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La Bibliothèque Sainte-Geneviève modifie son règlement pour autoriser la photographie personnelle. Et la vôtre ?

:: S.I.Lex :: - calimaq, 19/01/2015

En mars 2012, nous avions lancé avec Silvère Mercier et Olivier Ertszcheid la Copy Party, pour attirer l’attention sur le fait que la législation avait évolué de manière à autoriser la réalisation de photographies personnelles en bibliothèque, sur la base de … Continuer la lecture

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En mars 2012, nous avions lancé avec Silvère Mercier et Olivier Ertszcheid la Copy Party, pour attirer l’attention sur le fait que la législation avait évolué de manière à autoriser la réalisation de photographies personnelles en bibliothèque, sur la base de l’exception de copie privée. L’événement en lui-même de la Copy Party était en réalité relativement accessoire, même si plus d’une dizaine ont été organisées depuis. Ce qui importait, c’était de faire prendre conscience aux professionnels des bibliothèques que l’interdit de la photographie personnelle n’était plus justifié juridiquement et que les règlements intérieurs des établissements devaient être modifiés pour accueillir cet usage au quotidien.

Photographie par Marie-Lan NGuyen. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

Un peu d’eau a coulé sous les ponts depuis 2012 et il est encourageant de voir que cette semaine, un établissement emblématique comme la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à la fois grande bibliothèque patrimoniale et haut-lieu de la vie étudiante à Paris, a modifié son règlement pour autoriser la photographie personnelle sur la base de l’exception de copie privée et de l’exception pédagogique et de recherche :

Photographie de documents : le règlement est modifié !

Dans le cadre d’un usage privé ou relevant de l’exception d’enseignement et de recherche, les prises de vues au moyen d’un appareil personnel sont autorisées sous certaines conditions.

- Elles doivent être réalisées sans flash, sans contact direct de l’appareil avec le document, et dans le respect de la tranquillité des autres lecteurs ; le président de salle pourra aménager ou interdire la prise de vue des documents fragilisés ou susceptibles d’être endommagés, notamment les ouvrages de grand format (plus de 30 cm), à la reliure abîmée ou serrée, ou encore dont le papier serait jauni ou cassant.
– La reproduction des documents suivants est interdite : thèses non publiées, documents auto-édités, logiciels, bases de données, documents en dépôt et tout autre document imposant l’autorisation des ayants-droit.
– Selon l’accord conclu avec le Centre français d’exploitation du droit de copie, les reproductions effectuées avec le matériel mis à disposition par la Bibliothèque (photocopieur, scanner) sont autorisées dans la limite de 10% d’un livre et 30% d’un périodique.

Références légales :
Code de la propriété intellectuelle, notamment, art. L. 122-5, 2°, art L. 122-10L. 122-10

On retrouve ici les points essentiels de l’analyse juridique que nous avions produite à propos de la Copy Party, à savoir que la copie privée permet la reproduction de documents protégés par le droit d’auteur, à condition qu’elle soit réalisée avec un appareil dont le copiste est propriétaire, à partir d’une « source licite » et que l’usage des reproductions reste personnel. Certains documents sont exclus, soit parce qu’ils n’ont pas encore été publiés (thèses) ou parce qu’ils relèvent d’un régime particulier excluant la copie privée (logiciels, bases de données).

Photographie par Marie-Lan NGuyen. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

La Bibliothèque Sainte-Geneviève rajoute à raison que la copie de documents est également possible, que ce soit par les enseignants ou par les étudiants, pour faire jouer l’exception pédagogique et de recherche. Dans ce cas, il n’y a cependant pas d’obligation d’utiliser seulement un moyen de reproduction dont est propriétaire. L’utilisation des scanners mis à disposition par la bibliothèque est possible et l’usage ensuite des copies peut dépasser la sphère personnelle, dans les limites fixées par l’exception pédagogique qui viennent d’ailleurs d’être précisées par un protocole d’accord signé début janvier entre le Ministère et les sociétés d’ayants droit.

Depuis 2012, l’analyse que nous avions produite assimilant des collections de bibliothèques comme « source licite » à partir desquelles des copies privées peuvent être réalisées a été indirectement confortée par une récente décision de la Cour de Justice de la l’Union Européenne consacrée à la numérisation en bibliothèque. C’est dire que ces adaptations de règlement intérieur de bibliothèques sont possibles, mais qu’elles devraient même devenir obligatoires et les usagers devraient pouvoir revendiquer de procéder à des photographies personnelles là où cela leur est encore interdit.

Certains établissement, et non des moindres, comme la Bibliothèque nationale de France, continuent pourtant à refuser cette possibilité à leurs usagers, en limitant les photographies personnelles aux seuls ouvrages du domaine public, ce qui revient à neutraliser le jeu de l’exception de copie privée. Au vu des évolutions de la jurisprudence européenne, une telle interprétation est cependant de moins en moins supportable.

Photographie par Ann Chou. CC-BY-SA. Source : Wikimedia Commons.

A la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), établissement dans lequel je travaille, j’ai eu la satisfaction de constater à mon arrivée que l’usage de la photographie personnelle était autorisé depuis longtemps. L’essentiel des collections portant sur le XXème siècle, elles restent protégées par le droit d’auteur, mais leur état de fragilité fait qu’il est infiniment préférable de permettre à un chercheur de faire des reproductions avec son appareil photo plutôt d’avoir à sortir plusieurs fois les originaux des magasins. Cette possibilité ouverte aux usagers est quotidiennement utilisée par les chercheurs fréquentant la BDIC et complètement passée dans les usages.

Concernant la modification du règlement de Sainte-Geneviève, il n’y a qu’un élément qui me paraît être absent. L’exception de copie privée ou l’exception pédagogique ne constituent pas les seuls fondements sur lesquelles on peut s’appuyer pour réaliser une photographie. C’est aussi le cas lorsque les documents que l’on souhaite reproduire correspondent à des oeuvres appartenant au domaine public. Cette hypothèse devrait être prise en compte par les règlements intérieurs des établissements, car alors les scanners de la bibliothèques peuvent également être utilisés pour réaliser les reproductions et il n’est plus nécessaire de réserver les copies à l’usage personnel. Elles peuvent être partagées et publiées librement.

Et vous, connaissez-vous d’autres bibliothèques qui autorisent la photographie personnelle ?

 


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