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Une troisième chance pour Patrick Henry ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 14/01/2016

Enfin, qu'y aurait-il même de choquant à voir Patrick Henry aller au bout de sa perpétuité pour ce crime en effet "innommable" ? Lui aurait droit à un enfermement à temps quand la mort et le chagrin ont enfermé une famille à perpétuité ? Où serait la justice ?

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Cela commence à faire beaucoup !

Au mois de janvier 1976, Patrick Henry (PH) enlève un petit garçon de 7 ans, Philippe Bertrand, pour obtenir une rançon. Il n'obtiendra pas cette dernière et tuera l'enfant qui aurait été susceptible de le reconnaître. Lors de l'enquête, avant d'être interpellé, il s'était montré en première ligne, et parmi les plus vindicatifs à l'encontre du meurtrier recherché.

A l'issue de son procès devant la cour d'assises de l'Aube au mois de janvier 1977, il avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité alors que l'avocat général avait requis la peine de mort. Patrick Henry était défendu par Me Robert Badinter.

Ailleurs qu'à Troyes, effrayé par avance d'être étiqueté sanguinaire, Patrick Henry n'aurait sans doute pas échappé à la peine de mort et pour ma part je me félicite de la mansuétude troyenne.

Sa première chance.

La promesse de substituer à la peine de mort, après son abolition en 1981, une perpétuité effective n'a jamais été tenue par le ministre Robert Badinter.

Patrick Henry s'est montré un détenu exemplaire, il a poursuivi des études et obtenu une licence de mathématiques et un DUT en informatique.

Au mois d'avril 2001, après de multiples demandes rejetées, la libération conditionnelle lui est accordée et il va travailler dans une imprimerie du Calvados.

Sa deuxième chance.

Au mois de juin 2002, il vole dans un magasin de bricolage des biens pour un montant de 76 euros.

Au mois d'octobre de cette même année, il est interpellé au volant d'un 4x4 en Espagne avec 10 kg de résine de cannabis.

Au mois de juillet 2003, il est condamné à quatre ans d'emprisonnement et, sa libération conditionnelle ayant été naturellement révoquée, il retombe sous le régime de la réclusion criminelle à perpétuité.

Son avocat est alors Me Thierry Lévy, immense avocat avec la plus belle langue qui soit. J'éprouve amitié et admiration à l'égard de cette personnalité dont la philosophie pénale est pourtant très éloignée de la mienne.

Patrick Henry recommence à être perçu comme un prisonnier irréprochable.

Martine Veys, une femme qui est devenue son amie après l'avoir visité comme bénévole il y a vingt ans, souligne : "Je sais qu'il a commis l'innommable. Lui en a également pleinement conscience et ne cherche en rien à se dédouaner".

Le 7 janvier 2016, après plusieurs requêtes déçues, le tribunal de l'application des peines de Melun le fait bénéficier d'une nouvelle libération conditionnelle mais la procureure interjette un appel - suspensif - de cette décision en indiquant qu'elle y avait été hostile d'emblée à cause d'un "encadrement" insuffisant. La cour d'appel devra statuer dans un délai de deux mois (Le Parisien).

Sa nouvelle avocate depuis trois ans déclare que Patrick Henry est "un symbole qu'on juge" et qu'"il est temps qu'il sorte".

En dehors d'elle, de Me Lévy, de Mme Veys et de Patrick Henry lui-même, qui peut franchement partager l'expression de cette impatience ?

Une troisième chance pour Patrick Henry, alors ?

En dépit d'une exécution des peines criminelles qui se fonde sur le principe de leur inexécution partielle, serait-ce faire preuve de sadisme civique que de n'être pas scandalisé par une éventuelle infirmation du jugement du 7 janvier ?

Il est probable que ce qui est advenu entre 2001 et 2003 au détriment de la société et d'une réinsertion réussie risque de se renouveler, la palette de PH étant passée du paroxysme criminel à un vol simple puis au trafic de stupéfiants. Pourquoi ne serait-elle pas tristement enrichie demain ?

Ce que PH invoquait en 2004 pour se justifier, et qui tenait à l'inévitable dérèglement social causé par une longue incarcération, ne sera-t-il pas encore plus d'actualité en 2016 ? Pourquoi les transgressions de 2002 ne seraient-elles pas encore plus à craindre quatorze années plus tard ? En 2001, lors de son unique libération conditionnelle pour l'instant, il n'est personne qui doutait du destin de Patrick Henry comme homme libre. Et pourtant ! Ne serait-il pas tout simplement l'un de ces hommes rares pour qui la société, son effervescence et ses tentations seraient criminogènes, à quelque âge que ce soit ?

Enfin, qu'y aurait-il même de choquant à voir Patrick Henry aller au bout de sa perpétuité pour ce crime en effet "innommable" ? Lui aurait droit à un enfermement à temps quand la mort et le chagrin ont enfermé une famille à perpétuité ?

Où serait la justice ?


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