Jean-Paul Belmondo : l'homme de France
Justice au singulier - philippe.bilger, 7/04/2013
Je m'apprêtais à m'en prendre à ces opposants indignés par l'affaire Cahuzac et faisant oublier à bon compte qu'ils n'avaient pas été irréprochables ou à ces donneurs de leçons à la Justice se permettant de traiter les magistrats avec condescendance alors qu'ils étaient vraiment mal placés pour cela. Ainsi je songe à une phrase de Brice Hortefeux soulignant qu'il ne fallait pas confondre le juge Gentil avec l'institution judiciaire. Cet homme-là, cet ancien ministre, cette personne mêlée à tant d'obscurités d'Etat ferait mieux de nous dispenser de ses appréciations.
Mais heureusement j'ai lu Var-Matin et l'excellent numéro que ce quotidien a consacré à Jean-Paul Belmondo qui aura 80 ans le 9 avril (France 2).
Si immédiatement j'ai changé mon billet d'esprit, mon fusil intellectuel d'épaule, c'est pour une double raison.
Le hasard a mis sur mon chemin, dans ma nouvelle vie professionnelle, un avocat, Me Michel Godest, devenu un ami proche et qui est le conseil depuis des années de "Bébel", l'une de nos gloires nationales.
Surtout, Jean-Paul Belmondo, dans le coeur des Français, de sa jeunesse bondissante, de sa maturité talentueuse à son âge d'aujourd'hui, garde une place à part.
On peut dire que sa personne, avec sa vivacité, sa gouaille, sa séduction, l'incroyable sympathie qu'elle a dégagée quels que soient les circonstances et les aléas de son existence, n'a cessé de représenter la France dans son essence cocardière, flamboyante mais aussi discrète, élégante et pudique. Rien n'a jamais pu atteindre sa réputation ni créer le moindre discrédit dans le rapport que tous ceux que le cinéma passionne ont entretenu avec cet immense acteur quand il se donnait la peine d'être à la hauteur de ce qu'il portait en lui et que les metteurs en scène lui permettaient de démontrer ce qu'il valait.
En m'abandonnant à un choix totalement subjectif et trop restreint devant la richesse d'une telle carrière, je ne sais pourquoi, j'ai envie de mettre en exergue Cartouche, Léon Morin prêtre et L'homme de Rio.
Jean-Paul Belmondo, Bébel, le voir, l'entendre, s'en souvenir, faire venir en nous les séquences inoubliables où son caractère joyeux et désinvolte savait s'imprégner de tendresse et de gravité, revient à plonger dans une histoire qui se confond presque avec une Histoire artistique et culturelle de la France. Belmondo est quelqu'un qui ne s'est jamais pris au sérieux mais qui nous a touchés par le rire, la fraternité, la certitude que nous avions en lui un incontestable, un irremplaçable ami. Quelqu'un avec qui nous aurions désiré échanger, plaisanter ou dîner.
Pas d'anecdote plus significative et plus éclairante à ce sujet que celle racontée par Patrice Leconte. Dans un film dont il était le réalisateur et où Belmondo jouait avec Delon, les deux acteurs devaient, pour rejoindre le plateau, passer devant une foule de badauds. Le premier est applaudi et distribue des autographes avec le sourire. C'est un proche, il est des leurs. Le second paraît, c'est le silence. "Comme si le proviseur traversait la cour".
C'est toute la différence. Delon n'en finit pas de se montrer. Il ne parvient pas à s'oublier.
Jean-Paul Belmondo n'a pas besoin de nous démontrer qu'il existe. Il y a en chacun de nous un peu de Belmondo.
Puisqu'il a toujours été, et qu'il demeurera, l'homme de France.