Un perroquet est-il protégé par la liberté d’expression ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 10/09/2012
C’est une affaire redoutable que va devoir trancher le tribunal de Rhode Island (US) : peut-on prononcer une condamnation du fait d’un perroquet insulteur ?
Le contexte politico-diplomatique est celui des amours déçus entre deux habitants de cette ville, Madame Taylor et Monsieur Fontaine. Ils s’aimèrent, se marièrent, puis se séparèrent et donc se relogèrent. Une tragédie déjà rencontrée dans l’histoire de l’humanité, mais qui se double d’une belle comédie car Monsieur Fontaine s’est réinstallé chez le voisin immédiat, qui se trouve être une voisine immédiate, Madame Melker, et Monsieur Fontaine s’est remarié avec Madame Melker.
La rupture se semble pas tout-à-fait apaisée, et la passion des amours contrariés de Madame Taylor et Monsieur Fontaine est aussi tonique qu’un concentré moléculaire de trois épisodes de L’amour est dans le pré.
Dernière saillie de Madame Taylor : elle a appris à Willy, son perroquet, à insulter ses voisins, et en fait, surtout sa voisine. Le fidèle Willy s’en prend ainsi régulièrement à Madame Melker, l’honorant de la qualification de « putain » et autres compliments associés.
Alors, est-ce une injure ? une diffamation ? la description d’un trait de caractère ?
Madame Melker a porté plainte, mais en engageant le combat judiciaire sur le fondement de la loi qui sanctionne les volumes sonores excessifs émis par les animaux.
A l’évidence, elle prend ainsi un sacré risque, car il suffirait que Willy apprenne à chuchoter, et ce pourrait être du canardage de « putain », à bas bruit, mais à feu continu.
La défense de Madame Taylor a soulevé une exception de procédure, soutenant que la loi pénale sur les niveaux sonores émis par les animaux est trop incertaine, et donc anticonstitutionnelle.
Rien du tout, vient de répondre le juge, et le procès va se poursuivre.
Si le niveau sonore est jugé excessif, il restera alors à plaider sur la liberté d’expression.
D’abord, le juge sera nécessairement sensible à la fidélité de Willy, plus attaché à sa patronne que l’ex de celle-ci, lequel est allé faire son nid chez la voisine, se montrant ainsi plus volatile que le brave Willy.
Ensuite, il n’est dit nulle part que les mots d’un perroquet ne puissent pas bénéficier des dispositions du 1° amendement, car ce qui est protégé, c’est l’expression de opinions, et non pas celui qui s’exprime.
Alors, liberté d’expression pour les perroquets ? Affaire à suivre, et qui pourrait intéresser au plus haut point Libé, si j’en juge par le choix de ses unes de ces jours-ci.