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Inquiétudes pour la Turquie

Actualités du droit - Gilles Devers, 11/10/2015

Le terrible attentat d’Ankara, avec que ce soir 97 morts , bilan qui...

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Le terrible attentat d’Ankara, avec que ce soir 97 morts, bilan qui devrait s’alourdir du fait du nombre des blessés graves, rappelle crûment ce qu’est la réalité du terrorisme, et renvoie au stade de l’indécence les excitations de notre gouvernement contre des faits décalés de cette industrie de la mort. Une pensée émue aussi pour le procureur de la République de Paris, avec ses démonstrations sur le terrorisme à propos d’un salarié qui a assassiné son employé son patron, dans un contexte de détresse psychologique.

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Samedi à Ankara, il s’agissait d’une manifestation dans le centre-ville, une zone particulièrement sécurisée, à quelques centaines de mètres des grandes administrations et du siège des services de renseignements. L’un des lieux les plus sûrs du pays… Cette manifestation était organisée par des syndicats, des groupes politiques s’adressant la jeunesse et le HDP, ce parti démocrate pro-kurde qui, avec 13% des voix, a bloqué la victoire de l’AKP lors des dernières législatives. Alors, plutôt pour, plutôt contre… peu importe, c’était une manifestation paisible appelant à la liberté et à la paix. Les images filmées au moment de l’attentat montrent quel public était visé... Le message est clair : les terroristes font comprendre qu’ils peuvent frapper, là où ils veulent, quand ils veulent.

Ainsi, la donnée massive, c’est ce rappel brutal de ce qu’est le terrorisme dans la démocratie : créer la terreur en tuant des innocents.

Alors, qui est à la manœuvre ? À 24 heures, il n’y a pas eu de revendication, ce qui montre la volont de créer le doute, pour mieux pourrir le climat. Je ne lis pas le turc, et mes amis d’Istanbul ou d’Ankara disposent eux-mêmes de trop peu d’informations. Impossible de se prononcer sur les causes.

Ahmet Davutoglu, le premier ministre, a évoqué trois pistes : le PKK, l’extrême gauche ou DAECH. Attendons les informations, mais il est difficile d’envisager que le PKK tuant plus de cent de ses (même lointains) partisans, et s’il existe effectivement un activisme d’extrême-gauche violent, cet attentat par deux kamikazes dans une manifestation publique n’est pas dans ses méthodes. Alors DAECH ? Ou d’autres ? Espérons que l’enquête progresse, pour que ne s’installe pas la mortelle suspicion, qui est un des buts de cet attentat.

Impossible de se prononcer sur les causes, et il sera bien temps d’y revenir, mais cet attentat s’inscrit dans un contexte politique particulièrement lourd.

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Dans trois semaines, le 1er novembre, sont organisées les élections législatives, les deuxièmes de l’année car celles du printemps avaient laissé l’AKP sans majorité absolue et n’avaient pas permis de faire une coalition.

Deux législatives en un an, ce n’est pas simple même si la constitution le prévoit, mais surtout, depuis le début de l’année 2015, les événements se sont précipités, avec la réouverture des hostilités entre le PKK et l’État, et l’implication complexe de la Turquie dans la coalition internationale contre DAECH.

Erdogan a connu un parcours politique exceptionnel, maire d’Istanbul métamorphosant cette ville, puis Premier ministre dynamisant la Turquie, ce à la tête d’un grand parti musulman, l’AKP, s’inscrivant pleinement dans la tradition laïque et démocratique de la Turquie.

Ne pouvant se représenter après deux mandats, du fait des statuts de l’AKP, Erdogan a été élu président de la République, affichant sa volonté d’obtenir une majorité des deux tiers à l’Assemblée, pour pouvoir changer la constitution et recentrer les pouvoirs sur la présidence. Le pari a été perdu : loin d’obtenir les deux tiers, l’AKP n’a pas eu la majorité. Il ne pourra y avoir de changement de constitution.

Alors, quelle va être le résultat de ces nouvelles élections ? L'AKP misait sur ce nouveau vote pour atteindre une majorité absolue, mais l’extrême tension des événements depuis quelques mois éloigne cette perspective. L’électorat de l’opposition traditionnelle étant stable, une majorité absolue de l’AKP supposait l’écroulement du HDP, et nous en sommes en loin, ou une migration du vote nationaliste, que l’on ne retrouve pas dans les sondages.

Il y a donc une attente particulièrement forte pour ce scrutin du 1er novembre, en souhaitant que la date puisse être maintenue.

S’il n’y a pas de majorité absolue, il faudra trouver une coalition. C’est plus complexe et moins efficace, mais l’obligation institutionnellement créée de travailler ensemble sera peut-être une chance.

Loin d’Istanbul ce soir, et disposant de si peu d’informations, le seul souhait à exprimer est que la société turque tienne, devant la violence dramatique des événements. Son histoire montre qu’elle en a toutes les capacités, mais j'ai ressenti de la part de mes amis une vraie inquiétude. 

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Le parlement turc


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