Je pardonne beaucoup aux excès inévitables de la sincérité.

En réalité, Robert Ménard a perçu que son avenir et son talent n'étaient pas accordés à cet univers médiatique même si celui-ci l'a aidé à le comprendre. Profondément doué pour l'action, ayant la passion du service des autres, intolérant à l'injustice et à la misère, haïssant clivages, fractures et communautarisme, tout sauf fasciste, partisan inconditionnel du dialogue, il trouvera, je l'espère, dans la conquête de Béziers puis comme maire, de quoi exprimer sa vision originale de la politique.

Le FN n'a rien exigé de lui. Si demain Robert Ménard accomplit des actes et prend des mesures dont la tonalité est celle de ce parti, ils seront les siens parce qu'il les aura toujours voulus. Mais il aura intérêt à avoir près de lui un génie de la communication pour que son anticipation permanente soit expliquée et acceptée. Qu'on ne lui prête pas les décisions du FN quand il aura été l'inspirateur.

Ce conseil municipal composé de l'extrême droite à la gauche, on peut s'en moquer, et de son pluralisme ostensible. Mais si cela fonctionnait contre toute attente ?

Robert Ménard s'inscrit dans un espace politique où le FN doit être maîtrisé mais non ostracisé. D'aucuns lui reprochent ce péché mortel, selon eux, contre la démocratie : oser coexister, au sein d'une équipe municipale, avec des membres du FN. Je ne doute pas qu'il est conscient de l'influence de cette position, de cette opposition moins politique que morale sans qu'on sache toujours très bien de quoi empiriquement serait faite cette immoralité. Il y est attentif et il répondra à ses adversaires intransigeants, absolus.

Je ne me fais pas d'illusion. Je crains que Robert Ménard soit sans cesse, pour les raisons que j'ai dites, l'homme qu'il faut détester.

Ses succès seront intolérables. Ses échecs bienheureux.


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