Un présumé innocent à la tête de l'UMP ?
Justice au singulier - philippe.bilger, 30/07/2014
On ne va jamais naturellement vers l'élégance, l'allure. Ce qui y mène plus souvent tient à la volonté de porter au plus haut une certaine image de soi. On a envie de pouvoir se regarder sans honte dans la glace.
Pourquoi une telle esthétique de l'honneur ne concernerait-elle que le singulier et jamais l'esprit collectif d'un parti ?
Pourquoi l'UMP ne pourrait-elle pas, un jour, se réveiller en éprouvant l'envie, en ayant l'ambition d'être considérée, respectée tant en raison de son fonctionnement interne, de sa gestion financière, de la qualité de sa réflexion que de l'exemplarité de son chef ? Pourquoi ce parti semble-t-il actuellement si peu soucieux de redorer son blason en tenant au moins à distance celui qui ne va pas l'ennoblir en se faisant élire à sa tête ?
Avec Nicolas Sarkozy, l'incroyable est vrai et l'inconcevable certain. Rien de ce qui est non pas illicite, illégal, mais vulgaire et indécent ne lui est, ne lui demeure étranger.
Pourtant ce n'était pas rien, déjà, que de violer allègrement son engagement, au soir de la défaite de 2012, d'abandonner la politique en affichant, depuis, pratiquement jour après jour, à la fois son désir de revanche personnelle et sa détestation agissante à l'égard de quelques-uns.
Ceux qui avaient eu le front de prétendre occuper un espace qu'il estimait lui être dévolu quasiment de droit présidentiel, malgré l'élection de François Hollande que sa personnalité, pourtant, avait largement facilitée.
Mais apparemment il y aurait bien plus.
Dans les premiers jours de septembre, il fera connaître sa décision au sujet de l'UMP comme si quiconque encore ignorait ses desseins, selon sa méthode habituelle qui pratique une discrétion ostensible et feint une réserve que son ego fait sans cesse voler en éclats.
Se présenteront contre lui deux candidats qui le valent bien et que leur moralité qualifierait plus que lui pour remettre l'UMP sur la voie du redressement : Bruno Le Maire et Hervé Mariton.
Persuadé de l'emporter, Nicolas Sarkozy a osé, si on en croit Charles Jaigu et Le Figaro généralement bien informés, poser deux conditions comme si, par avance, il se considérait comme un cadeau pour l'UMP et non tel un concurrent à égalité avec les autres.
La première lui permettrait de conserver son bureau d'ancien président rue de Miromesnil et la seconde ne le priverait pas de ses conférences juteuses dont beaucoup, paraît-il, sont déjà programmées pour l'automne.
La dernière l'a vu, au Congo, empocher une énorme somme dans des conditions où l'organisateur - la société Forbes Group Summit - entretenait des liens troubles avec le président Sassou Nguesso (Mediapart).
Que l'UMP, la date venue, puisse, après avoir accepté ce double diktat - je parie qu'elle n'aura pas officiellement la moindre opposition mais grondera dans les coulisses comme d'habitude -, porter à sa tête Nicolas Sarkozy révélera à quel point ce parti s'estime peu. En consentant à se laisser diriger par un homme qui lui dictera sa ligne politique pour sa stratégie personnelle en même temps qu'il s'abandonnera à sa passion du "fric" si voluptueusement goûtée depuis plus de deux ans.
L'UMP, en tout cas pas assez fière d'elle-même pour rejeter l'emprise d'un présumé innocent englué dans des procédures qui, si elles n'aboutissent pas, façonneront cependant une étrange et délétère atmosphère pour le principal parti d'opposition classique.
On ne sait jamais, l'UMP peut encore faire, lors du moment fatidique, la fine démocratie !