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C'est Depardieu !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 16/06/2015

Un être, une nature, une voix, un objet humain non identifiable, un acteur si omniprésent qu'il paraît jouer sa vie en même temps qu'elle l'exalte par sa réalité sombre ou allègre, une irremplaçable destinée. C'est Depardieu.

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Il n'y a pas de petits sujets qui tiennent pour les grandes personnalités.

"En ce moment c'est la vie qui m'enivre" (France Inter).

Des fulgurances, des pépites d'intelligence, des trésors qui se nichent dans le fouillis des phrases. L'autodidacte se venge du retard, se console de l'attente et éblouit.

"Ce métier, c'est un peu comme ça". J'ai fait "comme si" et, petit à petit, j'ai fait comme" (Le Figaro, Le Monde).

Des bonheurs d'expression inouïs surgis comme des oasis au sein de platitudes grandioses.

Des absurdités mais jamais étriquées ni mièvres, toujours chargées de souffle et emplies de mystère pour ceux qui les écoutent. Et s'il avait raison ?

"Le charisme, ça ne se travaille pas. Le charisme, c'est inné".

Des évidences et des constats qui mettent à mal pratiquement tout le monde politique, artistique et médiatique.

Une puissance, une liberté, une expansion de soi qui est bien au-delà de l'arrogance ou de la vanité de mauvais aloi, mais renvoie à la certitude d'être unique et singulier, comme une table est une table et un film un film.

"J'ai tourné le film avec une oreillette. Je ne veux pas apprendre les dialogues, ça déforme la pensée".

Etincelante intuition qui habite la parole que j'enseigne. Il faut toujours au moins donner l'impression qu'on invente son texte et qu'on se dicte à soi-même.

"Je ne suis pas gros, je suis vivant".

Dévastation de tous les préjugés, des conformismes, des prudences, refus de se laisser imposer quoi que ce soit par le regard trop souvent totalitaire des autres. Volonté de se camper comme un monstre de vérité dans un univers qui sublime la prudence et la bienséance en politesse quand elles ne sont que frilosité et lâcheté. Plutôt qu'un art de vivre, une défaite qui fait mourir à petit feu de son vivant.

Des superbes bienveillances et des jugements qui, sur les cimes, voient et visent juste.

"Luchini est comme moi, il adore les mots".

Poutine, la Russie, la Belgique, la mondialisation du génie et l'envie d'aller offrir un peu partout ce qu'il est est, moins pour être admiré ou par profit qu'à cause de cette conviction intime que sa personnalité est inconcevable dans l'étroitesse.

Les espaces infinis, oui, mais pas le pré carré envieux, étriqué et jaloux. Pourtant, plus que tout autre, il est la France et il donne à celle-ci ce qui lui manque tellement avec la présidence qui l'administre : un lyrisme opératoire, une folie active.

"Il y a des moments, certaines situations, où il faut se distinguer. Et non pas se distancier".

Qui oserait sourire de ces effervescences, de ces traits qui viennent chez lui, comme il respire, serait un imbécile. Si on veut bien s'attacher à eux avec une rationalité qui les décapera de ce qui semble être seulement un jeu de mots, on les comprendra.

Et on sera obligé d'admettre que le talent, le verbe et la finesse se moquent des conventions et vont se nourrir là où les accueille somptueusement parce que profondément on les aime et qu'on en a eu besoin.

"Saint Augustin, c'est fascinant à lire. Plus que Céline. J'en suis revenu, de ça, de ce crachat. Il n'y a pas de poésie dans la haine et la violence".

La volupté surprenante qu'on éprouve face à des désaccords fraternels : c'est sans doute faux mais c'est lui qui le dit !

Un être, une nature, une voix, un objet humain non identifiable, un acteur si omniprésent qu'il paraît jouer sa vie en même temps qu'elle l'exalte par sa réalité sombre ou allègre, une irremplaçable destinée.

C'est Depardieu.


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