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Affaire Lambert : Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat, je vous dénie le droit d’interférer dans ma santé

Actualités du droit - Gilles Devers, 16/02/2014

Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat ,   J’ai bien...

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J’ai bien lu l’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat le 14 février 2014, et je vois le consensus qui s’installe autour de cette décision. Je l’estime pour ma part contraire aux bases du droit et parce qu’il s’agit de l’essentiel – la protection de la santé – je dois dire, franchement et directement, mon désaccord total : je refuse qu'un juge interfère dans ma santé. Je peux me tromper, et le Conseil d'Etat s'est lui-même souvent trompé, mais mes convictions reposent sur des bases solides.

 

L’ordonnance du 14 février 2014

 

Le Conseil d’Etat a statué en appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a « suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 d’un médecin, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire de Reims, de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles d’un patient hospitalisé dans ce service ».

 

C’est donc bien la décision d’un médecin qui est suspendue. C’est une première… aussitôt banalisée.

 

La procédure a été engagée dans le cadre de l’article L. 521 2 du code de justice administrative, qui définit les conditions d’intervention du juge : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (…) ».

 

Le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence : « En vertu de cet article, le juge administratif des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; ces dispositions législatives confèrent au juge des référés le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d’évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales ». Rien à dire : c'est la loi.

 

Et ensuite, tout change. C’est du pur droit prétorien. En marge de la loi, le juge des référés dessine une procédure particulière à la fin de vie. Si le Parlement était vivant, il aurait protesté que c’est lui qui vote la loi, et que le juge l’interprète, dans le jeu des principes, pour la mettre en oeuvre. Mais le Parlement est lui-même en fin de vie.


Je cite sans changer un mot le 5° considérant.

 

« Considérant toutefois qu’il appartient au juge des référés d’exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’une décision, prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que l’exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie ; qu’il doit alors, le cas échéant en formation collégiale, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable ; que, dans cette hypothèse, le juge des référés ou la formation collégiale à laquelle il a renvoyé l’affaire peut, le cas échéant, après avoir suspendu à titre conservatoire l’exécution de la mesure et avant de statuer sur la requête dont il est saisi, prescrire une expertise médicale et solliciter, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’avis de toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement la juridiction ».

 

Le Conseil d’Etat en conclut qu’il lui revient de s’assurer qu’ont été respectées « les conditions mises par la loi pour que puisse être prise une décision mettant fin à un traitement dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable », et qu’il doit pour ce faire disposer « des informations les plus complètes, notamment sur l’état de la personne concernée ». En bref, pour toute situation de fin de vie, un clan familial peut bloquer le processus médical par un référé.

 

Le Parlement peut aller se coucher… car c’est désormais le Conseil d’Etat qui écrit la loi, et – ô hasard – cette loi place le Conseil d’Etat au cœur du dispositif.

 

Les non-juristes diront « et alors ? Si ça marche c’est bien ». Le Monde salue la sagesse du Conseil d’Etat !

 

Non, il faut rester

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