La feuille de route de Mme Taubira sur la justice des enfants (467)
Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 16/05/2012
En lisant la brochure-programme du candidat François Hollande à la présidence de la République avec ses 60 propositions on pouvait être dubitatif, préoccupé, sinon franchement inquiet devant la seule et unique proposition concernant les enfants consistant à vouloir doubler le nombre de centres éducatifs fermés .
Analysant les différents programmes j’avais avancé ici (blog 455) que tout cela était un peu court.
Court car tous les enfants en conflit avec la loi, fort heureusement, ne relèvent pas de ce type de prise en charge lourde. Disposer à échéance de 80 centres éducatifs fermés (CEF) pouvant accueillir en théorie chacun 12 jeunes, en pratique bien moins, ne représente somme toute qu’une capacité d’accueil limitée dans le temps et fort onéreuse que pour au mieux 1500 jeunes. Les juges des enfants ont à connaître chaque année de 65 000 mineurs.
Et puis un CEF n'est qu'une réponse ponctuelle. Elle ne peut avoir du sens que dans une prise en charge inscrite sur la durée tout comme l’hospitalisation ne repond pas sur la durée aux besoins de soins des personnes malades.
Dans un projet réduit à cette seule dimension on retrouve le vieux mythe simpliste de la réponse institutionnelle : la structure qui résoud tout ! Ah si les choses étaient aussi simples cela se saurait depuis des decennies et des décennies !
D'autres perspectives s'imposaient.
Maintiendrait-on la dynamique de déconstruction de la justice pénale des mineurs engagée depuis 2002 ? Quid des dernières lois de 2011 qui anéantissent quasiment le statut des 16-18 ans et abaissent en pratique la majorité pénale à 18 ans ? On avait bien entendu parler de l’abrogation du dispositif inutile des peines planchers, puis d'un revirement.
Et puis rien sur la prévention de la primo délinquance. On pouvait estimer en creux que le souhait d’une plus grande justice sociale, le combat pour promouvoir un meilleur accès à l’éducation et à la culture, tout bonnement le fait de mettre au coeur du projet la jeunesse et la justice pouvaient suffire de viatique, à défaut de programme explicite, en bonne et due forme pour rassurer ceux qui depuis 10 ans assistent à la déconstruction d'uin siècle de travail et tentent d'y résister.
En d'autres termes tout cela apparaissait insuffisant sur le terrain de la lutte contre la récidive et singulièrement taisant sur le champ majeur de la prévention ! Un discours sur la justice avait bien été tenu à Paris par François Hollande dans le cadre de la campagne de premier tour. Il apportait quelques éléments de réponse, mais appelait à plus de précisions. On pouvait douter et, à tout le moins, être perplexe.
Ces interrogations, et bien d’autres, sont bien évidemment remontées au candidat-président.
On attendait d'être rassurés. On l'a été au dernier moment, mais on l'a été.
Dans un courrier adressé le 26 avril 2012 à l’association des magistrats de la jeunesse François Hollande apportent les précisions attendues. Il est clair sur le volet réponse à la délinquance des mineurs.
Bien évidemment, pas question de laxisme à l’égard de ces petits caïds qui sèment la terreur dans certaines cités, mais cette fermeté doit s’inscrire dans le cadre d’une démarche éducative et d’une démarche d’insertion. Plus question d’abroger l’ordonnance du 2 février 1945, mais plutôt d’en jouer le jeu à fond, ce qui n’interdit pas la fermeté.
Plus intéressant encore le futur président semble entendre le souci d’une politique territoriale de l’accueil des plus jeunes qui doit aller de pair avec une politique familiale, une politique sociale, une démarche de santé publique et des démarches d’intégration.
Ce courrier (1 et 2 ) est à lire avec intérêt pour juger du changement dans ce champ emblématique de la justice et de l'enfance.
Bien d 'autres chantiers attendent Mme Taubira dans la justice des enfants (loi sur les droits des beaux-pères et des belles-mères, statut des enfants victimes, dossier Mineurs étrangers isolés, etc.) et par-delà des réformes majeures s'imposent pour la justice (indépendance de l'institution judiciaire à travers la reforme du CSM et le statut du parquet, prise en compte des besoins humains et matériels de l'institution). Mais réaffirmer ces engagements sur la justice des mineurs et commencer à les mettre en oeuvre par des actes symboliques dans les jours et les semaines à venir sans attendre le deuxième gouvernement s'impose de toute urgence.
Courage et ne fuyons pas!