L’obligation d’achat de l’électricité d’origine éolienne constitue-t-elle une aide d’Etat illégale ?
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard et Mathieu Prats-Denoix, 9/10/2013
La Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a été saisie par le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle aux fins de déterminer si le mécanisme de financement par les consommateurs finals de l’obligation d’achat de l’électricité éolienne à un prix supérieur à celui du marché relève de la notion d’intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat qui constitue l’une des quatre conditions à la qualification d’aide d’Etat. Dans ses conclusions rendues le 11 juillet 2013, l’avocat général Jääskinen conclut que le mécanisme en cause relève bien d’une telle notion, laissant présager sa qualification d’aide d’Etat.
Le mécanisme institué par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 [telle que modifiée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003] , codifié à l’article L.314-1 du code de l’énergie, prévoit que les producteurs d’électricité d’origine éolienne bénéficient d’une obligation d’achat de l’électricité produite, à un prix supérieur à celui du marché. Les débiteurs de cette obligation d’achat sont les distributeurs (EDF et les entreprises locales de distribution). Les surcoûts en découlant sont compensés par le versement d’une contribution due par les consommateurs finals.
Pour qu’une aide soit qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »), il doit s’agir d’une intervention de l’état ou au moyen de ressources d’Etat ; que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre Etat membres ; qu’elle accorde un avantage à son bénéficiaire ; qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence.
Dans un arrêt avant dire droit du 15 mai 2012, Association Vent de colère ! (n° 324852 ), par lequel, saisi d’un recours en excès de pouvoir contre les arrêtés des 17 novembre 2008 et 23 décembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité d’origine éolienne, il sursoit à statuer jusqu’à ce que la CJUE se prononce sur la question préjudicielle, le Conseil d’Etat a déjà jugé que les trois autres conditions pour qualifier l’aide d’Etat étaient remplies.
Si le CJUE confirme les conclusions de l’avocat général, l’obligation d’achat d’électricité dorigine éolienne recevra la qualification d’aide d’Etat, aide d’Etat illégale puisque non notifiée à la Commission européenne en application du 3ème alinéa de l’article 108 TFUE.
Sans préjuger de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, une fois qu’elle sera notifiée à la Commission, le juge national n’aura d’autre choix que d’ordonner le remboursement de l’aide perçue. En effet, saisi d’une demande visant à la restitution d’une aide d’Etat illégale, le juge national ne peut pas surseoir à l’adoption de sa décision sur cette demande jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur (CJUE 11 mars 2010, CELF, C-1/09).
Le Conseil d’Etat ne pourra, a priori, pas moduler l’effet de sa décision dans le temps (par application de sa jurisprudence AC ! du 11 mai 2004, n° 255886 ) en différant l’annulation des arrêtés contestés devant lui, sans priver d’effet l’obligation de notification de l’aide à la Commission, prévue par le traité.
Reste à savoir comment les autorités publiques et les juridictions nationales vont tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de Luxembourg et ordonner le remboursement des aides perçues par les producteurs d’électricité éolienne, de façon continue depuis le 1er janvier 2003* , le cas échéant assorties d’intérêts, comme l’y invite l’arrêt CELF de la Cour de Luxembourg (précité), pour compenser les avantages indûment octroyés pendant la période où l’aide était versée. Les conséquences pour les producteurs d’énergie éolienne seront lourdes, d’autant qu’ils ne pourront se prévaloir des règles nationales de la prescription, seule la prescription décennale prévue à l’article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 étant applicable (CE 30 décembre 2011, CELF, n° 274923).
En théorie, une récupération complète de l’aide pourrait impliquer le remboursement, à chaque consommateur, de la part de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qu’il a acquitté ayant permis de financer l’obligation d’achat d’énergie éolienne. En pratique, on peut imaginer que, comme par le passé, (voir les aides aux agriculteurs, notamment), l’aide versée ne soit pas récupérée ou ne le soit que partiellement. L’obligation juridique de récupérer de l’aide cédant au réalisme politique.
