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New York : La liberté d’être obèse

Actualités du droit - Gilles Devers, 12/03/2013

A New York, l’importance de l’obésité est flagrante, et les chiffres de...

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A New York, l’importance de l’obésité est flagrante, et les chiffres de santé publique sont éloquents : 58% des adultes et 40% des enfants sont obèses ou en sur poids. C’est la cause directe de 6 000 décès chaque année. Les causes ne sont pas trop difficiles à trouver : c’est la malbouffe ; trop, trop gras, trop salé, trop sucré… un vrai jeu de massacre.

worst-single-serving-beverages (1).jpgEn tête, les boissons sucrées et les sodas vendus en quantité XXL, souvent moins cher que l’eau et avec un prix qui augmente à peine pour les méga-sodas. La norme dans les distributeurs, qui était de 20 cl est passée à 35, puis 47. Le vrai délire, c’est le gobelet pour les cinémas, le « Big Gulp », de 64 onces soit 1,92 l. Dingue. Deux litres de coca pour apprécier un film… A ce jeu, le soda devient la basse de l’alimentation, et dérègle tout, ce n’est pas sorcier à comprendre.

Michael Bloomberg, le Maire de New York, qui a une attention constante pour les questions de santé publique, actif notamment contre tabac ou pour l’indication des valeurs calorifiques sur les menus des restaurants, a ouvert les hostilités ce mois de mai.  

Le discours est nickel : «Il y a une épidémie dans ce pays de gens trop gros, le pourcentage de la population obèse monte en flèche. Nous devons faire quelque chose. Nous avons l’obligation de vous avertir quand les choses ne sont pas bonnes pour votre santé. Après, vous avez la responsabilité de prendre soin de vous».

D’où la mesure prise : interdiction de vendre du soda dans des contenants de plus d’un demi-litre dans les cinémas, snacks et restaurants, mesure voté par la Commission de la santé de la ville  en septembre. L’argument est simple : on n’interdit rien, car il reste possible d’acheter plusieurs gobelets de 47 cl, mais on souligne le danger, pour que ça remonte au cerveau du consommateur. Pendant trois mois, l’interdiction est amiable, et après viendra la sanction par des amendes.

La mesure était spectaculaire et destinée à marquer,… alors l’industrie s’est réveillée avec une campagne d’opinion et un recours en justice.  

A la manœuvre, l’American Beverage Association (ABA), qui représente l’industrie du soda : « La ville de New York nourrit une obsession malsaine pour les attaques contre les boissons gazeuses. Il est temps pour les professionnels de santé de passer à autre chose et de chercher des solutions qui vont vraiment lutter contre l’obésité. Ces mesures détournent juste l’attention du difficile travail qui doit être fait sur ce terrain ».

En sous-main, le Centre pour la liberté des consommateurs se déchaîne contre Nanny Bloomberg, ce Maire Nounou. Et ça marche : les sondages montrent la population de New-York majoritairement hostile à l’interdiction.o-BLOOMBERG-NANNY-570.jpg

Alors que la mesure devait entrer en vigueur ce mardi, le juge Milton Tingling, de la State supreme Court de Manhattan a rendu sa décision hier, qualifiant cette mesure d'« arbitraire » et il l’a interdite « de façon permanente ».

Le Maire a aussitôt annoncé qu’il allait faire appel, mais il ferait peut-être mieux auparavant de bien lire le jugement...  

On trouve d’abord un sérieux problème de forme. La décision n’a pas été prise par le Maire ou le Conseil municipal, mais la Commission de la santé de la ville, qui regroupe des personnes nommées par le Maire, donc assez facile d’avoir la majorité…  Pour le juge, cette Commission n’aurait été compétente pour prendre une telle mesure qu’en cas de « danger imminent », ce qui ne correspond pas à ce problème général de santé publique, même si l’acuité en est établie.

Le juge met ensuite en cause la cohérence de la liste des produits interdits, et reprenant les arguments des requérants, il cite un certain nombre de boissons sucrées qui ne sont pas concernées.

Enfin, le juge estime qu’il y a des incohérences dans les lieux de vente touchés par la mesure, et qu’il serait de plus très difficile de faire respecter cette mesure sur l’ensemble de la ville. Aussi, l’application, nécessairement erratique, ne pourrait atteindre le but recherché. 

Au final, le juge a déclaré cette mesure « arbitraire et capricieuse », et il est allé boire un coup (d’eau minérale) pour arroser ça.

us, santé publique


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