*Date d’entrée en vigueur du mécanisme de financement de l’obligation d’achat de l’électricité éolienne institué par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003. Avant cette date, le mécanisme de financement prévu reposait sur une contribution, non pas des consommateurs finaux mais des producteurs, fournisseurs et distributeurs d’électricité. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 21 mai 2003, UNIDEN (n° 237466) avait validé ce dispositif, en application de la jurisprudence de la CJCE du 13 mai 2001, PreussenElektra (aff. C-379/98).
Pour qu’une aide soit qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »), il doit s’agir d’une intervention de l’état ou au moyen de ressources d’Etat ; que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre Etat membres ; qu’elle accorde un avantage à son bénéficiaire ; qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence.
Dans un arrêt avant dire droit du 15 mai 2012, Association Vent de colère ! (n° 324852 ), par lequel, saisi d’un recours en excès de pouvoir contre les arrêtés des 17 novembre 2008 et 23 décembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité d’origine éolienne, il sursoit à statuer jusqu’à ce que la CJUE se prononce sur la question préjudicielle, le Conseil d’Etat a déjà jugé que les trois autres conditions pour qualifier l’aide d’Etat étaient remplies.
Si le CJUE confirme les conclusions de l’avocat général, l’obligation d’achat d’électricité dorigine éolienne recevra la qualification d’aide d’Etat, aide d’Etat illégale puisque non notifiée à la Commission européenne en application du 3ème alinéa de l’article 108 TFUE.
Sans préjuger de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, une fois qu’elle sera notifiée à la Commission, le juge national n’aura d’autre choix que d’ordonner le remboursement de l’aide perçue. En effet, saisi d’une demande visant à la restitution d’une aide d’Etat illégale, le juge national ne peut pas surseoir à l’adoption de sa décision sur cette demande jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur (CJUE 11 mars 2010, CELF, C-1/09).
Le Conseil d’Etat ne pourra, a priori, pas moduler l’effet de sa décision dans le temps (par application de sa jurisprudence AC ! du 11 mai 2004, n° 255886 ) en différant l’annulation des arrêtés contestés devant lui, sans priver d’effet l’obligation de notification de l’aide à la Commission, prévue par le traité.
Reste à savoir comment les autorités publiques et les juridictions nationales vont tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de Luxembourg et ordonner le remboursement des aides perçues par les producteurs d’électricité éolienne, de façon continue depuis le 1er janvier 2003* , le cas échéant assorties d’intérêts, comme l’y invite l’arrêt CELF de la Cour de Luxembourg (précité), pour compenser les avantages indûment octroyés pendant la période où l’aide était versée. Les conséquences pour les producteurs d’énergie éolienne seront lourdes, d’autant qu’ils ne pourront se prévaloir des règles nationales de la prescription, seule la prescription décennale prévue à l’article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 étant applicable (CE 30 décembre 2011, CELF, n° 274923).
En théorie, une récupération complète de l’aide pourrait impliquer le remboursement, à chaque consommateur, de la part de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qu’il a acquitté ayant permis de financer l’obligation d’achat d’énergie éolienne. En pratique, on peut imaginer que, comme par le passé, (voir les aides aux agriculteurs, notamment), l’aide versée ne soit pas récupérée ou ne le soit que partiellement. L’obligation juridique de récupérer de l’aide cédant au réalisme politique.
*Date d’entrée en vigueur du mécanisme de financement de l’obligation d’achat de l’électricité éolienne institué par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003. Avant cette date, le mécanisme de financement prévu reposait sur une contribution, non pas des consommateurs finaux mais des producteurs, fournisseurs et distributeurs d’électricité. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 21 mai 2003, UNIDEN (n° 237466) avait validé ce dispositif, en application de la jurisprudence de la CJCE du 13 mai 2001, PreussenElektra (aff. C-379/98).